Après deux articles consacrés à ce que certains ont baptisé des « warteaux », voici dans notre rubrique Jeu de plateau un autre dossier au sujet d’un nouveau coup de cœur. La série Birth of America, d’Academy Games en VO et d’Asyncron en VF, a le double avantage d’être à la fois un wargame idéal pour l’initiation ainsi qu’un magnifique et inépuisable jeu semi-coopératif. Au-delà d’une présentation des deux opus désormais disponibles (1812 – The Invasion of Canada et 1775 – Rebellion), l’objet essentiel sera donc de mettre en exergue les principales qualités de ce type de jeu : accessibilité, profondeur stratégique et interactivité.

L’année dernière, la désormais incontournable maison d’édition américaine Academy Games inaugurait une nouvelle série de wargames « légers » par un jeu qui avait toutes les caractéristiques déjà évoquées du warteau : un matériel au design soigné, un subtil mélange d’abstraction et de rigueur dans la simulation et enfin une grande souplesse d’utilisation.

La guerre en dentelle… en carton… et en bois !

Ouvrons les jolies boites (on y retrouve le rustique et superbe coup de pinceau de l’illustrateur d’Academy Games, Stephen Paschal) et déployons le matériel. Dans chacune on trouvera les éléments suivants :

D’abord, mention honorable à la carte épaisse et au graphisme très agréable qui en quelques dizaines de zones déploie les vastes et encore sauvages contrées du Nord-Ouest de l’Amérique. D’une surface d’un demi-mètre carré, elle forme une large surface de jeu idéale pour accueillir les parties en coopération qui sont l’une des innovations de ce système.

Un manuel de 12 pages abondamment  illustré d’exemples et de commentaires historiques garanti un apprentissage en une dizaine de minutes après une première lecture. Une petite plaque de marqueurs (aux couleurs britanniques et américaine) rappelle qu’il s’agit bien de jeux de conquêtes, de duels. La suite du déballage provoque la surprise : un gros paquet de cartes et un mystérieux sac noir contenant des sets de dés colorés et des dizaines de petits cubes en bois.

Ah, les « kubenbois » ! Attribut des « eurogames » (que les francophones appellent parfois « jeux à l’allemande »), ils renvoient aux jeux de plateaux (de gestion) et dénotent d’un choix de conception radical : toutes les forces sont « génériques » et seul leur nombre semble au premier abord être déterminant. Placés dans les zones, ils constituent selon leur code couleur, les forces régulières des deux camps et leurs auxiliaires (loyalistes et patriotes de la guerre d’indépendance ou recrues temporaires de la guerre de 1812, auquel il faut ajouter les indiens).

Alors, c’est cela !? Ce joli Birth of America n’est en fait qu’une couleuvre que l’on veut faire avaler à nous autres fiers wargamers. Rien de plus qu’un Risk déguisé !? Pourtant, un doute subsiste car la poursuite de l’examen révèle que les cartes (aux couleurs des 4 ou 5 factions) sont différentes (et même en quantité différentes dans 1775). De même les dés (2 ou 3) de chaque faction présentent des faces hétérogènes aux symboles plus ou moins énigmatiques.

La campagne Kickstarter / Ulule a permis d’ajouter à ce matériel de bonne qualité quelques « goodies » : un porte-carte par faction et deux aides de jeu fournissant une reproduction du plateau (pour des discussions stratégiques plus discrètes) et des deux tableaux de résumés (séquence de jeu et statistiques des forces en présences). A noter que tout ce matériel se classe et se dispose facilement grâce à des rangements détachables.

Une fois l’installation complétée (et elle est facilitée par l’impression des déploiements directement sur les plateaux), l’historicité se révèle progressivement. Les forces forment à 1775 un imbroglio de troupes, et à 1812 un front le long de la frontière américano-canadienne. Les cubes de couleurs s’avèrent infiniment plus lisibles que des pions ou même des figurines pour évaluer les forces en présences. Un jeu avec des pions et un plateau bien réel conserve aussi cet atout indéniable sur le numérique.

En jouant par exemple à l’excellent homonyme de chez Ageod (voir encart ci-après), il faut passer en revue chaque icône pour obtenir cet état des lieux. A noter cependant que l’empilement n’étant pas limité, certaines zones étroites risquent parfois d’être surchargées… Attention aux maladroits et aux nerveux !!!

