En attendant une sortie ces prochains mois et pour faire suite aux dernières captures d’écrans parues il y a quelques semaines, voici à l’attention de ceux n’étant pas anglophiles la traduction d’un récent entretien paru sur The Wargamer, article dans lequel le concepteur de Pike and Shot, Richard Bodley Scott, nous raconte le développement de son nouveau wargame, fruit d’une d’une passion pour l’informatique et les jeux de simulation historique.

1/ The Wargamer : Nous savons que vous êtes le co-auteur des règles du jeu de figurines Field of Glory Renaissance, qu’est-ce qui vous a incité à lancer une version numérique ?

Richard Bodley Scott : J’ai commencé à programmer des wargames en 1979 sur un TRS-80 avec 16K. Au fil des années j’ai conservé ce centre d’intérêt, même si mon travail me prenait alors la plupart de mon temps. Une fois que j’ai quitté cet emploi, j’ai pu consacrer le temps nécessaire pour développer entièrement un wargame informatique.

Mes périodes historiques préférées sont la Renaissance, le Moyen-âge et l’Antiquité. Il y a déjà eu beaucoup de wargames consacrés à ces deux derniers thèmes, aussi j’ai pensé que ce serait bien d’innover par une période relativement peu abordée dans les wargames tactiques. Utiliser les mécanismes de Field of Glory Renaissance en tant que base d’une simulation tactique s’imposa comme une évidence vu que je les avais co-écrit et au regard de la qualité de jeu qu’ils offrent.

2/ La période « pike and shot », piquiers et tireurs, a quelque peu été négligée, particulièrement dans les wargames informatiques. Pourquoi d’après vous ?

Je n’en ai aucune idée. Pour diverses raisons l’Antiquité, les guerres napoléoniennes et la 2nde G.M. Sont les périodes les plus populaires chez les wargamers. Mais la Renaissance en plus d’être haute en couleurs inclut une série de révolutions tactiques majeures. Comme toutes les périodes de transition militaire, il y a une diversité et une richesse qui est absente des autres périodes où les doctrines tactiques étaient plus stables.

3/ Pour les joueurs potentiels qui connaissent peu sur cette période, que leur diriez-vous qui puisse les attirer vers Pike and Shot ?

Imaginez des mousquetaires se canardant avec des encombrantes armes à poudre noire, à des distances ridiculement courtes tout en se protégeant des cavaliers ennemis grâce à de vaillants piquiers. Imaginez des cavaliers avec de nombreux pistolets accrochés à leur ceinture, sur leur selle, dans leurs bottes, poursuivant des ennemis vaincus au-delà du champ de bataille, pour probablement ne pas y revenir. Une artillerie encombrante se faisant marcher dessus par la cavalerie. Gustave Adolphe déclarant « Dieu est mon armure » juste avant de partir en chevauchant dans le brouillard, et d’être mortellement blessé par un tir.

Que demander de plus ?

4/ Le jeu est basé sur le moteur de Battle Academy. Pourquoi ce choix ? Avez-vous considéré programmer un moteur de jeu à partir de rien, ou en utiliser un différent ?

D’autres alternatives furent envisagées, incluant la programmation d’un moteur en partant de zéro. Toutefois le moteur de Battle Academy m’a plu car il utilise une grille carrée, et j’ai une aversion maladive des grilles avec des hexagones. Les grilles hexagonales sont peut-être très bien pour que les abeilles y mettent leur miel, mais autrement elle ne sont que peu vues dans le monde des humains. Les gens ne pensent simplement pas en terme d’angles de 60 degrés dans leur vie quotidienne. Les hexagones sont donc plus gênant et moins intuitifs pour jouer sauf pour ceux marqués par des années de pratique de jeux de plateau avec des grilles hexagonales. La raison initiale pour l’utilisation des grilles hexagonales dans les wargames – le fait que les mouvements en diagonale sont plus longs que ceux orthogonaux sur une grille carrée – n’est pas un problème pour les wargames informatiques, où l’ordinateur ajuste automatiquement le coût du mouvement.

Bien que le moteur STUB (Slitherine Turn-Based) ait été à l’origine créé pour Battle Academy, un jeu de combats d’escouades durant la 2nde G.M., il fut dès le départ conçu avec soin afin de permettre son utilisation pour n’importe quel wargame tactique en tour par tour. Néanmoins, dans Pike and Shot, avec l’assistance du concepteur du moteur de jeu, celui-ci a pris une tournure qui n’avait pas été envisagée au début. Mais c’est la beauté de ce moteur ; il permet aux développeurs de faire leur propre sauce, comme on pourra le voir dans le prochain jeu utilisant le moteur STUB, Hell.

5/ Beaucoup de développeurs quand ils règlent la difficulté de leur jeu le font en changeant les performances de l’IA. Toutefois, de ce que j’en comprends dans Pike and Shot l’IA joue toujours de la même manière, le niveau de difficulté affectant les troupes disponibles selon les scénarios. Pourquoi avoir choisi cette approche ?

Le but était de faire une IA aussi ingénieuse que possible. L’ayant fait, cela aurait été une honte de l’abêtir pour les modes de difficulté plus faciles. Et comment la feriez-vous plus intelligente que « aussi intelligente que possible » pour les modes de difficulté difficiles ? Aussi, les niveaux de difficultés ne favorisent pas le joueur ou l’IA. Les règles du combat sont exactement les mêmes pour chacun.

