Souvenons-nous : Europa Universalis troisième du nom avait divisé la communauté en mettant fin au système d’évènements historiques rigides et en initiant une politique d’extensions et de DLC nombreux. Quelques années et jeux plus tard (Victoria II, Crusader Kings II, Hearts of iron III etc.), la série revient avec un quatrième opus qui systématise cette évolution, tout en changeant profondément nos habitudes. Voyons ce qu’il en est…
Réalisation
Tout d’abord, il faut remarquer que le jeu est beau. Le tournant opéré depuis son grand frère qu’était le troisième épisode se confirme et c’est un vrai plaisir de contempler cette carte qui se colore de vos couleurs toujours un peu plus. Par contre, je trouve les raccourcis et filtres légèrement moins pratiques qu’avant, ce qui n’est pas le cas de l’interface de construction rapide, très utile elle pour les grands empires. Côté musical on retrouve à la baguette l’habituel Andreas Waledetoft, compositeur attitré du studio qui nous livre une nouvelle fois de plaisantes mélodies soutenant efficacement le jeu.
Hélas, la traduction française est une nouvelle fois ratée. Si les erreurs purement orthographiques ou de syntaxe sont excusables car ne gèrent pas le confort de jeu, le fait que les textes français, mal cadrés, cachent des informations importantes l’est moins. De plus, c’est toujours le cas après plusieurs patchs (le dernier que j’ai pu tester est la 1.1.3). Or, ces problèmes de localisation ne datent pas d’aujourd’hui, ce qui les rendent d’autant plus agaçants. Enfin, il m’est arrivé de devoir relancer ma partie plusieurs fois avant de pouvoir profiter d’une session de jeu satisfaisante : la bête se bloquait systématiquement au bout d’une année de jeu environ ! Là encore les retours sous Windows et bugs de ce genre sont un vrai boulet que traîne Paradox depuis des années…
Avec l’IA : elle est toujours mollassonne en temps de guerre et on pestera de devoir courir après quelques milliers d’hommes qui vont jouer à cache-cache avec vos troupes en s’enfuyant de provinces en provinces devant elles… La chose, à peu près réglées dans les dernières versions d’Europa Universalis III, est revenue en force. Sans parler des révoltes de plusieurs milliers de rebelles… dans des colonies qui comptent au maximum 1000 à 2000 habitants ! Un régal de réalisme. Heureusement, ces horreurs passées, Europa Universalis IV se révèle être un excellent jeu.
Des points pour la victoire
L’un des plus grands changements réside dans le bouleversement de la gestion du budget : finis les revenus annuels et l’investissement de vos derniers dans les technologies. Dorénavant il n’y a plus de revenus que mensuels et le développement de votre état passera par l’engrangement et la dépense de points. Ceux-ci sont divisés en trois catégories : militaire, diplomatie et administration. Les talents du chef d’état et de ses conseillers (beaucoup plus onéreux et moins nombreux qu’avant) en font gagner un certain nombre tous les mois. Or, ils permettent d’effectuer de très nombreuses actions.
Tout d’abord chaque bâtiment, selon sa nature, demandera, en plus d’or, quelques points. Ensuite, point capital, la technologie, divisée en trois branches, qui correspondent aux points, progresse de la même manière. Ainsi que les doctrines, qui remplacent les idées nationales du III. Ce sont des bonus permanents dans divers domaines et elles sont beaucoup plus nombreuses que les idées du dernier opus. Enfin, les points permettent de transformer les provinces conquises pour les façonner à votre image, travail long et coûteux. Bref, ils sont primordiaux et sont même requis pour l’amélioration de la stabilité et la réduction de l’inflation. En clair, les maîtriser, choisir où on les investit devra être planifié et surtout pas laissé au hasard. Comme avant, les pays non-occidentaux devront en dépenser plus pour croître en niveau technologique.
Bâtir votre empire
Outre les points, la gestion de son pays diffère sur plusieurs autres volets. Pour commencer, on l’a dit, les bâtiments nécessitent lesdits points pour être bâtis. Cela veut dire qu’il n’y a plus de magistrats, personnages qui permettaient auparavant de réaliser les constructions. Finies aussi la tradition culturelle (qui influait sur la qualité des conseillers) et les décisions provinciales (il reste des choix nationaux par contre). Les espions aussi ont disparu et les actions clandestines vont être désormais réalisées par les diplomates. Comme les colons et les missionnaires, ils sont en nombre limité mais ne sont plus à usage unique comme dans les précédents épisodes. Cela veut dire qu’ils devront remplir la tâche assignée (falsifier une revendication, bâtir une colonie, convertir une province…) avant de pouvoir en effectuer une autre. De plus, sous peine de malus, il n’est plus possible d’entretenir des relations diplomatiques étroites (en clair, un traité d’alliance, de passage, ou un mariage royal) avec un nombre illimité de pays. Les doctrines permettent d’avoir plus de personnages ou de relations possibles toutefois.