 

En complément de ce dossier, à lire et à voir pour ses sympathiques photos cette présentation de 1775 au salon Gen Con 2013.
Sur une belle carte « patinée à l’ancienne », le placement ne prend pas plus de deux minutes et les petits cubes s’harmonisent parfaitement avec l’esthétique générale.
1775, tirage des britanniques : les petits casiers sont bien pratiques pour éviter une catastrophe dans la gestion des forces. On notera les unités allemandes/hessoises (en orange) intégrées au pool britannique (en rouge). Dans le casier loyaliste (faction jaune), la carte de trêve attend patiemment son tour…
1775-tirages-américains
1775, tirage des américains : un exemple de placement de début de partie de 1775. Les porte-cartes sont bienvenus. Le tirage américains (en blanc les patriotes, en bleu l’armée continentale) est ici assez heureux !
1812 – The Invasion of Canada – Stephen Paschal.
1812, cartes américaines : Les forces américaines : 5 dés au maximum, 3 cartes de mouvement naval… mais des cartes puissantes.
1812, cartes britanniques : les forces anglaises, 8 dés au maximum, 5 cartes de mouvement naval… mais des cartes moins puissantes.
1775, factions : un petit tableau présent sur l’aide de jeu décrits en détail les caractéristiques de chaque camp.
1812, sur la rivière Niagara, le front risque de s’enliser si les joueurs sont prudents.
1812; Long way from Pitsburgh : même sans effet de perspective, le chemin est bien long depuis l’une des zones de renforts américain (Pitsburgh) jusqu’à la frontière.
1812, Albany : le flanc Est des américains est menacé par une progression à partir du Lac Champlain. Albany peut être prise sans possibilité de réaction si les britanniques finissent le tour avec les bonnes cartes et deux séquences consécutives… ce qui est loin d’être impossible !
1775, placement centre : le cœur de la rébellion en 1775. Boston est une proie tentante et facile si les américains ont l’initiative. Mais le Delaware peut devenir une puissante base britannique dès la première phase de renforts. Attention à garder une solide garnison dans Rhode Island, prise, elle pourrait être renforcée avant une contre-attaque efficace…
1775, placement nord : la Nouvelle-Écosse et Québec semblent solidement entre les mains britannique mais leur territoire sont vastes et sujets aux raids rebelles.

IGOUGO, oui… mais non !

Le système de jeux commun aux deux opus est simple. Lors de chaque tour de jeu (jusqu’à huit pour 1775, et cinq pour 1812), chaque faction (représentée par une couleur) pourra effectuer une séquence d’action (placement de renforts, mouvements, batailles, tirages de cartes). Comme une « armée » peut être constituée de troupes de différentes factions du même camp, elle pourra agir plusieurs fois par tour (à condition d’avoir au moins un cube de la faction). Mais l’ordre des séquences sera déterminé par le tirage d’un dé vierge dans le sac. Ainsi, les actions des deux camps peuvent se suivre ou s’alterner aléatoirement avec tout ce que cela suppose de tactiques spécifiques.

Les actions sont régies essentiellement par les mains de cartes (toujours au nombre de trois par faction) tirées au hasard parmi la pioche spécifique à chaque faction. Il y a deux types de cartes : des cartes événements (dans 1775, il y en a sept pour le britannique, six pour l’armée continentale, cinq pour les loyalistes et quatre pour les patriotes), qui peuvent être jouées durant le segment indiqué et en modifie généralement positivement le cours ; des cartes de mouvement qui indiquent le nombre d’armées et la distance de déplacement (ainsi que la possibilité pour certaines factions de mouvement maritimes ou fluviaux). Parmi les cartes de mouvement, une appelée « trêve » permet de mettre fin à la partie si toutes les cartes « trêve » d’un camp ont été joué.

