Voici pour faire suite à notre précédent article sur We saw Spain die un récit vous montrant en détails un exemple du déroulement d’un début de partie dans cette simulation en solitaire de la guerre civile qui embrasa l’Espagne à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

Tour 1, été 1936

Le code de l’insurrection nationaliste a été lancé dans les onze villes prévues dans le plan initial.

A peine avant l’aube les garnisons se soulèvent dans tout le pays. Les places n’ont pas été choisies au hasard. Au nord les deux ports de Galice pour assurer l’acheminement de l’aide allemande promise. Au sud le port d’Almeria pour faire passer les régiments d’élite du Maroc à l’Espagne.

Beaucoup de villes en terrain difficile, pour éviter par la suite des combats laborieux. Et enfin la ville de Saragosse, pour son importance stratégique.

Celle-ci ne peut d’ailleurs tomber qu’à coup sûr, la ville ayant une valeur stratégique de 3 et nous y avons placé notre marqueur d’insurrection le plus puissant (+3). Le port d’Almeria est aussi certain de tomber.

Dans la soirée seules El Ferreol (heureusement nous tenons le port de La Cornona) et Cunca restent républicaines : l’insurrection est une réussite.

A l’issue de celle-ci le Moral National passe de 4 (seuil de défaite subite) à 14 points, le moral républicain descend de 87 à 74 points.

Dans la foulée la marine républicaine est attaquée entre Maroc et Espagne. Je n’hésite pas à me servir de mes deux seuls marqueurs de soutien aérien pour cet engagement décisif, les renforts marocains étant trop importants en ce début de putsch.

Et malheureusement je tire 1 au dé, alors qu’un simple 2 aurait été victorieux… La malchance crasse peut ruiner le meilleur plan…

Dans la matinée les nouvelles espagnoles parviennent au monde entier. La Société des Nations se réunit d’urgence (1 seul marqueur d’évènement au tour prochain) et des grandes entreprises américaines apportent leur soutien à la cause fasciste (aide privée, une unité nationaliste entre sur la carte) – nous parlons ici des marqueurs d’évènements tirés en début de tour.

Déjà le coup de force tente de s’étendre. une attaque “prudente” (marqueur) est lancée sur Soria (vieille Castille). Pour cette première fois détaillons la procédure de combat et le tirage des marqueurs, procédure qui fait l’essentiel du jeu.

Je choisis d’utiliser pour mes troupes les marqueurs munitions, artillerie et renforts (des Phalangistes depuis Burgos).

Les marqueurs aléatoires suivants sont ensuite tirés :

rivière (+1 à la puissance de combat républicaine)
résistance acharnée : 4 unités de combat républicaine, et 3 soutiens tactiques républicains.

Les trois soutiens tactiques républicains :

soutien aérien (-1 à la force nationaliste dans le cas présent où je n’ai pas d’avions, sinon c’est leur soutien qui aurait été annulé),
artillerie (-1 à la puissance nationaliste, mais le marqueur est annulé par mon marqueur “manque de munitions”)
et j’ai de la chance, puisque le dernier marqueur républicain est le 2ème “artillerie” tout autant annulé que le premier.

J’ai en face deux unités d’anarchistes et deux unités de la Garde d’Assaut. Pas de chance si les Anarchistes avaient été mis en ligne avec des communistes les bonus tactiques de ces milices auraient été annulés, ce qui n’arrivera jamais en 5 tours de jeu nous le verrons, perfide hasard…

Le total républicain fait donc :

rivière : +1
terrain difficile : +2
valeur de la ville : +1
total des unités : 4 x (1+1) = 8
marqueur nationaliste manque de munition : -2
marqueur nationaliste soutien d’artillerie : -2
Total général : 8

Valeur des unités nationalistes :

unités : 3 x (1+1) +1 x (2+1) = 9
soutien aérien républicain :-1
Total : 8

8/8 c’est du 1/1 aïe aïe aïe… Selon la table des combats :

1 ou 2 au dé je perds entre une et deux unités, la ville n’est pas conquise, 3 ou 4 chacun perd une unité, la ville n’est toujours pas conquise, 5 ou 6 je conquière la ville en risquant de perdre une unité.

Au global j’ai donc seulement 1 chance sur 3 d’obtenir un résultat favorable.

Par chance j’obtiens 5. les républicains reculent (de fait ils abandonnent la ville) une de mes unités quitte la carte et retourne en zone renforts. Je gagne 1 pt de MN et les républicains en perdent 1.

NB : après relecture je m’aperçois que pour une attaque prudente les bonus d’unité nationalistes auraient du être doublés. Les oublis et interprétations des règles doivent être intégrés dans la composante aléatoire du jeu, il y a trop d’éléments pour ne pas en oublier.

