Parmi les grands fronts de la Seconde Guerre mondiale, la Bataille de France fait parfois figure de mal-aimée. Rarement mise en avant dans les jeux vidéo, elle n’en reste pas moins passionnante dans l’opposition de styles qu’elle a affiché. Il était donc grand temps de lui rendre hommage et c’est Battle Academy qui s’en est chargé il y a deux ans à travers l’extension Blitzkrieg France.

A l’Ouest, du nouveau

Je vois déjà vos cœurs patriotes battre la chamade. Vous vous imaginez en train de réécrire l’histoire et mettre en pièce la réédition du plan Schlieffen. Malheureusement pour vous ce ne sera pas encore pour cette fois-ci. En effet la campagne solo proposée vous donne les clés de la Wehrmacht, de l’attaque surprise du 10 mai 1940 à l’évacuation de Dunkerque par les Alliés. Notez que les neuf missions disponibles ont beau être inscrites dans l’environnement de l’époque, elles ne cherchent pas à reproduire fidèlement le conflit  dans son ensemble (il n’y a d’ailleurs pas de carte stratégique, ce n’est pas le but du jeu). Bref, passée la déception de ne pouvoir défendre avec fierté les couleurs de mon pays, un sourire narquois illumine mon visage : j’ai l’avantage technologique sur mon adversaire, je devrais donc pouvoir l’écraser en toute facilité !

Mais mes rêves de toute puissance ne durèrent que quelques minutes, le temps de rencontrer un Somua S-35. C’est la première fois qu’un char m’a donné tant de soucis. Ce blindé c’est le diable incarné. On a beau s’y mettre à plusieurs, tirer dessus en diagonale pour éviter le blindage frontal, rien n’y fait. Mes obus rebondissent sur sa coque 9 fois sur 10. Et quand sa tourelle se met à pivoter pour cibler un de mes panzers flambants neuf, une sueur froide me parcourt l’échine. Je ferme les yeux instinctivement et je ne les rouvre que pour voir une carcasse fumante de plus. Tout ça pour vous dire que les petits gars de Battle Academy n’ont pas été aussi naïfs que moi. L’armée française n’avait rien à envier à la Wehrmacht en termes de blindés. Le Somua comme le B1-Bis sont les meilleurs chars de cet addon.

Et comme les mauvaises nouvelles n’arrivent jamais seules, je dois également lutter contre les britanniques et leurs maudits Mathilda II ! La faiblesse voire l’inutilité de mes Panzer II me déprime. Certes les Panzer IV et Jagpanzer I ont des canons de qualité mais ils ont un blindage si léger qu’un simple Panhard P178 peut les détruire. Heureusement que les Stugs III et les Panzer III sont plus solides parce que j’étais à deux doigts de noyer mon chagrin dans le Schnaps.

La France, colosse au pied d’argile

L’illustration de la jaquette du jeu s’inspire d’une photo d’époque.

Bref c’est au moment où j’allais envoyer ma lettre de démission à la Kommandantur que d’un coup tout devint clair. Certes mes unités n’étaient pas supérieures techniquement à celles de mon adversaire mais j’avais l’avantage tactique ! C’est sur mon infanterie moderne et mes half-tracks que je devais miser pour prendre l’ennemi de vitesse. Et de fait le concept du Blitzkrieg est finalement très bien retranscrit dans cette extension.
Les Français sont à la peine au niveau des déplacements et leurs blindés légers font peu de dégâts. Surtout leur armée paraît moins cohérente du fait d’un manque de renouvellement du matériel. Les chars récents sont excellents mais finalement assez rares dans les missions et ne peuvent compenser l’obsolescence d’unités héritées de la Première Guerre mondiale comme le Renault FT-17.

En ce sens le gameplay est très bien équilibré au point qu’on parvient souvent à s’imposer dans le tout dernier tour. Du coup il suffit d’une grosse erreur pour anéantir ses chances de victoire. Comme on est généralement en sous-nombre, la prudence est de mise. D’un autre côté vu que la force principale des troupes allemandes réside dans sa capacité à bien combiner ses unités et à se déplacer rapidement, l’attentisme n’est pas totalement recommandé. Il s’agit donc de trouver la bonne alchimie entre agressivité et méfiance. Je ne compte plus le nombre de fois où voulant aller capturer rapidement un point clé de la carte, je me suis fait surprendre par de l’infanterie retranchée dans les bois ou une maison abandonnée…

