À découvrir le titre de ce jeu puis à voir l’écran de démarrage, avec sa police de caractères rappelant celle du vénérable People’s General, le tout accompagné des cinq étoiles caractéristiques de la série des Five Stars d’antan, on se prend à fantasmer sur la résurrection des glorieux anciens que furent certains titres publiés par SSI / SSG dans les années 90. En lisant l’introduction du manuel indiquant que l’action se déroule en Afrique du nord, les choses se précisent, tandis que les souvenirs d’Allied General refont surface. Nostalgie, quand tu nous tiens ! Avons-nous ici un digne successeur ou un énième wargame casual (grand public), un brin présomptueux ?

… qu’on fait les meilleurs généraux !

Ainsi que nous allons le voir, la réponse à cette question est plus complexe que son énoncé. Première chose frappante, au lancement de cet A.G. (la similitude des initiales avec Allied General serait-elle également fortuite ?), la présence bien évidente d’un planisphère sur l’écran principal. Faut-il en déduire que ce titre, dont l’action initiale se déroule en Afrique du nord pourrait représenter le premier élément d’une série destinée à couvrir l’ensemble du conflit mondial ? S’agit-il ici d’une autre suite de jeux marchant sur les pas d’un Order of Battle – WW2 dont le succès aurait donné des idées à Ronald Wendt, Lead Designer du studio allemand Phobetor ? Tous les espoirs sont permis, surtout si la qualité s’avère comparable.

La filiation avec Germany at War–Barbarossa 1941 (GaW), précédent et second jeu du studio Phobetor transparaît nettement au travers de maintes similitudes. Les raccourcis clavier sont identiques, même s’ils s’étoffent avec certaines possibilités qu’on ne peut qu’espérer voir apparaître dans le jeu nommé ci-avant. Par exemple, la possibilité d’exclure certaines unités du cycle (enfin !) lorsqu’on les passe en revue. En revanche, ces similitudes s’accompagnent également des mêmes défauts, déjà formulés à l’encontre de GaW (voir le test de cet excellent jeu, par ailleurs). Pourquoi cela ne fonctionne-t-il pas dans les deux sens ?

Army General se propose donc de nous faire revivre, au cours de deux campagnes distinctes, l’une côté Alliés, la seconde sous les couleurs de l’Axe, la campagne immortalisée par les noms d’Auchinlek, Montgomery, Graziani ou Rommel, pour ne citer que les plus connus. La Guerre du désert, théâtre d’opération qui outre l’avantage d’être courant dans les wargames WW2 présente, par sa géographie, l’atout non négligeable de terrains aisément modélisables à moindre frais. Entendre par là que le désert nécessite moins d’efforts de représentation que les jungles tropicales de Birmanie ou la forêt hercynienne. Je dois toutefois admettre qu’en dépit d’un a priori initial négatif , le rendu final du jeu sera néanmoins parvenu à me convaincre.

Les reliefs sont bien rendus en 2D, avec des perspectives correctes dans l’ensemble et un effet de trompe-l’œil parfois saisissant. Ne nous méprenons pas, nous sommes encore loin du choc ressenti face à la première installation d’un Panzer General 2 ou de People’s General (oui, j’omets volontairement Star General…). Cependant, les budgets de développement étant ce qu’ils sont, le travail réalisé sur les cartes demeure honorable.

On serait tenté de dire qu’il en va autrement en ce qui concerne les unités. L’impression générale est nettement plus mitigée. Avec certains éléments correctement modélisés, les blindés par exemple et d’autres parfois à la limite de la caricature, comme certains aéroplanes. Fan d’aviation, la pilule passe difficilement. Mais foin des critiques, l’ensemble s’avère honnête et suffisant pour s’amuser.

Disons pour simplifier que nous avons ici l’inverse presque parfait de ce que proposait GaW, avec des terrains sympathiques, agréables à regarder et des unités inégales dans leur qualité. L’infanterie est pour sa part lilliputienne et seul un immense moniteur et de bons lorgnons permettra de s’en faire une idée. Contrairement à GaW, les niveaux de zoom ont été revus à la baisse, avec seulement deux possibilités, ce qui en pratique s’avère trop peu.

On retrouve également les mêmes fonctionnalités parmi les options proposées et des écrans similaires, graphismes refaits fort heureusement, pour par exemple recruter ou gérer les unités. Là aussi les mêmes vieux défauts refont surface. Tout ceci ne constituant évidemment que des peccadilles, irritantes mais nullement pénalisante dans l’expérience globale de jeu. En contrepartie, cet écran de gestion des unités, justement, demeure l’un des meilleurs, un modèle du genre. Même si, paradoxalement, le fait d’y voir apparaître désormais davantage d’éléments graphiques, sous forme d’icônes en lieu et place de textes, le rend moins ergonomique et moins intuitif à l’usage.

