J’avais envie de faire un retour en arrière sur une série de jeux qui a marqué ma pratique du wargame. Le faire lorsque cette série est morte, c’est un peu triste et ressemble énormément au sempiternel « c’était mieux avant ». Mais faire un tel retour sur une série qui en fait est plus vivante que jamais encore aujourd’hui, c’est nettement plus amusant.
Le début de cette série date d’une époque que les moins de quarante ans ont à peine connu, le tout commencement des années 80. Si cette période a amené de bonnes choses notamment en musique, l’album Thriller de Michael Jackson par exemple, elle en a amené de moins bonnes, comme dans la mode la coupe mulet. Mais je m’égare, pour revenir à nos moutons, ce début de décennie est incroyable pour le jeu en France avec particulièrement la parution de Jeux et stratégie, de Casus Belli et en 1983 du Journal du stratège, presque l’opulence.
En 1984, Duccio Vitale, un des pionniers du jeu de stratégie et des jeux de rôle en France, va traduire un jeu sorti en 1981 par la marque Standard Games : Cry Havoc. Le jeu et la série qui s’ensuit sont d’abord édités sous licence par la société Rexton puis par Eurogames. Cette série comprendra initialement les jeux Cry Havoc, Siège, Croisades, Vikings, Le château des templiers, La cité fortifiée et Samouraï. S’y rajoutera les deux jeux médiévaux fantastiques de la série Dragon noir. Après une interruption de 21 ans (1993-2014) la série renaîtra de ses cendres avec la sortie des jeux Guiscard, Diex Aïe, The Anarchy et Ager Sanguinis. Le prochain opus qui devrait arriver en 2020 s’appellera Montgisard.
Les caractéristiques générales de cette série sont de permettre des combats sub-tactiques à l’échelle 1/1, chaque combattant est représenté donc individuellement par plusieurs pions suivant son état ou sa posture sur une carte à l’échelle de 2 mètres par hexagones. Les règles ont évolué au fur et à mesure de la sortie de nouveaux jeux, et ne posent pas vraiment de problèmes, même si lors des premiers opus elles étaient assez succinctes et demandaient parfois quelques retouches ou rajouts.
Le but de cet article n’étant pas d’en faire un test mais bien un tour d’horizon, je vais décrire ici un peu tout ce que l’on peut trouver dans chaque boite, et les ajouts qu’elles ont pu apporter au jeu d’origine.
Les jeux d’origine
Cry Havoc
Ce premier titre de la série traite des combats médiévaux au XIIIème siècles en Europe, la boite contient 3 livrets, le premier de contexte historique et de présentation de tous les combattants, ce qui est une bonne chose. Si tout le monde connait la différence entre un archer et un arbalétrier, celle entre un vougier et un hallebardier l’est moins. Le deuxième contient les scénarios, au nombre de 7, ils vont de la bagarre de rue entre deux clans rivaux, quelques paysans appuyés par un archer, au choc entre deux avant-gardes composées de chevaliers et de tout l’éventail de soldats qui pouvaient être dans une armée de l’époque : sergents, piquiers, vougiers, hallebardiers, archers et arbalétriers. Pour terminer, le dernier livret est celui des règles de jeu, 10 pages au total, pas énorme, le système est simple, trop simple surement pour un grognard, qui y trouvera des manques.
Pour n’en citer qu’un, l’infiltration, un personnage peut se déplacer à côté d’un ou plusieurs ennemis s’en craindre quoique ce soit. Pour les possesseurs des jeux plus récent, les règles ont été considérablement améliorées mais du coup sont aussi nettement plus conséquentes, on n’a rien sans rien.
La boite contient deux cartes, une d’un village, l’autre sur un croisement de chemin, elles sont géomorphiques et permettent du coup pour chaque scénario d’avoir une topographie différente. Elles sont dessinées à la base à la main ce qui leur donne un petit côté artisanal plutôt bien vu, par contre elles ont une teinte très jaune (une caractéristique de toutes les cartes de la série). Si cela peut se comprendre pour les scénarios se passant en terrain aride, pour ceux se situant sous nos vertes contrées, voire celles encore plus vertes d’Angleterre, cela peut être un peu dérangeant.
Les pions représentent tous les personnages combattants, paysans et civils, en deux pions recto verso pour les piétons (intact, blessé, assommé et mort), en quatre pions recto verso pour les cavaliers, deux pour le cavalier démonté (idem piéton) et deux pour le cavalier monté (intact, blessé, puis le cheval mort, le cheval seul intact). Les pions ne sont pas très épais, un peu fragiles mais ils sont superbes. Chaque personnage est individualisé par son nom, ses caractéristiques (attaque-défense-mouvement), le dessin sur le pion. Voir une charge de cinq ou six chevaliers avec chacun des blasons différents sur leur écu ou le caparaçon de leur cheval est du plus bel effet. Aux personnages se rajoutent six mules (un pion recto-verso intact ou morte) utilisées dans un scénario sur l’attaque de voyageurs par des bandits de grands chemins.
