Grand Tactician : The Civil War est sans aucun doute sur le radar des amateurs de jeux sur la guerre de Sécession et de jeux de stratégie au sens large, du fait de son ampleur, de ses promesses et des aperçus qui ont pu être disséminés depuis quelques mois. Depuis la fin du mois d’août, le jeu est disponible en accès anticipé (répétons-le) sur Steam. La Gazette n’a pas pu résister ni attendre pour vous proposer un regard supplémentaire sur le jeu !

Remarque préliminaire : Grand Tactician – The Civil War n’est pas sorti ! Le jeu est depuis fin août en Early Access sur Steam. L’accès anticipé est, pour faire court, une phase de bêta ouverte, payante, devenue fréquente dans l’industrie du jeu vidéo. Le jeu n’est donc pas terminé, loin s’en faut. La sortie officielle du titre est prévue pour la fin de l’année 2020. Cet article se veut donc plus une présentation un peu approfondie mais pas un test, qui devra attendre la sortie.

C’est l’ampleur et l’échelle du jeu qui frappe au premier essai : ça n’est pas un jeu tactique, ça n’est pas un jeu opérationnel / stratégique, ça n’est pas un jeu de « grande stratégie ». C’est un peu de tout ça à la fois, ce qui est ambitieux. La série des Total War présente un module tactique (qui est le véritable cœur du jeu) mais pêche sur les aspects dits de grande stratégie. D’autres titres sont purement stratégiques ou opérationnels (Civil War 2 d’Ageod, voir cet article) et ont une représentation tactique simpliste ou abstraite. D’autres, enfin, sont purement tactiques, tels que la série des Scourge of War (voir ce test). Il est rare d’avoir tous ces éléments réunis en un seul titre et mieux encore qu’ils soient aboutis. C’est pourtant l’ambition de Grand Tactician : The Civil War, un jeu complet de l’échelle stratégique à l’échelle tactique.

Voyons donc où nous en sommes et ce que le jeu a dans la cartouchière à cette étape du développement !

Grand Tactician: The Civil War (1861-1865)
L’attention portée à l’immersion et aux détails est flagrante dès le menu principal. Derrière les boutons, des films de reconstitution défilent.
Grand Tactician: The Civil War (1861-1865)
La grande campagne, l’un des cœurs du jeu. Le choix de politiques différentes permet d’obtenir des situations alternatives (plus forte industrialisation du sud, soutien du Kansas, etc…)
Grand Tactician: The Civil War (1861-1865)
La campagne se joue sur la carte stratégique. On notera l’effort fait sur l’esthétique “d’époque”.
Grand Tactician: The Civil War (1861-1865)
Vue d’ensemble de la carte stratégique (original campaign map).

Pour plus d’informations sur Grand Tactician – The Civil War (1861-1865), voyez le site officiel, particulièrement la section du blog des développeurs, ainsi que cette page sur Steam. Voyez aussi en complément ce précédent aperçu dans nos colonnes.

Grand Tactician: The Civil War (1861-1865)
Comme tout jeu de stratégie qui se respecte, des filtres sont présents. Ici, les possessions territoriales au printemps 1861. Virginie, Caroline du Nord, Tennessee et Arkansas n’ont pas encore quitté l’Union.
Grand Tactician: The Civil War (1861-1865)
La carte “papier” est disponible jusqu’à un certain zoom. Ici la Caroline du Sud avec les troupes autour de Charleston et Fort Sumter.

Première impression, le jeu est joli. Très joli, même. Les choix esthétiques sont élégants et adaptés à un jeu sur cette époque : boutons couleur bronze, effets bois. Les cartes, au zoom minimal, ont un aspect de carte papier d’époque et sont magnifiques. Même la plupart des menus et fenêtres d’informations du jeu suivent cette esthétique et donnent l’impression de consulter des tableaux-papier d’époque et non pas des pages de tableur. Il y a même, suprême raffinement, la possibilité d’activer une police d’écriture manuscrite qui renforcera l’immersion (et demandera un effort d’adaptation).

De nombreux détails révèlent le soin et l’attention portés à l’esthétique générale tels que les drapeaux (surtout confédérés) qui changent selon la date, les mini documentaires ponctuant les grandes étapes de la guerre, les extraits filmés animant certains menus et, gadget suprême qui rappellera aux plus anciens les jours glorieux d’Age of Rifles : la possibilité de choisir les uniformes et leurs couleurs au moment du recrutement des unités ! Bien sûr, l’armement est aussi personnalisable et là aussi le souci du détail est impressionnant. C’est un travail de passionné.

Passons au cœur du jeu : deux modes de jeu sont possibles ; les campagnes stratégiques et une série de batailles historiques pour profiter sans attendre du mode tactique.