Le combat suivant concernera la prise de Jaen, voici les pions et marqueurs choisis / tirés :

Tout au plus notons que l’effet conjugué du piège urbain (doublement du bonus républicain) et retranchements (perte du bonus nationaliste) est une catastrophe : le rapport final est de 15 contre 5 aux républicains.

Les dés (1 !) aboutissent à la perte de mes deux bonnes unités phalangistes…. Je perds aussi 1 pt de MN.

Autant dire qu’après cette catastrophe je décide d’arrêter les combats pour l’été 1936, et me contente d’utiliser mes deux marqueurs “Renfort” pour placer quatre unités phalangistes et une unité mécanisée à Grenade.

Moral National – Nationalistes / Républicains : 14 / 73

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Situation en fin d’été 1936.
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Zoom sur la réserve de pions.

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Tour 2, automne 1936

Évènement international tiré : SDN, les palabres n’en finissent plus à Genève… Pendant ce temps on meurt en Espagne.

Cette fois la flotte républicaine est repoussée, quatre puissantes unités de réguliers (+3,+2) traversent la Méditerranée. La concentration de troupes en Grenade devient phénoménale :

Nous relançons une attaque sur Jaen, cette fois massive, avec de fortes troupes motorisées, ce qui nous permettra d’embrayer une seconde offensive sur une autre ville :

Une telle configuration et malgré les retranchements républicains donne un rapport de force de 4 contre 1 (!) aux troupes nationalistes (j’ai bricolé un brouillon de tableau Excel pour simplifier les calculs de combats).

we-saw-spain-die-jeux-griffon-aar-09Un 4 au dé me permet de prendre la ville sans perte (+1 MN)

Les camions me permettent de mener le 2ème combat de mon attaque massive avec les mêmes puissantes unités, je cible Murcia, en terrain difficile, ville de valeur 2.

Les Républicains n’ont pas de chance et tirent encore le défavorable marqueur “mobilisation” et pire cette fois sans retranchement.

les Républicains sont balayés, malgré le terrain difficile, mais une unité phalangiste est tout de même perdue. La prise de Murcia nous donne 2 pt de MN.

L’attaque massive permet de mener des assauts jusqu’à trois territoires différents. Nous lançons nos troupes sur Cordoue. La configuration est moins favorable : on retrouve le doublé dévastateur piège urbain/retranchements. que le pion retranchement soit tiré deux fois et enlève donc un soutien républicain relève presque du détail :

Le rapport est de 2 contre 1 pour les Républicains : une défaite s’annonce.

En tirant 3 au dé je perds une unité (1 garde d’assaut).

Le commandement nationaliste ne bénéficiant plus de soutien tactique, j’arrête les combats pour cet automne. En gagnant 2 villes je remplis les conditions pour engranger les 2 points de MN des villes conquises.

Je place un renfort portugais à Orense ainsi qu’un renfort nationaliste, et 2 renforts sur Murcia.

Moral National – Nationalistes / Républicains : 17 / 70

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Situation à la fin du tour.

Tour 3, hiver 1936

Évènement tiré : Munich, pas d’effet immédiat puisque la Légion Condor n’est pas encore intervenue. Néanmoins le marqueur reste en place et aura son effet plus tard.

La flotte républicaine est à nouveau repoussée grâce au soutien aérien. Quatre unités de légionnaires entrent en Grenade.

On continue sur le combo attaque/massive et camions avec nôtre plus puissante armée qui nous a bien réussi en automne.

Première cible : Alicante. le but est en fait de nous rapprocher de Valence, ville de niveau 6. La ville est conquise au prix d’une unité de Phalangistes.

La bataille pour Valence qui s’annonce maintenant est un engagement décisif. La ville a une valeur stratégique de 6, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre cet engagement.

Aussi nous tentons de sécuriser le combat avec de puissants soutiens tactiques : artillerie, munitions, leader.

Par une chance extraordinaire les Républicains tirent une action de combat qui n’est pas la plus dangereuse : position défensive : ils lutteront donc avec trois unités, piège urbain (aïe) et soutien d’artillerie (qui sera annulé grâce à notre marqueur manque de munitions).

Mais surprise, la saisie des données sur tableur indique un rapport de force identique entre Nationalistes et Républicains, alors que je partais confiant. Le manque d’expérience m’empêche d’évaluer correctement les forces avant un affrontement, ici la valeur de la ville fait très mal.

