Le premier titre de la série de jeux opérationnels First World War Campaigns. C’est ainsi que nous est présenté France ’14. L’incursion précédente dans le domaine sub-stratégique, War on the Southern front, avait pour cadre plus conventionnel la Seconde Guerre mondiale. Décidément, HPS semble enclin à voir les choses en grand. Outre un sujet original sur le premier conflit mondial du XXe siècle, l’éditeur propose-t-il ici un wargame ambitieux ou, encore une fois, une simulation allégée ?

Le contact initial donne l’impression de se rendre à un rendez-vous régulier avec une vieille connaissance. Sensation familière de connivence, teintée de lassitude, à l’apparition de graphismes usés par les années. Toutefois, la dame présente un je ne sais quoi d’à la fois rassurant et de subtilement différent ; comme une nouvelle coupe de cheveux ou un détail vestimentaire qui romprait la monotonie. On se prend à dévisager la chose, pour tenter de mettre des mots sur ce trouble. Oui, c’est bien ça ! La carte 2D s’habille ici de bitmaps inhabituels, plus seyants ; agréables à l’œil, sans être réellement révolutionnaires.

Tout est plus clair, net et visuellement satisfaisant. Particulièrement les voies ferrées, aisément distinguables du réseau routier. Malheureusement, comme si cette folie novatrice avait dû coûter un bras au créateur, on déchante bien vite après avoir fiévreusement cliqué pour passer en 3D. Le choc est d’autant plus violent. C’est toujours aussi laid, indigne et frustrant. Pauvre Bertha !

“Une simulation des cinq premiers mois de la guerre occidentale, à l’échelle d’un kilomètre par hexagone et ayant  comme unité de base le bataillon. Un projet aussi ambitieux que fou qui, à ma connaissance n’a pas d’équivalent dans l’histoire du wargame.” Voilà la description que fit Ed Williams à John Tiller, lorsqu’il lui présenta son ébauche de jeu ayant pour cadre la Première Guerre mondiale.

Si l’intention était louable, l’échelle adoptée et le système supposé lui donner vie, celui des Panzer Campaigns, ne furent malheureusement pas si heureux. La lenteur dans la résolution des tours, plombée par l’absence de paramétrages adaptés, ruine en grande partie le plaisir certain qu’on peut éprouver à manipuler la pléthore de marqueurs d’unités, modélisant  avec un soin quasi maniaque les protagonistes du champ de bataille.

Si la filiation avec la série Panzer Campaigns est revendiquée, cette mouture opérationnelle s’en démarque par quelques modifications des règles ; essentiellement pour les adapter à l’échelle différente mais aussi à la période traitée. Les ajouts évidents concernent principalement la cavalerie à cheval. On trouve quelques subtilités : au niveaux des conditions d’attachement des unités ; de la rugosité et des pénalités de retrait, qui disparaissent pour les unités de type MG (mitrailleuses) ou évoluent, légèrement, pour l’artillerie sur carte ; des possibilités de mouvement, surtout concernant les éléments tractés ou portés. On remarque aussi l’apport de nouveaux visuels relatifs aux Redoubt (redoutes) et autres forts, accompagnés de règles spécifiques pour les assauts et positions défensives.

L’aviation ne bénéficie que d’une retouche anecdotique concernant les reconnaissances. Plus significatives sont les révisions proposées pour les unités du génie, qui perdent -curieusement- leur capacité de pontonniers, comme celles de miner ou déminer le terrain mais gagnent des bonus accrus pour fortifier les positions défensives, ainsi que la prérogative exclusive de détruire les voies ferrées. On peut s’interroger sur ce qui aura motivé ces décisions. Pour finir, les règles de mouvement (hors réseau routier) et combat nocturne sont renforcées, particulièrement lors des assauts ; les unités impliquées se trouvant pénalisées d’un status Disrupted (désorganisation temporaire).

Les trente-neuf scénarios (campagnes incluses) s’échelonnent dans la durée, allant de quatre tours pour les plus courts, jusqu’à deux-cent quarante-six pour le plus long, retraçant l’intégralité des combats majeurs sur la carte complète. Si les propositions demeurent intéressantes, les plus petites parties (moins de 10 tours) sur des cartes minuscules présentent un intérêt limité, comparées aux opérations de grande ampleur. Elles serviront surtout aux débutants à appréhender les nombreuses subtilités du jeu.

Cinq campagnes de plus de cent tours permettent de vraiment exploiter le système et combleront certainement les passionnés. Bien que le rythme général soit plutôt lent, on se surprend très rapidement à s’impliquer dans les défis stratégiques présentés, petits et grands. L’ambiance créée par les illustrations d’unités, très agréables et à priori fidèles, y est pour beaucoup ; de même que l’aspect général de la carte 2D rajeunie.

Des quatre modes d’affichage offerts, dont deux en 3D, un seul est relativement exploitable ; les marqueurs sont alors ridiculement petits, à la limite de la lisibilité. Sur le plan strict de la production, domaine traditionnellement pauvre des jeux HPS, France ’14 est un échec presque complet, hormis la carte 2D. Le jeu est sensé proposer des raccourcis clavier, accompagnés d’une icône pour les fichiers d’aide (F1 – F4) mais encore une fois, seul le dernier fonctionne, permettant de consulter les paramètres de la partie.

La qualité de finition est ici révélée pour ce qu’elle est, médiocre. Détail amusant renforçant cette constatation, il est encore possible d’éditer le contenu de cette fenêtre de paramètres (y insérer du texte) alors qu’il devrait se présenter en lecture seule. Même état consternant au niveau de la documentation numérique, pleine de coquilles, parfois peu professionnelle.