Durant les batailles (dès qu’une zone contient des cubes des deux camps), chaque faction lancera ses dés (pas plus que le nombre de cube présent) alternativement (défenseur puis attaquant à 1775 ; propriétaire du « territoire national » en premier à 1812) et en appliquera immédiatement  les effets. Or, comme les cartes, les dés sont propres à chaque faction. Ceux-ci sont de trois types : un « dégât » à l’adversaire, une fuite (équivalents aux déserteurs ou à une désorganisation temporaire… puisque ces troupes deviennent des renforts dès le tour suivant) ou une manœuvre (permettant de se déplacer sur une autre zone, ce qui peut correspondre à un recul voire à une exploitation vers un combat adjacent).

Les batailles se poursuivent jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un camp dans la zone.  Si le terrain n’a aucune incidence, on peut quand même considérer que l’absence de manœuvre pour une armée encerclée est assimilable à un siège puisque le défenseur est favorisé en ignorant ce type de résultat qui en temps normal fait quitter le combat. Une rapide analyse de toutes ces données montrent très vite que le système est bien plus subtil qu’il n’y parait et s’offre même le luxe d’une certaine historicité.

Tirez les premiers messieurs les anglais … ou non !

On constate en effet que les camps ont clairement des atouts et des faiblesses (voir tableau des factions ci-contre). Dans 1775, malgré la faiblesse initiale fixée par les conditions de déploiement, la supériorité militaires des « habits rouges » s’expriment dans les capacités opérationnelles (plus de cartes et des distances de déplacement supérieures) mais surtout lors des combats (leurs dés présentent 3 « dégâts » et trois « manœuvres » mais aucune fuite) alors que « l’armée Continentale » de Washington tire certes aussi bien mais peut fuir 1 fois sur 6. L’un comme l’autre n’ayant que 2 dés, les deux camps doivent composer leur armée avec une proportion non négligeable de forces irrégulières … pour prendre des pertes et pour espérer qu’avec leurs 3 dés, certaines tirent juste (1 chance sur 3) plutôt que de fuir (1 chance sur 3)… comme dans le pas si mauvais film « Patriot » !

Les indiens sont au départ neutres mais dès qu’une armée se déplace ou manœuvre en territoire indien, ils sont enrôlés de force. Leur comportement au combat est toutefois peu fiable puisqu’ils refuseront de se battre contre leurs « frères » (ils fuiront en nombre identique jusqu’à ce qu’il n’en reste plus que dans un seul camp) et qu’ils ne combattent guère mieux que des irréguliers. Enfin le nombre de cubes étant limités et les valeurs et intérêt des cartes étant différents, des conditions opérationnelles réalistes apparaissent donc sans surcharge de règles.

Dans cet opus, chaque faction a 8 cartes de mouvement mais on observe par exemple une évidente supériorité naval britannique qui sera donc capable de menacer n’importe qu’elle région côtière ; britanniques et réguliers américains peuvent aussi recevoir respectivement l’appui de mercenaires allemands et d’un large contingent français (leurs qualité étant identiques à celles de leurs adversaires) ; les deux forces irrégulières ont des cartes permettant d’améliorer temporairement leur nombre, leur compétences voire de faire basculer leur allégeance ; toutes les factions ont au moins une carte modifiant le cadre rigide de la séquence en autorisant attaque gratuite, franchissement gratuit d’une zone occupée ou deuxième combat d’exploitation ; les américains pouvant déplacer en moyenne plus d’armée, ils seront donc tenter de harceler forces et territoires ennemies jusqu’au coup de grâce ; etc…

Dans 1812, le déséquilibre est plus prononcé. L’intérêt du jeu pour deux joueurs de niveau équivalent est d’ailleurs discutable et peut justifier des règles optionnelles (voir encadré ci-dessous). Les britanniques cumulent plusieurs avantages. Ils ont un plusieurs atout en combat, pouvant lancer jusqu’à 8 dés contre seulement 5 pour les américains. Ils font en moyenne deux fois plus de dégâts que l’ennemi qui fuira plus souvent. Ils ont, de plus, trois factions contre deux pour leur adversaire. Au-delà de la possibilité de jouer jusqu’à 5, cela signifie que durant un tour, le britannique aura toujours plus de capacités opérationnelles et pourra déplacer et même faire combattre une armée trois fois ! Cela augmente aussi la probabilité de « garder la main » deux séquences consécutives et donc de percer le front ennemi et d’exploiter la percée.