On notera aussi que la gestion de la religion diffère selon les croyances : ainsi les puissances chrétiennes doivent toujours gérer leurs relations avec le pape, alors que les musulmans doivent choisir entre piété (plus grande stabilité et conversions plus simples) et impiété (qui accorde des bonus d’impôt et de technologie, permettant de contourner le malus initial).
Mais après la gestion du budget le deuxième grand bouleversement réside dans le commerce, car les centres commerciaux que l’on connaissait jusque-là ont purement et simplement disparu. Dorénavant le jeu fonctionne avec des nœuds commerciaux, où l’on peut envoyer un marchand, soit pour y récolter des revenus (si le nœud est sur vos terres), soit pour faire dériver de la puissance commerciale vers vos propres nœuds. Au fur et à mesure de l’avancée du jeu (qui va de 1444 à 1821), certains nœuds gagnent en puissance ou inversement, notamment avec des chocs comme la découverte de l’Amérique et ses ressources (sucre, café, tabac…). Si le système paraît obscur et complexe à première vue, l’on s’y fait vite et il apparaît plus réaliste que l’ancien.
Conquêtes et diplomatie
Terminons par ce volet, en notant particulièrement que chaque pays, outre les doctrines qu’il choisit de débloquer par la technologie, possède les siennes propres qui personnalisent agréablement les parties : on ne bénéficiera pas des mêmes bonus avec la Grande-Bretagne que le Portugal ou la Moscovie. De plus, les annexions diplomatiques sont facilitées par rapport au passé. Plutôt que d’améliorer les relations avec vos vassaux à coup d’or puis d’espérer que votre demande d’annexion soit acceptée (avec souvent un taux de réussite « très improbable »), il faut dorénavant remplir des conditions et envoyer un diplomate effectuer l’intégration à votre état, qui prend plusieurs années.
Par ailleurs, il y a peu de changements sur le Saint-Empire, l’armée, la marine (si ce n’est qu’elle peut protéger les routes commerciales) ou la légitimité (le taux « d’acceptation » de votre chef d’état par le pays). Mais, on l’a évoqué, conquérir des provinces non légitimes fait grimper un dangereux taux de surexpansion qui vous force à intégrer, en dépensant des points et du temps, les provinces capturées à votre état avant de reprendre une guerre. Les conquêtes sont donc plus lentes qu’avant, même s’il est frustrant que ce taux (le déshonneur, lui, est différent) s’applique aussi drastiquement en cas de conquêtes par exemple coloniales… Ainsi, historiquement, l’invasion d’une traite de l’Empire Maya ou Inca par les Espagnols n’a pas provoqué de remous, en Europe, comparables à celle de la Silésie, perdue par l’Autriche au profit de Frédéric II au XVIIIe siècle. On aurait aimé qu’il en soit de même en termes de jeu et que la conquête de grands espaces coloniaux ne prennent pas des décennies, tout en empêchant l’expansion en Europe.
Pour conclure
Au final, malgré des erreurs de jeunesse, ce quatrième Europa Universalis est sans surprise un très bon jeu de stratégie qui amène son lot nouveautés dans le gameplay et que l’on ne peut que conseiller à ses fans, ainsi qu’aux nouveaux venus (bien que le didacticiel soit, hélas, truffé de bugs). Il fait honneur aux précédents jeux de la série et Paradox ne manquera sûrement pas de nous gratifier de nombreuses extensions, que nous nous ferons un plaisir de décortiquer pour vous !
- Toujours un très bon jeu sur période de la Renaissance.
- Différentes améliorations intéressantes (Commerce, missions, …).
- Jolie bande-son et meilleure interface.
- Le mode multijoueur utilise Steam.
- Carte très belle.
- Toujours des bugs gênants.
- Traduction française peu réussie.
- Les batailles sont toujours relativement un point faible du jeu.
Sortie : 13 août 2013
Studio / éditeur : Paradox Interactive
Site web : www.europauniversalis4.com
Prix éditeur: 39.99 € (HT) en téléchargement (Steam – GamersGate).
L’édition collector Digital Extrême inclut en plus du jeu le contenu suivant :
DLC Le croissant et l’étoile : 50 nouvelles images thématiques et plusieurs événements pour les pays musulmans. DLC Les cavaliers du croissant – Pack d’unités : 12 modèles de cavalerie uniques pour les Ottomans, Mamelouks et les Perses. DLC Conquête de Constantinople – pack de musique : 3 pistes contenant 10 minutes de nouvelle musique magistrale composée par Andreas Waldetoft.
Les commentaires sont fermés