Après une présentation générale du jeu, je vous propose de suivre un compte rendu de partie qui va m’opposer à Jordan, un adversaire redoutable qui a des connaissances tactiques approfondies et qui tout comme moi découvre ce wargame.
Mais quel est donc ce jeu ?
Flashpoint Campaigns : Southern Storm est un wargame grand tactique qui se déroule pendant l’apogée de la guerre froide en 1989.
C’est un jeu d’une complexité que j’estime au dessus de la moyenne, et qui présente toutes les caractéristiques d’une simulation d’opération de combat moderne, en anglais.
Le moteur de jeu est basé sur des tours WEGO asynchrones.
Après votre phase d’ordres, vous observerez le déroulement des opérations sur champ de bataille minute par minute, sur une carte d’état major détaillée.
Les deux joueurs voient donc leurs tours se dérouler simultanément, cela simule la friction du champ de bataille, de nombreux facteurs viennent compliquer la prévisibilité de la situation et la résolution des ordres.
Vous pouvez à l’issue du tour asynchrone, donner de nouveaux ordres ou les ajuster pour réagir à ce qui s’est passé pendant que vous exécutiez votre plan de bataille.
Toutes une série de rapports sont à votre disposition au début de chaque tour pour affiner votre stratégie ainsi que les ordres qui vont être donné à vos unités.
Les rapports
La lecture des rapports est optionnelle mais très utile, en effet le brouillard de guerre est bien rendu, il donc nécessaire de prendre connaissance des rapports émis par le renseignement militaire, ceux ci sont établis en fonction de l’activité électro-magnétique ennemie, ils permettent d’estimer la position et la nature des forces en présence sur des zones de carte ou n’apparaissent aucun pions adverses, car hors de portée des optiques de vos éléments de reconnaissance.
Le rapport de pertes permet de synthétiser les pertes et les unités adverses estimées neutralisées, c’est la synthèse des rapports radios échangés par vos forces durant le tour.
Un tableau synthétique permet également de prendre connaissance de l’impact que va avoir la guerre électronique, heure par heure, cela va impacter le temps de prise en compte de vos ordres par vos unités ainsi que la chance de détection de votre QG ou de celui de votre adversaire.
Le rapport météo, la couverture aérienne, la visibilité sont également des éléments à prendre en compte, le jeu simule finement la dimension jour, nuit, la luminosité et les optiques des unités.
Les ordres
Ceux ci peuvent être très basiques, tenir la position, faire écran, effectuer un mouvement rapide etc…
Mais chacun d’entre eux peuvent également être très détaillés via un gestionnaire d’ordres avancé, on peut en effet, et ce pour chaque unité, régler l’initiative tactique laissée à l’unité, régler son niveau de pertes acceptables avant de changer de posture, régler la discipline de feu, son initiative de mouvement en fonction de divers paramètres (ennemis aperçu, après un tir, après des pertes subies), paramétrer sa posture vis à vis d’un champ de mines, déterminer la gestion des passagers pour les unités mécanisées ou motorisées, gérer les temps de repos ainsi que de ravitaillement.
Le paramétrage par défaut des ordres rend la simulation immédiatement jouable, elle prend néanmoins toute sa saveur en affinant ceux ci afin d’optimiser vos chances de victoire.
Ndlr. Voici en complément une vidéo dans laquelle Zentarin présentait (en anglais) en entier l’hiver dernier ce scénario.
Le contexte
Nous allons nous affronter sur le scénario GM GIRAUD.
Je vais jouer les forces soviétiques, que je surnommerai « Povov, ou les rouges » à toutes fins de simplification, Jordan « Jo », jouera les forces Françaises, « les Bleus ».
Le 6 Août 1989, 14h00, les russes sont à Épinal, ils sont les premiers surpris par leur percée, et la pointe de leur dispositif est très en avance sur le second échelon.
A Épinal, n’ayant pas assez de forces pour tenir efficacement la zone, Popov a fait sauter tous les ponts pour prévenir une contre attaque française en franchissement de la Moselle. Le second échelon est loin, le déni d’accès s’impose donc, reste à couvrir le flanc sud que ne manquera pas de venir chatouiller Jordan avec son groupement mobile.