3 au dé, chaque camp perd une unité, la ville n’est pas prise. Dans les faits il me faut un 5 ou un 6 pour prendre Valence. 1 chance sur 3. C’est très risqué. Mais vu l’importance de Valence je retente le deuxième et dernier assaut auquel j’ai droit lors d’une bataille.

C’est à nouveau un 3, Valence restera républicaine cet hiver…

Mon action de combat m’impose de prendre au moins deux villes si je ne veux pas perdre de MN, il me faut donc lancer une dernière attaque, plus sûre, avec des soutiens tactiques dégradés. Je lance mes Légionnaires et Réguliers sur Cordoue.

Le rapport de 3/1 est nettement plus favorable mais pas le dé. Avec un jet de 2 Nationalistes et Républicains perdent une unité. Mais avec ensuite un jet de 6 la seconde tentative est la bonne.

Je marque les deux points de MN de Cordoue et Alicante, puis termine le tour en plaçant des renforts, dont une unité mécanisée, en Vieille Castille.

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Situation en fin d’hiver 1936.

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Printemps 1937

Deux évènements défavorables cette saison : Embargo (l’aide future italienne ou allemande sera suspendue un tour) et Envoi d’avions de l’URSS (les Républicains obtiennent un soutien tactique aérien).

Pour la dernière fois (il n’y a plus que deux unités au Maroc) mon soutien aérien est utilisé pour chasser la flotte nationaliste. Mais avec un 1 au dé c’est échec, la Méditerranée reste fermée.

Les offensives reprennent de plus belle. C’est une horrible guerre civile. Sous de terribles tirs d’artillerie la terre se soulève, des corps tombent. Merida, Badajoz tombent. Petit à petit l’Espagne républicaine, l’Espagne légitime est grignotée.

Au Nord, depuis la Vieille Castille, Guadalajara tombe. Les divisions putschistes sont maintenant mitoyennes à Madrid. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres, Avec sa valeur 10 et avec une trop faible concentration d’unités (un marqueur offensive générale couplée à renforts semble indispensable) Madrid est encore inaccessible.

Moral National – Nationalistes / Républicains : 22 / 65

Été 1937

C’est un moment de pause pour Mario. Repas froid dans son quart, cigarette, le jeune républicain est inquiet. les nouvelles ne sont pas bonnes. Malgré le dévouement qui accompagne les troupes de la République, les villes tombent une à une. Même Guadalajara s’est rendue. On dit que Madrid pourrait être à portée de canons dans les semaines à venir. Qu’attend le monde entier pour nous venir en aide ? Nous sommes l’Espagne légitime. Qu’attendent les Français ? Les routes de Catalogne, du Pays basque sont ouvertes, et pourtant l’aide ne vient pas. Pas d’armes ni de munitions. La Grande-Bretagne est encore plus perfide. Sous couvert de neutralité sa flotte de Gibraltar a été dans les faits une aide déterminante aux putschistes, permettant le passage des troupes professionnelles depuis le Maroc.

Oui, en ce jour Mario est inquiet. Le dévouement des Brigades Internationales, Français, Américains et tant d’autres fait chaud au cœur. Mais sans obus suffira-t-il ?

Au loin un clocher se met à sonner. Un son lent, la “cloche des morts”. Et Mario se demande pour qui sonne le glas ?

Cet été c’est Tolède qui tombe, enfermant encore un peu plus Madrid dans une poche. La Catalogne, le Pays basque restent encore de solides bastions républicains, mais combien de temps tiendront-ils ?

Ce récit de partie va s’arrêter ici, j’espère avoir pu donner une idée des mécanismes.

On constate que les Nationalistes grignotent le terrain, implacablement, mais l’écart en moral reste encore très élevé, 25 pour 62. Les villes les plus puissantes sont toujours inaccessibles, et c’est sans doute elles qui feront la différence entre une partie gagnée et une partie perdue et en cette fin d’été 1937 cinq tours ont déjà été joués, il n’en reste que sept.

Il est terrible de constater que la meilleure préparation, l’accumulation de troupes et de marqueurs, peuvent être mise à néant par de puissants marqueurs républicains. Que vous ayez à faire face à un piège urbain couplé à des retranchements, et vos meilleurs légionnaires partiront en déroute, leurs bonus de combat devenus inopérants.

Pour plus d’informations sur We saw Spain die voyez cette page sur le site de l’éditeur ainsi que notre test. A lire aussi en complément si vous ne connaissez pas les précédents jeux de Lionel Liron, l’article suivant : Test de Guerres Indiennes Volume 1 : Custer.

1 commentaire

  1. Mario se demande pour qui sonne le glas ? j’aime bien ce genre de détail qui permet de s’immerger dans la lecture d’un compte rendu !

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