Pire, les indiens sont ici des alliés non seulement fidèles (historiquement les tribus de la région des Grands lacs choisirent entre deux expansionnismes le moins menaçant) mais aussi efficaces (contrairement aux autres factions qui ne peuvent manœuvrer que vers un territoire national ou vers une région occupée par une armée du même camp, les indiens peuvent progresser dans une zone ennemie vide). Leurs cartes de mouvement sont sans équivalent représentant leur grande faible dépendance à l’égard de la logistique.  Le joueur américain doit donc surveiller attentivement les arrières de sa ligne de front s’il ne veut pas se retrouver avec des raids indiens… qui peuvent d’ailleurs permettre à leur tour d’accueillir les manœuvres des deux autres factions.

Enfin, les zones où apparaissent les renforts sont bien plus près du front et une fois de plus les perfides indiens peuvent en faire apparaître un dans n’importe quelle zone où ils sont déjà présents (y compris aux États-Unis). Sur ce point, l’une des deux zones de renfort américaine (Albany) est d’ailleurs exposée à une opération amphibie sur le Lac Champlain… Seules les cartes en quantité identique (douze pour chaque faction, dont huit cartes de déplacement) atténuent ces avantages. Le britannique engagé en Europe n’a ni les moyens ni la volonté d’engager de faire de gros efforts sur ce front secondaire d’une quasi Guerre Mondiale : ses déplacements sont plus faibles et même sa maîtrise des mers n’est pas aussi nette ici. La milice canadienne n’a pas l’allant de son équivalent américain. Seule les insaisissables indiens possèdent des cartes permettant une concentration et une expansion d’exception.

Les fins de parties arrivent par un nombre établi de tours pour les scénarios. Mais pour la campagne, les cartes de trêve trouve leur utilité et permettent la recherche de la « main tueuse ». Si 1775 équilibre cette possibilité, 1812 offre heureusement une formidable combinaison à l’armée américaine qui saura rester patiente et frapper de manière opportune (voir illustration ci-contre). Comme il est possible de jouer plusieurs cartes événements dans un même tour, les « faucons de guerre » (double le nombre d’armée à déplacer) et « William Harrison » (une armée victorieuse peut combattre à nouveau dans une région adjacente) peuvent être dévastateurs s’il sont employés dans le même tour que la « milice du Kentucky » (double les dégâts de la milice américaine) ou des « tireurs d’élite du capitaine Aisquith » (le joueur américain choisit les pertes qu’il inflige). La configuration idéale étant de jouer en dernier durant ce tour et de jouer la deuxième carte « trêve » pour forcer la décision.

Dans les deux jeux, ces cartes maintiennent une pression constante sur l’adversaire qui ne peut laisser filer le score de son adversaire (le nombre de marqueurs de contrôle) sous peine de « mort subite ». Si dans 1812, ces points sont collectés classiquement pour des régions clairement identifiés, les choses sont un peu plus dynamiques dans 1775 et permettent de simuler très succinctement les facteurs politiques de cette guerre. Il n’y a pas deux territoires séparés par une frontière mais des provinces (où les futurs états rebelles) composés d’une ou plusieurs régions. Chaque camp ne contrôle que celles où les forces ennemies sont absente.

On comprend vite, qu’un simple cube ennemi s’y infiltrant fera tomber ce contrôle. Or, ce contrôle étant aussi nécessaire pour recruter (seulement dans les villes), on retrouve la dissymétrie entre les grandes opérations menées par de puissantes armées et cherchant la bataille décisive, et les escarmouches et autres raids isolés visant à faire hésiter la rébellion ou la fidélité à la couronne. A noter que le nul est présenté comme une amusante uchronie qui devrait faire fuir les joueurs anglo-saxons et stimuler la fibre francophile : « En cas d’égalité [en marqueurs de contrôle], aucun camp ne gagne et l’Amérique devient une province du Sud du Canada français ! »

Même à deux joueurs, ce système présente donc un plaisir de jeu constant. Pas de temps mort, des tours rapides où l’on agît même durant les batailles déclenchées par l’ennemi. Des parties toujours différentes puisque le système « card-driven » permet des stratégies variées.