La guerre aérienne fait rage et pour les deux camps c’est trop risqué de faire se mouvoir de vastes forces, le second échelon russe ne viendra pas, et les forces françaises sont limitées au groupement mobile GIRAUD, une force légère qui va essayer de saisir Épinal et de couper la route de communication des forces avancées soviétiques.
La bataille commence sous un soleil radieux, le 6 août 1989, à 14h00 et va durer 6 heures, pas de vent, 25°, illumination 100%.
Les forces en présence
Coté soviétique, j’ai à ma disposition le 275eme régiment motorisé des fusiliers de la garde (GMRR) composé de deux bataillons d’infanterie mécanisée et de leurs sections antichars, de mortiers, de défense anti aérienne, quelques sections de reconnaissance et une compagnie réduite de T72.
De la logistique viendra plus tard ainsi que deux Mi24 Hind (attendus vers 15h30).
J’aime bien les Mi24… pour la petite histoire les afghans les surnommaient « les chariots du diable », du fait de la terreur qu’ils inspiraient et de la puissance de feu qu’ils développent.
Coté français : Je n’ai qu’une estimation des forces en présence, et afin de conserver une expérience de jeu et de simulation optimale, je n’irai pas voir le pendant de ce scénario en le lançant coté OTAN.
Le rapport de renseignement (image 1) laisse apparaître des forces estimées numériquement équivalentes aux miennes avec une composante blindée plus importante :
Je vais donc devoir optimiser mes forces et m’accrocher au terrain.
Les objectifs à tenir sont les suivants : 500 points pour Épinal et 3 fois 500 points répartis sur la route de communication (la N420). L’axe de communication a donc plus de valeur que la ville, mais est également plus difficile à défendre.
Déploiement initial
Un bataillon d’infanterie mécanisée est disposée du centre jusqu’au nord pour tenir trois objectifs et prévenir une infiltration forestière hors axes routiers, qui seront tenus par des unités de reconnaissance équipées d’armes antichars. Des champs de mines sont également en place et devraient ralentir la progression française.
Je conserve ma compagnie de T72 sur la N420, en retrait, pour intervenir soit au nord, soit au sud, en fonction des besoins. Ils vont faire office de pompiers si l’incendie se déclare ici ou là.
Épinal sera défendue par le second bataillon d’infanterie mécanisée et des sections antichars afin de neutraliser les mécanisés adverses qui semblent composer le gros des forces françaises.
J’ai réparti mes SAM sur l’ensemble de la carte afin de créer une bulle anti-aérienne qui devrait venir à bout des Gazelles qui se présenteraient.
J’ai donc un dispositif statique avec des forces mobiles limitées, et peu de renforts, (image 2).
C’est un bel exercice défensif, toutes les unités sont à portée de commandement et les mortiers ont pour certains une posture « Contre-batterie » et pour d’autres « A la demande », prêt à délivrer du shrapnel si nécessaire.
Je vais essayer d’optimiser mes ordres afin que les unités qui vont encaisser le choc initial tiennent le plus longtemps possible et infligent un maximum de pertes, ma ligne de défense prendra le relais avec appui des mortiers et vers 15h30 le couple de Hind qui pourrait faire peser une réelle menace, en gardant ses distances.
Si j’ai des opportunités de contre, j’utiliserai ma petite réserve blindée, à moins bien sur qu’elle ne soit déjà engagée ailleurs.
J’identifie quatre axes de poussée potentiels que pourrait utiliser Jordan, marqués sur la carte.
On est sur une bataille qui va avoir lieu en plein jour, égalisant les chances de détection et les probabilités de destruction, de manière générale les scénarios de nuit avantagent les forces de l’OTAN dotées de meilleures optiques thermiques.
L’exercice ne sera pas évident pour les bleus qui en toute logique vont subir des pertes pour brécher mon dispositif, les pertes viendront pondérer le score, j’ai tout intérêt à les limiter de mon coté et à les maximiser en face.
La bataille commence, au sud d’Épinal, deux Alouettes se font abattre par mes défenses anti aériennes, des Iglas (image 5).
Une de mes deux sections d’artillerie commence un tir de barrage sur la D11 à la sortie du village d’Archette, axe probable de progression français, un rapport de renseignement confirme la destruction d’une unité de reconnaissance adverse (ce type de rapport simule l’interceptions échanges radios français, image 4 et 5).