Siège
Ce deuxième opus se passe toujours au XIIIème siècle et va traiter des sièges. Pour pouvoir prendre d’assaut un château en pierre avec des murailles imposantes, le jeu va introduire tout ce qu’il faut pour le réduire en tas de ruine. Aux unités précédentes va se rajouter une deuxième classe d’archer, les archers longs, les célèbres « longbow » utilisés par les armées anglaises et qui furent si efficaces contre la chevalerie française à Crécy ou Azincourt. Ensuite plus spécifique aux sièges, les ingénieurs qui vont pouvoir construire, réparer et entretenir les armes et matériels de siège. Ces matériels vont du plus simple écran pour se protéger, fascines pour combler les fossés, échelles pour escalader les murailles à ceux plus complexes comme les tours de siège, les béliers, les balistes, les mangonneaux ou les trébuchets.
Les règles sont un peu plus conséquentes, car le livret passe à 27 pages, elles ne sont guère plus compliquées que pour Cry Havoc d’autant plus que les sept scénarios introduisent les règles au fur et à mesure, ce qui permet une courbe d’apprentissage franchement légère. Les deux derniers scénarios demandant d’avoir Cry Havoc pour pouvoir être joués. Les scénarios de siège peuvent s’étaler sur plusieurs jours voire semaines, et donc offrir des alternances de journées de bombardements, d’assauts, de sorties, contre le camp des assiégeants ou des sorties pour le ravitaillement.
Les deux nouvelles cartes proposées sont le château et le camp des assiégeants. Le château est la demeure d’un petit baron, ce n’est pas château Gaillard, mais sa prise ne sera pas simple pour autant. Et je dois dire que lors des parties que j’ai faites, voir un de ses chevaliers à pied traverser les décombres d’une brèche faite dans une muraille et réussir enfin à pénétrer dans le château est un bon souvenir de ma pratique des jeux d’histoire.
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Le futur de la série
Pour l’instant deux jeux sont prévus dans l’agenda, le premier devrait sortir en 2020 et s’intitulera Montgisard, du nom d’une bataille gagnée par le roi lépreux Baudoin IV contre Saladin en 1177. Ce sera une extension à Ager Sanguinis, plusieurs cartes dont le Krak des chevaliers et de nouveaux personnages tels Renaud de Chatillon, Balian d’Ibelin bien connu de ceux qui auraient regardé le film Kingdom of Heaven.
Le deuxième futur titre ne possède pas encore de date de sortie même approximative. Il se nommera Mare Normannorum et permettra une remise à niveau des combats navals. On suivra les descendants de Bohémond de Tarente toujours en Terre Sainte.
Un programme déjà riche et qui je l’espère n’en restera pas là, il faut dire que la période du Moyen-âge de part sa durée et sa richesse, peut permettre encore de réaliser de nombreuses et belles boites.
Même si cet article n’est qu’un tour d’horizon général, et non un test en soi, voilà pour conclure et mieux vous guider si besoin ce que l’on peut en résumé retenir :
Graphisme : Globalement il n’y a quasi rien à dire, les pions sont superbes, même si à mon gout j’ai trouvé les pions des derniers opus de la série originale Vikings et Dragon noir un peu moins réussis. Le niveau est remonté avec le renouveau de la série. Pour les cartes, elles sont claires et belles, certaines ont vraiment de la « gueule » je pense notamment aux différents châteaux. Seule la couleur de fond demanderait un peu plus de nuance, mais peut-être que le faire maintenant remettrait en cause l’uniformité des cartes de la série.
Manuel et matériel : Le plus gros bond en avant par rapport à la série originale, au niveau de la qualité, a été fait sur les différents livrets qui sont maintenant splendides. De nombreuses illustrations, des exemples, des cartes agrémentent les livrets et les rendent agréables à la lecture. Les pions s’ils sont superbes ne sont toutefois pas très épais et demanderont une certaine attention si on ne veut pas qu’ils s’abiment, ce défaut a d’ailleurs été corrigé dans Ager Sanguinis.
Intérêt du jeu (de la série) : Je ne suis pas trop objectif pour le coup car j’adore cette série. Alors, oui, il y a surement des choses à redire au niveau de l’historicité entre autre dans la série originale, une vision un peu cinématographique de la guerre au Moyen-âge. Certaines choses ont été améliorées dans la nouvelle série, mais il manque encore des règles de commandements et de moral. Malgré tout voyager à travers une grande partie du Moyen-âge, rencontrer des personnages dignes de romans, tout cela en s’amusant, c’est excellent.
Points positifs et négatifs
- Compatibilité entre les jeux avec utilisation de la dernière version des règles.
- Globalement que cela soit pour les pions et les cartes, les graphistes se sont fait plaisir.
- Amélioration constante de la série au niveau de la qualité des livrets de règles et de scénarios.
- VF intégrale.
- Règles de commandement et de moral absente des nouvelles règles alors qu’elles avaient fait leur apparition dans Croisades.
- Pour les cartes un bémol, la couleur un peu trop orangée, c’est subjectif mais un peu de nuance serait un plus.
- Obligation de posséder d’autres boites ou d’acheter d’autres cartes pour pouvoir jouer à tous les scénarios d’une boite.
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