Enfin, cette série est à l’instar des formats Overlord de Mémoire’44  ou des jeux de plateaux plus classiques une expérience réellement multijoueur. 1775 peut être joué à 2, 3 ou 4 joueurs, 1812 offrant même un cinquième rôle. Rappelons que si les factions ont leurs propres spécificités, un joueur peut faire agir n’importe qu’elle armée de son camp où au moins une unité de sa faction est présente. Il est ainsi très intéressant de voir se dessiner ou non une stratégie commune dans un camp qui évoluera en fonction des opportunités propre à chaque faction ou de leurs erreurs !

 

Autres liens utiles, d’une part Academy Games a mis en ligne une présentation au moment de la sortie de 1812 pour expliquer certaines tactiques de jeu, et d’autre part vous trouverez deux vidéos en anglais mais néanmoins intéressantes aussi pour découvrir le jeu, l’une sur Boardgame Geek, l’autre sur Shut up and sit down.
Quelques propositions de règles optionnelles pour « rééquilibrer la campagne de 1812 »

NdA : Le déséquilibre n’a rien de rédhibitoire pour la jouabilité et comme je l’ai déjà dit, il suppose une stratégie américaine adaptée pour éviter de répéter les erreurs historiques. L’essentiel de cet encart est inspiré de la traduction de cet excellent article sur The Boardgaming Life.

1 – La main dans le sac !

Chaque tour, le joueur américain peut rejeter une fois le tirage d’une faction. Cette règle permet de compenser le risque de trois activations britanniques consécutives et ajoute un choix intéressant.

2 – Les indiens craignent les forts !

Pour compenser les nombreux avantages de la faction indienne, traiter tous leurs résultats « manœuvre » lors d’une bataille en territoire américain comme des « fuites ». De plus, ils ne peuvent utiliser leur capacité de « manœuvre » pour s’emparer d’une région américaine à Point de Contrôle sans défenseur (on considère que de telle région au toujours une garnison retranchée minimum).

3 – Milice hésitante !

Les milices canadiennes et américaines répugnaient souvent à se battre en dehors de leur pays. Dès qu’une de ces deux factions tentent de pénétrer en territoire ennemi (même par une voie d’eau), elle doit lancer un de leur dé pour chaque unité de milice de leur armée. En cas de résultat « fuite », l’unité s’immobilise et le reste de l’armée peut poursuivre son mouvement.

4 – Battre les cartes !

Toutes les cartes jouées (à l’exception des « trêve » et des déplacements britanniques par navires de guerre) sont replacées dans la pioche et celle-ci est rebattue à chaque tirage de carte. De plus, le joueur britannique doit retirer une carte spéciale  jouée ce tour (aléatoirement si plus d’une carte on été joué). C’est l’option la plus radicale puisqu’elle réduit progressivement les capacités d’actions spéciales britanniques tout en maintenant la réactivité américaine. Elle reste cependant historiquement réaliste puisqu’à ce moment le Royaume-Uni ne peut se permettre de mener une guerre longue et/ou drainant d’importantes forces en dehors du théâtre européen ou même caraïbe.

5 – Veille sur l’Hudson !

Dès que le joueur britannique utilise un mouvement naval pour descendre la vallée de l’Hudson, le joueur américain peut immédiatement réagir (c’est un mouvement gratuit qui intervient durant la séquence ennemie) en déplaçant une armée à 3 régions de distance maximum de cette vallée vers une région adjacente à celle-ci (y compris pour déclencher un combat).

6 – En territoire ennemi !

La règle d’initiative de tir en territoire ami est remplacée par une règle où le défenseur tire toujours en premier. Toutefois, le camp propriétaire du champ de bataille choisit la première perte. Ensuite tous les tirs sont simultanés mais le camp propriétaire du champ de bataille choisit l’ordre de résolution des « manœuvres ».

C’est une règle un peu lourde qui ralentira significativement les combats mais qui permet à un défenseur de faire des pertes en premier en territoire ennemi et qui correspond plus à la logique d’une série de combats s’étalant sur toute une année…

7 – Les indiens, 2D et non 3D !

Les indiens n’ont que deux dés de combat au lieu de trois. Ceci rappelle que le contingent a eu un impact significatif durant la campagne mais un rôle relativement faible lors des batailles rangées.