Donc je l’avoue, il m’est arrivé de pester devant le jeu, me sentant trahi par la perversité de l’IA (qui a beaucoup évolué depuis la première mouture du jeu de base) ou l’injustice des probabilités. Voir un assaut repoussé alors qu’on avait 80% de chance de le réussir est d’un frustrant… La palme revient tout de même à l’aviation et en particulier aux bombardiers légers (Stuka et Bréguet 693). J’ai rarement vu des unités faire de la figuration à ce niveau ! On s’échine à envoyer des éclaireurs pour détecter des canons antichars ennemis et le pilote est tellement aveugle qu’il est incapable de larguer une bombe sur l’objectif qu’on a marqué. A la rigueur, avec un peu de chance, vous parviendrez à faire baisser le moral d’un groupe d’infanterie proche des explosions mais ça n’ira pas plus loin. Comment peuvent-ils être aussi mauvais dans la Luftwaffe sachant qu’il n’y a parfois aucune défense antiaérienne pour les déranger ? Passons, ce bonus hors carte est un leurre et ne vaut en aucun cas le soutien de l’artillerie de campagne ou de bombardiers lourds.

Vive les “drapeaux” de Combat Mission !

La campagne est sympathique et alterne entre phases défensives et offensives. Chaque mission requiert une bonne heure de jeu ce qui offre une durée de vie raisonnable à cet addon. Toutefois le manque d’aléatoire au niveau des troupes et de leur répartition sur chaque carte ne favorise pas la rejouabilité. Et seuls les plus doués relanceront les missions pour terminer les objectifs secondaires. Ces derniers peuvent être extrêmement difficiles et je dois bien reconnaître que j’en ai accompli très peu. Il s’agit généralement d’éliminer des unités dans un nombre de tours imparti ou de capturer des points clés supplémentaires. Et puisque qu’on parle des drapeaux, j’en profite pour vous partager mon agacement sur le choix de game design retenu par les développeurs.

En effet, comme dans le jeu de base, on ne prend un objectif que si une de nos unités passent ou s’arrêtent dessus. Par conséquent un drapeau n’est jamais neutre et ne représente pas le rapport de force dans la zone qui l’entoure. Il n’est pas rare de ne pas pouvoir capturer un point alors qu’on a détruit toute résistance autour de ce dernier simplement parce que nos unités n’ont plus assez de points d’action pour se rendre jusqu’à lui. Si vous échouez à une case, ce n’est plus rageant c’est carrément insupportable ! Certes cela vaut pour tout le monde (pour le multijoueur) mais ce choix ne semble pas logique. Il en découle des tactiques absurdes comme de laisser un camion sur un drapeau pour que l’ennemi utilise des points d’action supplémentaires pour détruire la carcasse sur une case avant d’y placer son véhicule…

C’est un détail me direz-vous et cela montre qu’il faut fouiller pour trouver des points faibles à ce jeu. Évidemment le moteur graphique 3D n’est pas exceptionnel et certains sons d’ambiances (notamment les voix des soldats français) sont assez pénibles à la longue. Mais c’est bien peu à côté de pouvoir jouer avec l’armée française. Car oui, elle est bel et bien disponible en multijoueur (PBEM) ! Avec 4 cartes à se mettre sous la dent, on reste un peu sur notre faim mais la magie opère quand même. Les batailles ont l’avantage d’être variées mais pas toujours parfaitement équilibrées. Cela reste un bon moyen de prolonger la durée de vie de cet addon qui n’est pas hors de prix.

 

 

Battle Academy : Blitzkrieg France
Le jeu utilise un quadrillage pour gérer les mouvements et les lignes de vues. Système plus facile d’accès pour les néophytes, mais un peu moins pratique par rapport aux hexagones.
Battle Academy : Blitzkrieg France
Une des cartes permet de jouer aussi les anglais. Dans l’ensemble le décor des combats alterne entre campagne et petites zones urbaines.
Battle Academy : Blitzkrieg France
Récapitulatif à la fin d’un scénario.
Battle Academy : Blitzkrieg France
En ville les combats sont souvent plus délicats, l’infanterie y étant alors plus efficaces contre les blindés.
Battle Academy : Blitzkrieg France
Le redoutable Somua 35.

Pour conclure

Battle Academy était un très bon wargame tactique au tour par tour, son add-on Blitzkrieg France l’est tout autant ! On prend beaucoup de plaisir à batailler sur ce front trop souvent négligé par les développeurs. La diversité des unités et des missions est remarquable et je ne saurais que conseiller l’achat de cette extension à tous ceux qui ont apprécié le jeu original. Pour ceux qui n’auraient pas encore craqué, c’est peut-être l’occasion de s’y mettre surtout si vous êtes fan de Combat Mission et que vous cherchez un jeu tout aussi tactique mais un peu moins pointu pour passer vos soirées !

  • Campagne originale et bien traitée
  • Gameplay intuitif et tactique
  • Cartes variées
  • Peu d’innovations
  • Les bonus hors carte inutiles
Infos pratiques

Sortie : décembre 2010

Studio / éditeur : Matrix – Slitherine

Site officiel : fiche chez Slitherine (ou chez Matrix)

Extension disponible en VF. Nécessite Battle Academy.