33 scénarios et 6 campagnes pour d’innombrables heures de jeu.
La météo -immuabilité du système oblige- demeure globale pour l’ensemble de la carte.
Le manque d’attention accordé à la finition du logiciel est désolant.
Une petite partie des Ardennes belges, en plein écran (1280×1024). Une démesure qui ravira les inconditionnels et fera probablement fuir nombre de débutants. Oui, il faudra quasiment tous les bouger, un à un…

La carte 2D est superbe pour un jeu HPS et renouvelle agréablement la tradition perpétuée par cet éditeur. Elle s’étend d’Antwerpen à Chaumont au Sud et du Touquet à Lunéville à l’Est. Les bitmaps utilisés sont plus lisibles et clairs qu’à l’ordinaire. Les voies de communication sont nettement identifiables. Du bon travail qui améliore sensiblement la présentation générale mais hélas, il s’agit-là de la rare satisfaction sensorielle qu’apporte le jeu ; les bruitages étant la seconde. Sur les 416 Mo du répertoire d’installation, les sons et l’unique vidéo d’introduction représentent 329 Mo. Ces chiffres sont significatifs…

Contrairement à War on the Southern front qui proposait des documents passionnants sur l’historique de la période traitée, nous avons ici des cartes (fichiers .PDF) peu exploitables, accompagnées d’ordres de bataille complets, interminables et extrêmement mal présentés. A défaut d’être équipé d’un patron disposant d’une imprimante laser couleur A3, la jolie carte de planification restera sagement dans son format numérique. Seules les notes de conception sont relativement intéressantes. Près de 168 pages qui malheureusement n’apportent que peu d’informations vraiment utiles au jeu.

Les bruitages, tout particulièrement les explosions, sont impressionnants de réalisme et d’ampleur, contrastant d’autant avec les visuels d’un autre âge. En revanche, aucune musique d’époque ne vient égayer la partie. C’est d’autant plus inhabituel pour un jeu HPS que les morceaux de qualité et libres de droit sont nombreux. Les joueurs motivés pourront songer à se procurer l’excellente compilation intitulée : Chants de poilus 1914 – 1918 et autres refrains de la Grande Guerre, éditée par LIME Production.

Sachant qu’il faut compter un gros quart d’heure durant les premiers tours, rien que pour passer rapidement en revue toutes les unités sur la carte ; que certaines sont fixées en début de partie et qu’une quantité importante arrivera en renfort, tour après tour, n’espérez pas trop pouvoir jouer plus d’une journée (tours nocturnes compris) quotidiennement. A condition bien entendu de pouvoir s’y adonner plusieurs heures d’affilée car il est difficile, après plusieurs jours d’interruption, de reprendre le cours d’une partie entamée. C’est l’un des défauts du jeu (et du système d’ailleurs).

Autre problème récurent, la résolution des tours joués par I.A. peut être accélérée mais alors, impossible de détailler les combats. Aucun réglage intermédiaire n’étant possible, tout va trop vite ou trop lentement. La moindre partie de quelques tours prend une heure à jouer et les campagnes sont simplement inabordables sans hâter l’I.A., sauf à y consacrer plusieurs heures par tour.

Outre les marqueurs minuscules, les informations textuelles annexes sont à la limite de la lisibilité.
Un écran finalement trop facile à afficher. Vraiment moyenne, l’I.A. ne sait pas mettre à profit ses atouts, autres que le nombre. Soutenir judicieusement un assaut avec son artillerie, semble souvent au-dessus de ses forces.

Conclusion

Globalement, si le système utilisé est quasiment identique à celui animant les Campaign Series, le thème général et son originalité, apportent -encore une fois- un intérêt non négligeable pour le wargamer irréductible. Malgré les défauts récurrents de la série, rigidité des règles hexagonales et mocheté affichée de l’ensemble, force est d’admettre que HPS parvient cependant à capter l’attention. Un semblant de début d’amélioration de la carte et une ambiance sérieuse, emportent certaines réticences. Pour une fois, la lenteur du gameplay s’accorde assez bien à une guerre peu mobile. Dommage que l’I.A. et l’interface elles, n’évoluent pas. Si vous commencez à pousser les pions de France ’14, vous êtes assurément partis pour des semaines d’isolement ludique. On les aura !

  • Des efforts probants pour améliorer la carte 2D (et enfin, des routes utilisables !).
  • Le sujet et la période choisie font plaisir à voir. Le niveau de détail est remarquable.
  • Des unités rarement présentées dans un wargame informatique.
  • Possibilités multi-joueurs et module d’édition (encore trop limité) bonifient l’ensemble.
  • Une échelle mal adaptée et une I.A. trop souvent à la peine.
  • Pourquoi deux niveaux de carte 3D inutiles, alors qu’un zoom 2D supplémentaire fait tant défaut ?
  • Un jeu qui pâtit cruellement d’un « système HPS » aux options de paramétrage trop limitées.
  • Une part importante de la documentation est inappropriée et quasiment inexploitable.
Infos pratiques

Date de sortie : juillet 2010.

Studio – Éditeur : John Tiller / Edward Williams – H.P.S. Simulations.

Prix éditeur : $49,95.

Site officiel

Version testée : 1.01 sur Athlon X2 5600 – RAM 2 Go – Radeon X1950 Pro 512 Mo.

Version française prévue ?  Aucune.

NDLR : article initialement paru sur le site de Cyberstratège en 2011.