Birth of America 2 (PC), centre 1775 : le début de la guerre d’indépendance. Le filtre de couleur activé ici présente le contrôle militaire. Les colonies sont en état de rébellion. Mais seuls quelques régiments de milices sont mobilisés pour bloquer l’armée du Général Greene dans Boston.
Birth of America, le berceau d’Ageod

Au-delà de l’homonymie, et malgré la différence d’échelle et de complexité, le Birth of America d’Ageod (voir screenshots ci-dessous) est sur PC une expérience qui combine les mêmes atouts que le warteau dont il est question dans cet article.

Le désormais célèbre studio Ageod (pour Athena Games Entertainment Online Distribution) crée la surprise pour sa première production en 2006 avec le moteur AGE (pour Adaptative Game Engine). Celui-ci reste peu ou prou le cœur des productions suivantes sur une gamme désormais large de conflits (de la Guerre de Sept ans à la Guerre Civile espagnole).

Il combine un système d’ordres simultanés en tour par tour (ici un tour par mois) qui affectent déplacements et affrontements en temps réel à un module tactique. Le joueur manipule des forces le plus souvent placés sous le commandement de chefs historiques et bénéficiant de leurs qualités (et défauts) dans une très large gamme de 82 (!) « traits » en tentant d’anticiper les ordres de l’adversaire. Lors d’un éventuel combat, déclenché notamment par l’attitude choisie pour chaque force et ses règles d’engagement, leurs composantes (des régiments eux-mêmes composés de différents formations plus petites ; mais aussi des escadres de deux à quatre navires) vont échanger automatiquement une série de tirs modifiés par une large gamme de facteurs (puissance de feu, terrain, commandement, expérience, fatigue, moral, munitions) avant le corps-à-corps décisif.

Les forces consomment vivres et munitions,  s’épuisent, se reconstituent, génèrent du contrôle militaire et influencent donc la loyauté des populations de manière transparente. A l’issue d’un certains nombre de tours, les points de victoire récoltés sont comparés pour déterminer le vainqueur mais il est aussi possible de provoquer la « mort subite » de son adversaire.

Le jeu fait forte impression lors de sa sortie par ses grandes qualités visuelles et la pertinence de son interface très au-dessus des standards des wargames généralement arides. Sur une magnifique carte, les forces-pions (à l’effigie de leur commandant) se manipulent par un simple glisser-déposer. Les nombreuses pop-up offrent le volume nécessaire d’informations (y compris sur l’interface ce qui rend presque le didacticiel inutile). Il suffit ensuite de régler quelques icônes pour paramétrer ce que l’on ne veut pas voir rester par défaut (déclencher un siège, débarquer automatiquement, pénétrer dans la place forte de la région d’arrivée, piller une région, etc). Différents filtres permettent de garder une vision globale de la situation car malgré un zoom puissant, l’échelle la plus large évacue des nombreuses informations.

Le succès est tel que le suivi très attentif du produit (qui deviendra l’une des fiertés du studio français) ajoute à travers différents patchs des améliorations qui seront compilées deux ans plus tard dans BoA 2 : Wars in America. Carte étendue, options stratégiques et diplomatiques associés à un système de points d’engagement collectés par le contrôle des territoires, nouveau mode de jeux multijoueurs et AI améliorée… même les graphismes et la bande-son ont reçu leur lot de « chrome » pour permettre au jeu de rester encore à ce jour l’une des meilleures simulation des conflits marquant le début de l’histoire américaine.

En effet, ce qui séduit à la fois le vétéran et le néophyte c’est certainement l’équilibre entre grande rigueur historique et facilité d’utilisation. Les unités de combats sont définies par près d’une vingtaine de caractéristiques consultables et néanmoins transparentes. Les chefs gagnent de l’expérience, peuvent mourir, ou recevoir une promotion. La logistique est détaillé mais sans surchargé le joueur qui peut facilement vérifier si ces troupes crient famine, ou si le système de dépôt et de chariots est efficace. Le brouillard de guerre offre différents niveau de renseignement et les ordres données sont plus ou moins efficacement exécutés.

Ainsi à aucun moment, le jeu n’est en lui-même votre adversaire : vous apprenez de vos erreurs, le système ne vous empêchant pas d’en faire mais vous permettant de les comprendre. Chacun peut aussi jouer à son rythme, consulter comme il le souhaite les comptes-rendus de chaque tour et même identifier en détail les éléments aboutissant aux résultats d’une bataille (résumé sur une seule feuille assez abstraite au premier abord).

