Le pays du soleil levant face à l’astre bleu du drapeau de la Chine nationaliste ? Ce serait un bon résumé du contexte de No Compromise, No Surrender !, la huitième extension majeure pour le déjà bien fourni Hearts of Iron IV. Lancée le 20 novembre dernier, elle est en effet principalement centrée sur l’Asie Orientale et le Pacifique, et notamment les affrontements en Chine, même si quelques ajouts plus généraux existent aussi et peuvent intéresser les autres pays.
À première vue, ce choix m’a beaucoup surpris. En effet, s’il restait quelques puissances à revoir dans le secteur (Siam, Philippines, pourquoi pas l’Indochine) la région avait déjà été bien revue dans le DLC Waking the Tiger (voir cet article), ce qui m’a fait craindre le risque d’un doublon. Néanmoins, j’ai voulu ne pas tenir compte de cette arrière-pensée et de bien étudier ce qui était proposé avant de rendre mon verdict.
Ayant déjà bien joué le Japon dans Waking the Tiger, je me placerai ici plus du point de vue chinois. La complexité du cas étudié n’autorise pas un unique test, sous peine d’être réducteur. Aussi, celui-ci sera accompagné de deux récits de partie, l’un avec le KMT et l’autre avec la Chine communiste, pays assez difficile à jouer mais offrant un bon potentiel. Cela permettra un comparatif plus large.
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L’affrontement sino-japonais et les guerres intestines en Chine
Le contenu majeur de No Compromise, No Surrender ! concerne donc la Chine et l’affrontement sino-japonais de 1937-1945. Dans la mesure où il avait déjà été revu, je me concentrerai principalement sur les aspects nouveaux. Rappelons qu’il s’agit d’une guerre dans la guerre, qui fait suite à d’autres conflits où le Japon a agressé ses voisins, profitant de leur faiblesse et s’emparant de territoires (Taiwan en 1895, la Corée en 1910, plus récemment la Mandchourie en 1931, etc). Face à l’empire du soleil Levant, une Chine plus que jamais divisée, connaissant révolution sur révolution depuis l’éclatement du vieil empire en 1911. Au moment où commence le jeu, une autorité centrale a repris une partie des choses en main, autour du parti du KMT et de son chef Tchang Kai-Chek, mais une foule de « seigneurs de guerres » et autres « cliques » contrôlent la majeure partie des territoires formant la Chine historique. Face à cela, une petite partie du territoire dans le Nord est aux mains des communistes, dont les relations avec les chefs de guerre et le KMT sont très complexes. Une partie des divisions est tue au moment de l’attaque japonaise de 1937, avant que la guerre civile ne reprenne en 1945. Défaits, les nationalistes fuient sur Taiwan, ce qui a des conséquences jusqu’à nos jours.
Le jeu ne prend évidemment pas parti et propose des nouvelles voies à la fois pour le KMT, la république populaire de Chine (communiste) et les seigneurs de guerre. Les relations entre ces entités et leur conflit avec le Japon sont très finement modélisées et valent la peine de refaire des parties. Il est difficile, en tant que KMT de résister au Japon tout en essayant de contenir l’influence communiste et de récupérer les territoires des seigneurs de guerre… Comme il est très complexe de se maintenir en tant que communiste avant de finir par l’emporter. J’ai pu réussir dans deux très longues et très belles parties, en étudiant bien les très complexes arbres de priorités, aux nombreux embranchements et possibilités. Je recommande au joueur de faire de même, car diverses stratégies au long terme existent. Un joueur communiste peut par exemple se tenir à l’écart du conflit avec le Japon, ou essayer de gagner le contrôle de la faction chinoise de l’intérieur (ce que j’ai fait).