L’ordre a été donné a toutes mes pièces d’artillerie de bouger après chaque salve afin de limiter les effets d’une éventuelle contre-batterie, je garde une section au calme en posture de contre batterie pour contrer l’éventuelle contre-batterie française qui viserait la zone de départ de coups ou se trouvait ma première section qui a bougé d’une case après une salve de 10 coups .
Sur la D159 mes recos identifient 2 véhicules P4 qui sont en pointe mais hors de portée de mes griffes (image 3).
Il est 14h19, mes ordres sont donnés, c’est à Jo de donner les siens.
Je m’assure que la compagnie d’infanterie mécanisée ,en embuscade derrière le champ de mine soit à portée de vue et d’engagement. (image 6)
A 14h39 une de mes sections d’artillerie encaisse un tir de contre-batterie, elle n’a pas eu le temps de démonter pour changer de position, quelques pièces sont mises hors combat.
Vers 15h00, secteur est, 3 sections de blindés français grenouillent derrière le champ de mine, une de mes sections de reconnaissance est détruite, un AMX sera détruit par un tir d’ATGM, un par une grosse salve de mortiers de 120 mm, ce champ de mine m’est bien utile… Pour l’instant, les AMX reculent. (image 7 )





J’ai l’impression que la N420 a fait l’objet d’un tir d’artillerie, sur une zone non occupée, c’était soit un tir au petit bonheur la chance, soit des munitions spéciales (mines aéro dispersées).
Si tel est le cas, je serai plutôt tenté de dédier ma réserve blindée à la partie Nord Est de la carte. Je vais envisager une reconnaissance de la zone concernée.
Au sud-ouest je suis aveugle, je vais bouger prudemment une de mes sections en zone boisée pour évaluer la progression de Jo sur cet axe.
Je met toute mon artillerie en posture contre-batterie, il est probable que mes mortiers soient ciblés à ce tour et j’ai besoin de réduire les capacités d’artillerie françaises qui pourraient appuyer l’attaque probable sur Épinal.
Il est 15h34, le couple de Hinds est arrivé je le garde en réserve et le fait déplacer vers la Moselle.
A l’est, des véhicules P4 ont franchi le champ de mines à toute vitesse et se font détruire par ma ligne de défense en retrait de la forêt, les AMX restent également en retrait, une grosse colonne mécanisée arrive. (image 8)
J’ordonne un tir de barrage d’artillerie sur l’axe routier. Je présume que les français vont suivre la route. L’artillerie touche, j’ignore ce qui a été détruit ça va affaiblir les bleus.
A l’ouest, je suis toujours aveugle, je me sers des rapports du renseignement militaire pour estimer la progression de Jo (image 9a et 9b), l’assaut sur Épinal devrait se produire sous peu.
Je compte sur mes Hinds pour appuyer la défense, ils sont en réserve quelques mètres au dessus de la Moselle. (image 10).
Il est 15h53, à l’Est quelques accrochages, les français peinent à passer le champ de mines, derrière c’est la zone mortelle, j’aperçois des Gazelles Hot qui essayent de me flanquer par la droite, mes Iglas en place sur ce flanc font mouche. (image 12)
A l’ouest, Jo met un écran de fumée en place sur l’un des accès à Épinal, il va attaquer le long de la Moselle, mes Hinds vont se rapprocher de la zone, je paramètre leur posture afin de leur laisser une grande initiative tactique pour limiter les pertes et si possible n’engager qu’à longue portée. Si j’arrive a avoir un visuel sur ces forces, je vais les mettre en mode « chasse ». (image 13)
Dans les minutes qui suivent des AMX 10RC se font voir, ils sont en mouvement rapide sur l’axe routier qui les mène vers la ville, le long de la Moselle il semble que de l’infanterie mécanisée approche, les fumigènes les masquent partiellement. (image 14)
Je m’étonne de la posture des 10RC que j’imaginai se mettre en appui en lisière de forêt, mes équipes antichars vont peut être avoir des cibles si les 10RC restent sur la route.