 

Si le succès est au rendez-vous, on peut imaginer des opérations sur d’autres fronts que celui d’Afrique du nord.
On note une certaine variété dans l’étendue des scénarios, avec des parties rapides et d’autres, parfois un peu trop longues. Remarquez ici la prédiction pour le combat à venir.
Un menu peu étoffé qui ne demande qu’à le devenir mais des options intéressantes et pratiques.
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De nombreuses possibilités mais des commutateurs on/off toujours aussi peu lisibles, ce qui pose encore de gros problèmes. De simples cases à cocher seraient mille fois plus utiles…
Certainement le gros point fort du jeu, l’écran de gestion des unités, déjà remarquable dans GaW.

La maintenance et le recrutement des unités, avec surtout l’adjonction de commandants à choisir parmi un panel sporadiquement renouvelé ou augmenté constitue presque en soi un mini jeu de rôles vraiment plaisant.

Chaque leader, en plus de son nom, son grade et son origine géographique, présente des caractéristiques d’attaque et de défense applicables aux unités commandées. Un niveau de commandement influant sur la récupération des troupes, en termes de préparation au combat, ainsi qu’une spécialité éventuelle supplémentaire viennent compléter le portrait du personnage. Ce dernier dans un style rappelant les « mug shots » d’un Jagged Alliance renforce un peu plus le côté cartoonesque de certains graphismes. On aimera ou pas… il n’en demeure pas moins que ces personnages influent sur l’attachement que l’on portera aux unités ; un paramètre non négligeable dans ce type de wargame.

Deux campagnes donc ; cinq scénarios pour la plus courte retraçant l’opération Compass des armées Alliées, soit l’affrontement contre les troupes italiennes en Libye, entre décembre 1940 et février 1941. il s’agit ici d’une campagne historique, avec les unités généralement admises comme ayant participé et des objectifs cohérents avec le déroulement des combats. La seconde, Mare Nostrum, que l’on pourrait presque qualifier d’a-historique celle-là, comprend 20 scénarios. Bien que reprenant le déroulement chronologique de la progression de l’Afrika Korps en Cyrénaïque et en Lybie, son caractère plus libre permet au joueur de modifier à son gré -selon la disponibilité des ressources- le nombre et la nature des unités présentes dans son armée. La contrainte du nombre d’éléments déployables demeure présente, malgré tout.

Les scénarios indépendants, accessibles séparément, sont au nombre de quatre, auxquels il convient d’ajouter cinq didacticiels. Ces derniers, bien que mieux organisés et réalisés, que ceux du jeu précédent semblent artificiellement découpés en portions jouables d’un ou deux tours, histoire probablement de donner une impression de satiété artificielle. En ce qui concerne l’acquisition des mécanismes du jeu, le néophyte pourra cependant se reposer sur ces exemples concrets, complétés avantageusement en recourant au manuel fourni. Nettement mieux réalisé, en dépit de coquilles encore présentes (tout comme dans l’interface), il permet aisément de maîtriser un gameplay largement accessible en lui-même, notamment grâce aux nombreuses pop-up disponibles.

Ce qui nous amène à la dernière grande fonctionnalité de Army General, en l’absence de mode multi-joueurs, à savoir l’éditeur de scénarios et campagnes. Les possibilités potentiellement offertes semblent énormes, en vue de créer le nécessaire à des campagnes impliquant nombre de belligérants divers, sur des terrains variés modélisant une large palette de régions, y compris enneigées (le front de l’Est semble envisageable). L’édition / ajout de scripts s’avère également possible.

Le fait est qu’en l’état, avec une ergonomie cryptique (selon mon opinion) et une documentation pour le moins sommaire, la chose paraît fort peu utilisable. Un fort potentiel donc mais qui demande une documentation complète et probablement aussi, quelques efforts pour en améliorer l’accessibilité. Il n’en demeure pas moins que cet outil semble bâti avec l’idée de permettre la conception de campagnes étalées dans le temps et l’espace ; encore une promesse à peine déguisée de voir apparaître d’autres déclinaisons, sur d’autres fronts, dans les mois ou années à venir. Une idée que ne semble pas écarter Ronald Wendt.

Concernant le gameplay proprement dit, ce jeu souffre de quelques problèmes de conception. L’un des plus évidents a trait à l’orientation des cartes et des unités elles-mêmes. Si dans un premier scénario sur Tobrouk les unités italiennes doivent attaquer, depuis la droite de l’écran, une ville fortifiée située à gauche ; lors de l’offensive conjointe avec l’Afrika korps, l’attaque part de la gauche vers la droite. Dans un souci de réalisme on peut justifier ce détail ; à ceci près que dans les deux cas, toutes les unités se trouvent orientées dans le même sens droite-gauche et que, dans le second, on se retrouve avec des unités à déployer sur des hexagones libres situés à gauche des troupes déjà en place. Donc, vers les villages déjà aux mains de l’Axe !

Cette confusion introduite visuellement dans l’esprit des joueurs débutants ne peut que créer des problèmes supplémentaires. Pour le joueur vétéran, recruter et déployer des unités de déminage ou de reco en seconde ligne, tandis qu’on fait face à des champs de mines pose question.