On apprécie le travail accompli, même si Waking the Tiger avait déjà rendu les choses suffisamment denses à mon sens. Toutefois, décisions, priorités et autres évènements jalonnent les parties, aussi agrémentées de nouvelles musiques et d’une refonte graphique bienvenue…
Les Philippines et le Pacifique
L’autre grand volet du Japon concerne évidemment la guerre du Pacifique, revue essentiellement par des priorités plus nombreuses qu’avant et des révisions de certaines mécaniques navales. Je m’appesantirai peu sur cet aspect qui ne m’a pas paru très différent de ce qui existait jusque-là.
Toutefois, un autre pays jusque-là laissé dans l’ombre est à présent lui aussi revisité, à savoir les Philippines. Sorte de protectorat américain depuis la guerre hispano-étasunienne de 1898, il s’agit d’un archipel très vaste qui connaît de plein fouet l’invasion japonaise en 1941-1942. Si des voies alternatives vers une collaboration avec Tokyo ou une bolchevisation existent, je me suis plutôt concentré sur la partie historique, à savoir le maintien dans le camp des Alliés. Le joueur a désormais toutes les cartes en main pour développer ce pays et essayer, avec l’aide américaine, de résister aux débarquements nippons.
On développe avec plaisir son industrie, son armée, ses défenses, ayant un peu plus de temps que sur le front occidental. En revanche, certains traits sont un peu trop forcés (l’orchestre militaire philippin donne d’importants bonus, c’est exagéré !), mais l’ensemble se tient et est intéressant. J’ai pu résister à l’adversaire au cours de ma partie et ensuite participer à la lutte en Birmanie ou en Insulinde, ce qui renouvelle bien le plaisir de jeu. Arrivant à une cinquantaine d’usines et autant de divisions j’ai su peser sur le cours de la guerre et réclamer mon indépendance, un beau succès. Un joueur ayant peu goûté à ce front pourra avec plaisir se procurer ce DLC et essayer de l’emporter dans le Pacifique, les autres aspects étant mineurs.
Des ajouts généraux… Et des manques
À côté de cela, des possibilités plus générales sont présentes dans le DLC, principalement dans deux domaines : les factions et les doctrines militaires. Les secondes sont désormais beaucoup plus fouillées qu’avant et autorisent de plus grandes spécialisations en fonction des préférences de jeu de chacun. Les arbres sont plus détaillés et avec des paliers donnant des bonus aux blindés, à l’infanterie, à l’attaque ou la défense de convoi. Ce n’est pas forcément un domaine qui nécessitait de grandes révisions, mais c’est toujours appréciable.
Mon commentaire est un peu le même en ce qui concerne les factions : elles ont désormais des règles plus claires (qui peut en faire partie et comment), des objectifs à court, moyen et long termes, qui donnent des bonus et de l’influence au sein de l’alliance.
Enfin, notons la présence d’ajouts pour ce qui concerne l’espionnage ou le commandement. C’est moins cosmétique qu’il n’y paraît : on peut, avec le temps et les objectifs, augmenter son influence dans la faction et peser sur ces décisions, nommer des généraux pour des grands théâtres d’opérations, faciliter la recherche ou le renseignement. Cela a penché dans mes parties avec la Chine mais reste quand même, à mon sens, un peu accessoire…
Surtout face aux manques du DLC. Vu la région concernée, on se serait attendu à des arbres revus pour le Siam et pourquoi pas l’Indochine ou même la Mongolie. Toutefois, ces pays sont absents des révisions. Le premier a pourtant joué un certain rôle aux côtés des Japonais et le second territoire a été stratégique et fait le pont avec la décolonisation. Alors qu’une précédente extension avait modélisé le Congo belge, on se serait attendu à un effort dans ce sens. En effet, réserver cela pour une future extension paraît un peu biscornu.

Pour plus d’informations sur No Compromise, No Surrender, voyez cette fiche sur Steam. Ainsi que les notes de développement par exemple sur le wiki officiel. Pour le second passe d’extension, dont cet add-on fait partie, voyez cette page sur Steam.