A 16h20, les français lancent l’attaque générale sur Épinal, mon couple de Hinds a détruit 5 véhicules mécanisés, puis s’est automatiquement replié vers le dépôt de munition au Nord afin de ré-approvisionner. J’aurai pu continuer au canon, mais c’était les mettre à portée des 20 mm des AMX 10P, donc une posture risquée. (image 16)
En ville des 10RC et de l’infanterie mécanisée progresse, mes équipes antichars emportent quelques 10RC qui semblent avoir une posture de mouvement rapide plus que d’assaut, les P4 semblent également foncer droit devant. (image 15)
L’infanterie française prend néanmoins pied dans la partie sud de la ville, j’ai fortifié deux compagnies d’infanterie mécanisée dans la partie nord de la ville. (image 17)
Ma reconnaissance examine la N420 qui a fait l’objet d’un précédent bombardement, je présumais soit un tir au hasard, soit un minage, aucunes mines antichar détectées.
La mobilité de ma réserve blindée ne devrait pas être entravée si je dois la faire se mouvoir sur cet axe vers l’Est. Elle sera inutile en combat urbain sur Épinal mais si d’aventure la ville devait tomber, elle viendra renforcer l’objectif central, 3 hexagones au Sud de l’ouvrage de Deyvillers, à moins que je ne sois en difficulté au nord.
Quelques tours calmes, vers 17h24 les blindés français poussent sur l’axe le plus à l’est et détruisent un T72, mon unité se met hors de portée du fait de sa posture visant à limiter les pertes, mes Hinds ont ré-approvisionnés en missiles antichars, je les oriente à nouveau vers la Moselle.
A l’ouest une de mes unités de reconnaissance initialement placée dans les bois vient reconnaître l’axe de progression adverse et arrive au contact de mortiers, la posture de ma reconnaissance n’est pas agressive, mais là me voilà détecté et avec peut-être une opportunité à saisir au prochain tour.
Si j’arrive à priver Jo de ses mortiers son attaque sur Épinal n’en sera que plus difficile, j’envisage donc au prochain tour d’engager les VAB mortiers, soit avec de l’artillerie, soit avec ma reconnaissance. (image 18)
Une nouvelle attaque est lancée sur l’axe routier à l’est, ma compagnie disposée en blocage derrière le champ de mines change de posture, j’accepte des pertes plutôt que de chercher à les limiter et je lance l’assaut sur la D159b, le nombre est pour moi, les français décrochent après quelques pertes. (image 19)
A l’ouest les français foncent au cœur d’Épinal et viennent au contact de ma compagnie en posture « bouger après chaque perte ».
J’avais choisi cette posture afin de limiter les effets des tirs d’artillerie, après quelques coups de feu et quelques pertes, la compagnie respecte ses ordres et libère la zone objectif, qui va être prise par les français. (copies écran 20 et 21)
Ma compagnie se retrouve à découvert et se fait engager par des 10RC en lisière de forêt, les pertes sont très élevées.
Pendant ce temps je modifie la posture de ma seconde compagnie encore présente en ville afin de préparer une contre-attaque pour re-capturer l’objectif. (image 22).
La contre-attaque est menée avec les deux compagnies du bataillon devant tenir Épinal, c’est brutal, elles sont affaiblies mais bien plus nombreuses que les légionnaires français qui avaient saisi l’objectif, la zone est reconquise après une dure bataille. (image 23)
Il est 20h00, la bataille se termine, les forces françaises n’ont pas eu une situation facile à gérer, l’offensive est un art difficile, Jo a bien joué, focalisant son effort sur Épinal, j’estimais mon point le plus faible étant au centre, si je perdais celui ci il aurait été possible aux français de tenter un encerclement de la ville pour saisir un second objectif.
Cela aurait impliqué deux diversions à l’est et à l’ouest et un regroupement de la majorité des forces françaises au centre. Je craignais ce type d’opération qui m’aurait forcé à mouvoir pas mal de mes forces en réactions, les exposant.
Un grand Merci à Jordan pour cette partie ! C’est avec plaisir que je remettrai ça sur un autre scénario.

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Ce scénario a été ajouté au jeu via la mise à jour 2.1.4.8218 en juin 2024 (« Cette mise à jour inclut un nouveau scénario gratuit appelé « GM Giraud », mettant en scène les forces françaises contre les forces soviétiques sur la carte d’Épinal et créé par le très talentueux Joao Lima. »). Pour plus d’informations sur Flashpoint Campaigns – Southern Storm, voyez cette page chez Matrix Games et cette fiche sur Steam.