J’ajouterais que les hexagones de déploiement s’avèrent très problématiques à utiliser, avec au moins deux caractéristiques différentes, en fonction des unités aériennes ou terrestres. Le joueur doit donc décider s’il désire déployer l’une ou l’autre, selon un code visuel peu clair (tous les joueurs n’ont plus vingt ans…). Cette confusion s’accompagne de l’impossibilité de retirer de la carte une unité déjà déployée. Pourquoi faire simple quand on peut complexifier les choses !

D’un niveau plutôt correct, surtout du fait qu’elle joue principalement en défense, l’IA révèle dans certaines conditions des aptitudes insoupçonnées. Capable par exemple de délaisser une ligne de front peu préoccupante pour elle, afin d’aller contrer des unités plus menaçantes, tirant parti à l’occasion de sa supériorité tactique pour aller jusqu’à détruire celles-ci. Assurément un bon point et une surprise cuisante pour l’imprudent ! Elle n’hésitera pas non plus à venir vous prendre à revers ou à menacer vos positions sur l’arrière. Mais on lui retrouve aussi des comportements nettement moins glorieux, ce qui fait qu’au final le bilan est tout à fait correct mais sans plus.

 

L’implémentation de leaders, initiée dans Panzer General 2 est encore un excellent moyen de dynamiser la gestion des troupes.
L’adjonction d’événements, qu’ils soient aléatoires ou scriptés constitue également un élément dynamisant.
L’affichage des symboles d’unités facilite souvent la lecture des situations.
Le listing des combats (touche C) permet toujours de savoir qui a fait quoi, quand et comment, durant la partie.
Les reliefs, un des points très positifs des graphismes.
Les objectifs de mission peuvent être complexes et nombreux. On retrouve avec plaisir les briefings cliquables de GaW.
Typiquement le genre de bug, peu gênant ceci dit, qui ne devrait plus subsister très longtemps.
Ici l’on comprend que l’orientation des unités peut poser problème.
Un éditeur au contenu attractif… qui cache -trop- bien son jeu.
La prise d’un aérodrome à l’ennemi ne permet malheureusement pas de déployer des avions supplémentaires.
L’une des limitations du système, l’impossibilité d’intervertir la position de deux unités adjacentes.
La touche F affiche des icônes très pratiques pour lire la carte. Le pathfinding des unités étant assez élaboré.
Notes
Multimédia
70 %
Interface
75 %
Gameplay
75 %
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army-general-cest-dans-les-vieux-potsVoici un jeu ambitieux par sa philosophie de maintenir un gameplay profond et riche, avec une gestion plaisante du ravitaillement en armes et munitions notamment. Respectueux d'une certaine fidélité historique, avec une campagne chronologiquement calquée sur le déroulement des opérations, des ordres de batailles réalistes et certains parti-pris de design plus douteux mais cohérents. Un jeu dont le budget et la réalisation modestes ne parviennent cependant pas à le hisser au niveau des ténors que sont actuellement Order of Battle ou Panzer Corps, dans le même registre. Avec des graphismes allant du sympathique au douteux. Un contenu ludique un poil trop limité quantitativement, rattrapé de justesse par un système de jeu agréable et relativement stable, en dépit d'un lancement certainement prématuré.<br /><br /> Pour résumer, un bon petit wargame qui, à l'instar de son prédécesseur GaW-Barbarossa 1941 se retrouvera certainement à deux doigts d'un podium et qui, par ses côtés vraiment plaisants, son gameplay divergeant du courant actuel orienté vers une simplification frustrante, pour les grognards, saura probablement séduire des joueurs initialement attirés par un tarif raisonnable ; si tant est que le distributeur sache raison garder en renouvelant l'offre promotionnelle actuellement en vigueur. Aux alentours de trente euros, conseiller Army General sera alors plus une affaire politique, sous-tendant un désir de soutenir un studio très impliqué et prometteur, dont le plus important handicap demeure clairement l'aspect financier.

6 Commentaires

    • Feel free to promote whatever you want while using our comment section but please spare us the nonsensical comparison between these two games. And by the way, I don’t want to sound rude but I’m always amazed reading foreign people using a foreign language while posting to foreign forums. Something called the politeness or more adequately, here the web usage, is recommending to use the natives language for posting in a foreign place and when that’s not a possibility, at least introduce oneself and explain why that’s not possible (and incidentally, to say Hi !). You’re welcome !

  1. Merci, c’est une très bonne critique.
    Thanks this is a great review.

    ——————————
    @ Michael, ich finde deine Aussage nicht wiklich Hilfreich und auch absolut kein Vergleich wert. Zum Glück haben wir dich von unserer Seite ausgesperrt.

  2. bof ce jeu est très léger, il y a tres peu de missions et tres peu d’unités. Et Les graphismes sont d’un autre âge.

  3. Savez-vous qu’il existe sur la Gazette un endroit qu’on appelle forum, sur lequel il vous sera possible de développer votre argumentaire montrant pourquoi et comment, ce truc ne tient pas la route ?

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