Dans la plupart des scénarios les trois niveaux de difficultés intermédiaires sont gérés en accordant au joueur plus ou moins de points pour acheter des unités optionnelles. Toutefois, dans certains scénarios d’autres choses sont affectées, comme la taille des forces disponibles pour le camp de l’IA, ou le niveau de démoralisation des forces du joueur. Quoique ce soit qui colle bien au scénario historique. De plus, les niveaux de difficultés les plus bas et élevés ajoute un modeste ajustement à la qualité des unités adverses.

Bataille de la Montagne-Blanche (1620 – peinture).

6/ La liste des scénarios couvre une variété de batailles, à la fois certaines bien connues et quelques unes beaucoup moins. Quel fut le critère pour choisir ces scénarios ?

A l’évidence le but était d’inclure le plus de bataille emblématique que possible. Néanmoins le critère le plus important était que le scénario historique doive produire un jeu intéressant, et offrir un défi raisonnable contre l’IA. C’est la principale raison pour laquelle certains scénarios (dans les campagnes Guerre civile anglaise et Guerres d’Italie) mettent le joueur dans un camp ou dans l’autre – le joueur étant d’habitude dans le camp jugé comme désavantagé – pas nécessairement le camp qui a gagné ou perdu ces batailles historiques. Après la disponibilité de bonnes sources historiques fut aussi un facteur pris en compte.

7/ Quel scénario pensez-vous être le plus un défi à remporter contre l’IA ? Aussi, lequel est votre favori ?

Il y en a plusieurs qui sont très difficiles à gagner au niveau de difficulté Sergent Major Général ou supérieur. Par exemple la bataille de la Montagne blanche, Seminara, Bicocca et Gravelines. Ce furent des batailles où historiquement le camp du joueur était dès le début voué à l’échec, aussi nous ne pouvions rendre ces scénarios trop faciles !

Mon scénario favori est probablement la 1ère bataille de Breitenfield, où les alliés saxons des suédois les ont laissé en plan au début de la bataille les forçant à arracher la victoire alors qu’ils étaient au bord de la défaite.

8/ Vous avez choisi un style visuel pour le jeu qui est à l’évidence basé sur les illustrations et gravures sur bois de l’époque. Personnellement je pense que c’est une bonne idée, néanmoins, pensez-vous qu’il y ait une chance que cela rebute ceux qui ne sont pas familiers avec ce style ?

Probablement, mais nous sommes fidèles à notre vision. Je dois faire remarquer qu’il fut suggéré au début du projet de faire l’ensemble du jeu en noir et blanc, pour imiter plus encore ces gravures d’époque. Nous nous sommes écartés de ce précipice, mais qui sait, peut-être qu’à un stade ultérieur nous ferons un mod « Director’s cut » pour inclure ce style.

9/ Quels ont été les plus importants défis rencontrés durant le développement ? Et à l’inverse quelles furent les parties les plus faciles ?

Programmer une simulation tactique basée sur des bataillons avec des tactiques pré-dispersées sur la base d’un moteur conçu initialement pour un modèle tactique complètement différent. J’aime le défi en programmation. Toutefois, maintenant que ce travail a été fait, nous devrions pouvoir plus facilement nous ouvrir (par exemple) aux périodes antiques et médiévales. Je ne suis pas certain que quoi que ce soit puisse être décrit comme ayant été facile. :)

10/ Le développement de jeu implique inévitablement des compromis, quelles sont les fonctionnalités que vous vouliez inclure dans Pike and Shot, mais qui n’ont pas pu être intégrées dans la version qui va sortir ?

Des graphismes en noir et blanc. Le style de l’imprimerie du 17ème siècle avec chaque mot en majuscules ou dans une fonte différente. :)

11/ Alors que Pike and Shot va juste sortir, les joueurs se demandent toujours quel futur peut réserver un jeu, y a-t-il des idées, des ajouts prévus dans à l’avenir ?

Si le jeu a du succès il y a des plans pour de multiples extensions, couvrant l’intervalle entre les Guerres d’Italie et la Guerre de Trente ans, puis après le reste du 17ème siècle, le Moyen-orient et probablement l’Extrême-orient.

12/ Enfin, l’occasion ici de lister tous ceux impliqués dans la réalisation de Pike and Shot. Alors, qui a fait quoi ?

Conception jeu et scénarios : Richard Bodley Scott
Conception du jeu – Mentor: Iain McNeil
Programmation : Richard Bodley Scott, Philip Veale et Andrew Gardner
Graphismes : Rob Graat et Mikel Olazabal
Musique : Tilman Sillescu et Pierre Gerwig Langer
Relation Média : Tim van der Moer
Producteur : Alex Stoikou

 

L’article original, “Interview : Trailst thou the puissant pike?”, se consulte directement sur cette page chez The Wargamer.

1 commentaire

  1. Merci beaucoup pour la traduction. Je me suis remis récemment a ce jeu et il est toujours aussi plaisant. L’aspect graphique est peut être un peu particulier mais le jeu est vraiment sympa. Certaines batailles sont très dures mais poussent à se creuser les méninges. En ce moment je suis sur marignan. Les piquiers suisses y sont meurtriers.

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