Vous connaissez très probablement Twilight Struggle, vu sa popularité depuis 2005, or GMT a eu la bonne idée au printemps l’an dernier de proposer une version du jeu simplifiée, ou disons plutôt écourtée, car une partie de Red Sea se joue en moins d’une heure, mais conserve l’essentiel du sel qui a fait le succès de Twilight Struggle.
Twilight Struggle – Red Sea est à la fois un jeu d’initiation, il permet de se familiariser facilement avec le gameplay de Twilight Struggle. Et c’est aussi un bon jeu pour qui n’a pas le temps de faire une partie plus longue. Voire éventuellement aussi pour qui veut s’exercer un peu à la logique générale du système.
Twilight Struggle n’est pas un wargame stricto sensu, mais bien plus un solide jeu de plateau sur le thème de la guerre et des opérations militaires qui sont très abstraites puis surtout de la politique globale. Tout est question d’influencer au bon moment la bonne région. Le but n’est pas vraiment de simuler, car beaucoup de choses sont vraiment très aléatoires. Nombre de choix vont dépendre du tirage de cartes du joueur et de son adversaire, mais également de la chance aux dés. C’est un style de jeu qu’il faut aimer, dans son genre la formule est très réussie, et en maîtrisant le système on peut diminuer un peu la part d’aléatoire, mais guère plus.
L’intérêt de Twilight Struggle, et donc de Red Sea, ainsi que sur un autre sujet de la déclinaison Labyrinth – The War on Terror, est au-delà du défi que propose le gameplay tant en solo d’ailleurs qu’en multijoueurs, l’intérêt du jeu est de (re)découvrir la période et les enjeux de la Guerre froide. Et dans le cas précis de Red Sea, de la situation peu connue en Afrique de l’Est et au Moyen-Orient à cette époque, c’est à dire dans les années 70.





Se jouant en deux tours, trois avec une règle optionnelle qui ajoute aussi des cartes supplémentaires, chaque tour étant composé de sept phases où chaque joueur alterne les coups, donc les cartes à jouer, une partie de Twilight Struggle – Red Sea est vraiment rapide et dynamique. Certes le théâtre volontairement limité accentue au fil des parties que l’on fera l’aspect répétitif, mais comme il s’agit avant tout d’un jeu d’initiation ou d’un jeu pour une partie rapide, on l’acceptera très bien.
A sa sortie, la version PC, idéale pour s’entraîner, à été pénalisée par des bugs qui ont agacé. C’était d’autant plus frustrant que GMT n’est pas un petit éditeur manquant de moyens. Toutefois ces défauts de jeunesse ont en bonne partie été corrigés, et les essais que j’ai fait il y a peu se sont très bien déroulés.
TS – Red Sea propose 51 ou 52 cartes inspirées d’événements historiques. On choisit le mode offline ou le mode online, puis son camp, USA ou URSS. Lors du premier tour de jeu on pioche neuf carte, puis on, joue une première phase spéciale, dite Headline. Après cette phase initiale, qui peut parfois donner lieu à certains coups spéciaux, on entre dans une première série de sept phases où l’on pourra donc jouer à chaque fois une de ses huit cartes restantes.
Le second tour se déroule de la même manière, on pioche de nouvelles cartes, on rejoue une phase Headline, puis sept phases d’action / opérations. A la fin du second tour, si il n’y a pas de victoire immédiate à un moment avant cela (on peut tout à fait perdre une partie presque en début de partie…), on passe au décompte des points de victoire.
Si besoin il y a un tutoriel. En plus d’un manuel intégré, toutes les cartes sont consultables dans une galerie intégrée dans le jeu, un détail utile pour ceux qui veulent vérifier / mémoriser des combinaisons d’événements et / ou de points d’action.
Le théâtre général est celui de l’Afrique de l’Est et du Moyen-Orient. On peut donc avoir une partie qui basculera plus ou moins vers une de ces deux régions. Voire avec beaucoup de chance les deux.
Le but est de contrôler certaines régions afin de maximiser les points de victoire. Alternativement on peut éventuellement pousser l’adversaire à la faute en le faisant déclencher une guerre thermonucléaire, une bonne part de la planète sera certes atomisée, mais votre camp aura gagné la partie…
Tout est question de vraiment bien comprendre l’intérêt de chaque carte événement selon le moment où l’on choisit de la jouer. Les possibilités sont dans l’ensemble très nombreuses et peuvent beaucoup varier selon la situation générale durant la partie.
Un aspect amusant, qui incite souvent à beaucoup réfléchir au coup que l’on va jouer, est en résumant vite que chaque carte peut soit se jouer pour l’événement historique quelle représente, événement qui favorise un camp ou l’autre, soit se jouer pour une valeur en points d’action, mais alors vous risquez d’offrir l’événement historique à votre adversaire si cet événement le concerne.
Cette logique spécifique à Twilight Struggle amène souvent à de jolis casse-tête, forçant le joueur à jouer contre lui-même, mais c’est aussi valable pour l’adversaire, et sauf malchance, l’ensemble reste à peu près bien équilibré (le jeu tend toutefois à favoriser un peu plus l’URSS).