A ce jour, l’aspect tactique de Grand Tactician : The Civil War est le plus abouti. Le jeu offre la possibilité de rejouer des batailles historiques de la Guerre de Sécession dans une sélection qui sera sans surprise et des plus classiques (ndlr : en en-tête ici Gettysburg).

Comme le reste du jeu, l’action est en temps réel. Le joueur est propulsé sur une carte 3D reprenant le champ de bataille concerné. Tous les classiques d’un champ de bataille du XIXème siècle et de la guerre de Sécession sont présents : choix de formation, ordre de déplacement, de mise à couvert, attelage de l’artillerie… D’autres éléments sont plus rares dans le jeu vidéo et sont des ajouts intéressants. Ainsi, les commandants ont un rayon de « clairon » qui permettent aux ordres d’être pris en compte immédiatement. Si ça n’est pas le cas, vous dépendrez d’estafettes à cheval qui pourront prendre de précieuses minutes pour transmettre vos ordres. On apprend vite à placer de la manière la plus optimale possible ses chefs et ses troupes pour réduire ce genre de délai. Sur le plan de la jouabilité et même sur le plan visuel, on retrouve un esprit proche de celui des Take Command / Scourge of War.

Dans le cas de batailles déclenchées par une rencontre pendant la grande campagne, vous serez propulsés soit sur une carte historique à proximité de votre lieu d’affrontement, soit (à l’avenir) sur une carte aléatoire. Quoi qu’il en soit, à vous de vous déployer pour profiter des points de victoire ou du terrain. Allez-vous prendre ce mamelon au risque de laisser les points de victoire plus bas si l’ennemi ne suit pas ? Allez-vous abandonner cette position pour les points au risque d’être matraqué par l’artillerie ? Les dilemmes qu’ont rencontré les commandants de l’époque seront vite les autres. C’en est fini de la frustration que l’on peut ressentir dans d’autres titres où une campagne rondement menée s’achève sur une défaite « abstraite ». Cette fois, si vous êtes battus, l’absence de module tactique et les calculs automatiques ne seront pas responsables ! Bien sûr, ces batailles peuvent être résolues de manière automatique.

A noter que, pour le moment, il n’est pas encore possible de sauvegarder pendant un combat. Ces fonctionnalités sont prévues pour l’automne !

L’intelligence artificielle du module tactique est honorable. Elle corrige encore souvent votre serviteur, qui reste en phase d’apprentissage. Un wargamer aguerri et habitué à l’interface du jeu devrait s’en sortir, mais l’IA peut faire preuve d’initiatives et de tentatives honorables (tentatives de prise de flanc, d’attaques à revers…). C’est pour le moment moins vrai dans le module de campagne.

Le jeu tactique est assez riche en lui même, mais la cerise sur le gâteau reste la grande campagne. Là aussi, c’est détaillé et profond, l’ampleur de la tâche pouvant effrayer ceux qui craignent les wargames trop touffus.

A la tête du gouvernement de la faction choisie, le joueur doit prendre les décisions de recrutement, organiser son ordre de bataille (échelle de la brigade, heureusement. A l’échelle régimentaire, la micro-gestion serait cauchemardesque), équiper tout ce petit monde et l’envoyer au combat. Heureusement, si le module économique semble très détaillé et approfondi, le joueur n’a pas trop à s’en occuper : l’économie vit sa propre vie et les entreprises ouvriront ou fermeront selon la conjoncture, changeant de production pour satisfaire à l’effort de guerre (et renforcer ses propres profits) et, bien sûr, subissant les vicissitudes de la présence ennemie.

Le cœur du jeu reste donc militaire, avec le recrutement des troupes, leur direction sur la carte stratégique et la gestion des finances et des « politiques » représentant l’aspect politico-économique. A l’usage, l’ensemble ne parasite pas trop le joueur, ce dernier ne sera pas englué dans des décisions de construction d’usines et de voies ferrées.

Enfin, notons les aspects politiques habituels sur ce genre de jeu : les États supportent l’un ou l’autre camp, ce qui peut varier selon les options et les événements ; le moral national est l’une des variables pouvant décider de la victoire. Bien sûr, classique de beaucoup de jeux sur ce conflit, une intervention étrangère est possible au profit de la Confédération mais aussi, de manière plus surprenante, au profit de l’Union (sous la forme d’une intervention espagnole !).

Les choix de politiques qui se débloquent au fur et à mesure du jeu permettent quant à eux d’orienter votre nation et sont les principaux moyens d’actions avec les curseurs de finances. L’ensemble est dense, approfondi mais finalement assez instinctif pour un joueur chevronné et jouable assez rapidement.

A l’heure actuelle, les campagnes sont encore travaillées et l’IA tout comme d’autres éléments laissent à désirer, surtout sur les campagnes de 1861. Cela dit, entre l’ébauche de cette article et sa publication, la situation a déjà changé et d’injouable, la campagne de 1861 est devenue « quasi-jouable » du fait des efforts des développeurs (2 à 3 patches par semaine !). Les choses prennent forme et l’enfant commence à bien se présenter.