Enfin, le thème retenu est très séduisant (en plus d’être particulièrement bien choisi d’un point de vue marketing). Parlant aussi bien de l’histoire américaine que de l’histoire européenne, c’est une simulation rigoureuse des guerres du XVIIème – XVIIIème siècle alliant semi-amateurisme des forces irrégulières à la difficulté à faire manœuvrer des armées conventionnelles dans un espace encore largement sauvage et éprouvant pour une logistique balbutiante.

Voltaire et ses « quelques arpents de neige » puis Napoléon et sa vente de la Louisiane (voir à ce propos la série de vidéos de Jean-Baptiste Murez, dont nous vous parlions cet été) ont mis un terme à l’histoire française de l’Amérique du Nord. Vous pourrez ici découvrir et réécrire cette Histoire.

Il faudra apprendre à maitriser la guerre de mouvement (et de siège) qui trouvera son apogée dans les guerres napoléoniennes, pratiquer des raids audacieux avec les nombreuses tribus indiennes ou les coureurs des bois, et la guerre maritime n’est pas en reste bien que simulée de manière plus abstraite… le tout en tenant compte de conditions météorologiques éprouvantes et de nombreux facteurs aléatoires (plus ou moins scriptés). Si les productions suivantes d’AGEOD on développé d’autres atouts notamment en s’intéressant aux guerres du XIXème et du XXème siècle, Birth of America reste à mon sens leur meilleur jeu.

BoA 2 (PC), loyauté centre 1775 : Même contexte, mais le filtre de loyauté montre que la rébellion est encore fragile en Nouvelle-Angleterre.
BoA 2 (PC), loyauté sud 1775 : … et dans le Sud, l’hésitation est grande entre patriotes et loyalistes. Depuis Norfolk, les britanniques ont une bonne carte à jouer dans ce secteur.
BoA 2 (PC), 1812 : le déclenchement de la guerre de 1812, une échelle proche du jeu de plateau mais un luxe de détails historiques impressionnant.
  1. Academy Games commence a communiquer sur la suite de la série. Le prochain opus devrait être 1754: Conquest sur la guerre de Sept ans en Amérique du Nord (que les anglo-saxons appellent French-Indian war…).
    Des règles de forts, de ports et un nouveau traitement des indiens.

    Alléchant !

  2. Très bon jeu de plateau, très rafraichissant. Des règles simples et pourtant le jeu est très prenant et c’est vrai que finalement même si le scénario est toujours le même, les stratégies varient selon les cartes, les opportunités laissées par l’adversaire et bien sur par le hasard des dés.

    Je savais que le prochain était 1754 mais c’est tout, content d’en savoir un peu plus, merci.
    A suivre aussi une série sur la guerre de sécession toujours chez Academy Games, des règles un peu plus costaud mais ça a l’air prometteur.

  3. Il y a une belle erreur de géographie dans les règles optionnelles. L’Hudson n’est pas représenté sur la carte de 1812. Les personnes qui ont créés la règle optionnelle ont confondu l’Hudson River avec les Lake george et Lake Champlain… (L’Hudson passe juste au dessus d’Albany et va se perdre parmis tout un tas de petits lacs que l’on voit sur le plateau un peu plus au nord de la ville)

    Voici une version corrigée que je vous propose :

    5 – Vigilance à l’Est !
    Dès que le joueur britannique utilise un mouvement naval pour descendre par le lac Champlain et /ou le lac George (exemple de Lacolle à Caldwell), le joueur américain peut alors immédiatement réagir (c’est un mouvement gratuit qui intervient durant la séquence ennemie) en déplaçant une armée à 3 régions de distance maximum vers une région américaine adjacente à un de ces deux lacs (y compris pour déclencher un combat).

    • Par contre je viens de lire que dans votre article vous parlez bien du lac Champlain. Mais sur Boardgaming life ils sont bien dans l’erreur : Both sides must defend 7 land crossings but the Americans are vulnerable along the Hudson River due to the potential for a large British Army to debouch within two spaces of Albany (a Muster Area) by play of a Warship card…

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