En solo, l’IA offre un très bon défi, même pour un joueur averti. Si le jeu peut inévitablement devenir répétitif, l’IA étant coriace et la dimension aléatoire des tirages de cartes font qu’on ne se lasse pas trop de recommencer une partie. De plus le jeu étant léger, il se charge rapidement, et l’ambiance sonore est simple, mais très correcte.
Détaillons un petit peu un exemple de début de partie. Pour ma première action, je choisis de jouer une petite carte, et de l’utiliser pour tenter un coup d’état. Cela fera baisser le niveau DEFCON (guerre nucléaire) de 1, sachant qu’il est à 4, sur une échelle de 1 à 5, et que arrivé à 1, c’est la guerre totale, la partie s’arrête.
J’ai 4 chances sur 6 de réussir ce coup. 1 chance sur 6 de donner un point d’influence à mon adversaire, et une chance sur 6 que rien ne se passe. Je fais un 6 au dé, superbe réussite, les USA gagne 4 points d’influence au Yémen du Sud !
A son tour, l’URSS continue de placer des points d’influence, donc de ne pas jouer d’événements historiques. A la phase 1 elle a pris le contrôle du Soudan et de la Somalie, à la phase 2 elle prend le contrôle du Kenya. A ce stade du jeu rien de gênant.
Lors de ma seconde phase, je choisis de placer aussi de l’influence. Je joue une carte qui va donner un événement à l’URSS, mais heureusement ma précédente action rend cet événement inutile pour mon adversaire. C’était le but de cet enchainement réussi.
Il y a neuf régions où je peux placer jusqu’à 2 points d’influence. Inutile d’en remettre dans le Yémen du Sud, il est déjà très bien influencé par les USA. Je pourrais investir 2 points en Arabie Saoudite, et donc en prendre le contrôle. Je pourrais essayer de contrer l’influence de l’URSS au Soudan, ce qui est intéressant si l’on veut par la suite influencer l’Égypte, mais vu que l’URSS domine là, cela me coûte le double en points d’influence. Je pourrais renforcer l’influence US en Éthiopie, ce qui éviterait à l’URSS de s’y installer après facilement (d’autant plus qu’une famine suite à un précédent événement du russe y facilite les coups), et de prendre un net avantage sur le continent africain. Il y a pas mal d’actions possibles.
Je décide de miser mes deux points sur l’Arabie Saoudite. Ainsi, je domine à moitié l’une des deux régions du jeu, ici le Moyen Orient, celle qui accorde le plus de points de victoire. Si le décompte se faisait maintenant, j’empocherais alors 6 PV. Mais nous ne sommes qu’au début de la partie, et beaucoup de choses peuvent encore arriver.
Troisième phase d’action. L’URSS choisit de jouer une carte événement qui m’aurait donné un bonus dans l’unique action de Course à l’espace de ce tour de jeu. L’URSS avait 4 chance sur 6 de marquer un point à ce niveau, elle réussit son coup, et en même temps m’a privé d’un événement historique mineur mais néanmoins toujours utile.
Je choisis moi aussi de jouer la Course à l’espace, pour me défausser d’une carte offrant un événement ennuyant pour moi, vu ma main de cartes, si l’URSS pouvait le jouer. C’est une réussite, et les USA passe au niveau 2 dans cette course.
Quatrième phase d’action. L’URSS tente un coup en Éthiopie, fait un 6 au dé, c’est une réussite brillante pour mon adversaire, qui gagne 6 points d’influence là-bas !
De plus, ce coup assure une domination totale de l’URSS sur l’Afrique de l’Est. Ce qui si un décompte de point avait lieu donnerait dans ce cas précis une victoire automatique à mon adversaire…
Mais le niveau DEFCON est passé à 2, nous sommes à un cheveu de la guerre nucléaire !
Je joue une carte pour placer 2 points d’influence en Afrique, mais ce faisant je donne à l’URSS la possibilité de jouer un événement qui fait encore baisser d’un cran le niveau DEFCON. La partie s’arrête immédiatement, la victoire est pour mon adversaire.
Voilà, il s’agissait d’un exemple rapide, car une partie complète de Twilight Struggle – Red Sea serait quand même longue à détailler vu le nombre d’interactions possibles.
Même pour un « petit » jeu comme Red Sea, les possibilités étant quand même très nombreuses, je vous rajoute pêle-mêle différentes captures d’écrans illustrant de toutes autres situations.
Pour plus d’informations Twilight Struggle – Red Sea, voyez cette page sur Steam et le site de Playdek. Pour la version sur tables du jeu, paru vers la fin de 2022, voyez cette page chez GMT. Et par exemple la vidéo dans cette brève au sujet de la conception d’un Bot afin de pouvoir jouer en solo. Pour la version PC de Twilight Struggle, voyez ce test.