En conclusion de ce premier regard de ma part : le jeu a encore besoin de mûrir avant d’être pleinement jouable, ce qui est compréhensible considérant son statut de développement actuel. Une fois abouti, Grand Tactician – The Civil War sera sans doute un incontournable au moment de sa sortie. Il est en tout cas très prometteur et semble prêt à réussir son pari de combiner jeu tactique et jeu stratégique sans compromis sur la profondeur. Affaire à suivre sans hésiter !

Grand Tactician: The Civil War (1861-1865)
A un niveau de zoom plus important, la carte papier laisse place à une carte modélisée “plus classique”, laissant présager du terrain et des obstacles.
Grand Tactician: The Civil War (1861-1865)
La fenêtre de présentation d’une armée. Les forces confédérées en mars 1861 se limitent aux milices de Caroline du Sud commandées par Beauregard.

NDLR : cet article est ouvert à tous, ne nécessitant pas d’abonnement pour être lu. Vos abonnements sont importants pour que la Gazette du wargamer puisse continuer d’évoluer tout en proposant aussi des articles en accès libre. Pour soutenir le site et son équipe, abonnez-vous.

Attention portée aux détails, toujours : quand vous recrutez une unité, vous pouvez personnaliser son uniforme. Y compris avec les couleurs les plus inadaptées. Nul doute que les moddeurs rajouteront encore plus de choix ici !
Ce soucis du détail et de la personnalisation se retrouve jusque dans l’armement. 20 modèles de fusils sont disponibles, y compris des fusils Henry (précurseur de la Winchester, les amateurs reconnaîtront l’arme utilisée par Blondin dans Le bon, la Brute et le Truand) ou des fusils prussiens à chargement par la culasse. Le tout à condition de pouvoir les payer et fournir vos hommes en munitions…
Même choix pléthorique pour l’artillerie !
Soucis du détail, encore et toujours : les officiers disponibles sont pléthoriques et… authentiques (!!).
Grand Tactician: The Civil War (1861-1865)
La fenêtre des “Politiques” où le joueur pourra orienter les grandes lignes de sa nation. On le voit, ça n’est pas trop écrasant en terme de gestion mais c’est crucial !
La fenêtre des finances. Pour les amateurs de documents historiques (comme votre serviteur), la ressemblance avec des tableaux éducatifs ou statistiques d’époque est un délice! Il est possible de tout automatiser, bien sûr. La fenêtre de droite avec les tirettes liées aux dépenses sera l’outil principal.
Les informations économiques et liées à la production sont nombreuses… Le modèle économique du jeu est particulièrement poussé et ambitieux. Heureusement, tout cela se passe sans intervention directe du joueur hormis les choix de “politiques” et les décisions de subvention à prendre sur l’écran des finances.
Chaque unité de production est présente sur la carte et peut donc souffrir des opérations militaires… Cela permet aux belligérants de mener des opérations (ou de simples raids) avec comme seuls objectifs la destruction ou le sabotage de précieuses usines.
Les détails, encore et toujours! Un peu plus loin dans la partie, la Confédération a adopté son premier drapeau national, Stars & Bars, et il a bien remplacé le Bonny Blue Flag dans le jeu.
Les armées sont déplacées sur la carte stratégique par de simples clics. Selon leurs ordres, elles suivront tranquillement les routes ou embarqueront en train (si c’est possible).
La météo semble mauvaise en Virginie !
Les actions navales se déroulent sur la carte stratégique. Aucun module tactique n’est prévu. Ici, la marine Fédérale s’en prend au port de Norfolk.
Deux armées se sont rencontrées sur la carte stratégique. La bataille peut être résolue automatiquement ou dans le module tactique.
Dans le module tactique, la carte est également une carte “papier”, sauf aux niveaux de zoom les plus forts. Les unités communiquent avec le commandant (i.e. le joueur) par des dépêches similaires aux dépêches d’époque. En activant les polices d’écriture manuscrites historiques, l’immersion est au rendez-vous !
Le module tactique en ses œuvres. Il sera familier à ceux ayant joué à des titres tels que Scourge of War, Take Command ou même Ultimate General. Ici, la nuit tombe (d’où l’ambiance crépusculaire), une brigade confédérée tombe dans le dos de deux brigades fédérales au sommet d’une colline et lâche une salve. Le cercle rouge représente la portée maximale de son clairon.

4 Commentaires

    • Merci!
      L’exercice est un peu délicat, surtout en accès anticipé : d’une semaine à l’autre, ça n’est pas le même jeu. Nous donnerons plus de nouvelles dans quelques semaines, quand la sortie sera à l’horizon. :)

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