A l’heure de tester Men of War : Vietnam, on pourrait croire d’emblée que l’on va seulement confirmer une nouvelle franche réussite du studio ukrainien Best Way, ayant déjà à son actif de nombreux jeux de stratégie / tactique : Soldiers, Heroes of World War II, Faces of War et bien sûr les autres Men of War. Ceux-ci prenaient tous pour décor la Seconde Guerre mondiale, thème récurrent du genre stratégique, et permettaient de diriger un petit groupe de soldats de manière réaliste en gérant leur couvert, santé et même leur inventaire. C’est dire si nous sommes loin des milliers d’hommes à l’écran d’un Cossacks.

Les amateurs y ont donc gagné une nouvelle approche, et c’est toujours une bonne chose. Avec cet opus, si la formule de jeu est inchangée, exit le front de l’est et « bienvenue » au Vietnam ! Changement radical de ton et d’époque, c’est peut-être là un second souffle que l’on peut apporter à une série, par crainte de lasser les joueurs. Encore faut-il que le jeu soit aussi bon que ses prédécesseurs, ce que nous allons voir.

Réalisation

S’il est indéniable qu’il ne faut pas s’arrêter aux seuls aspects extérieurs d’un jeu, on ne peut pas non plus les occulter, étant donné qu’on les a sous les yeux en permanence. Or, force est de constater que le travail réalisé sur Men of War : Vietnam est plutôt convaincant. C’est-à-dire que la jungle vietnamienne est bien réalisée. « L’enfer vert », qui fait partie intégrante du gameplay,  va vous oppresser un peu plus chaque minute passée. On sentirait presque la touffeur et la moiteur du climat derrière son écran ! Effets et explosions sont aussi réussis.

Hélas, il y a un revers à la médaille. J’ai dit que la jungle était très présente ; c’est on ne peut plus vrai, elle l’est même parfois trop. Ainsi, la canopée et la végétation enchevêtrée, certes véridique, empêche parfois de lire très clairement l’action, tant elle occupe l’écran. Situation paradoxale où le réalisme d’un jeu gêne le plaisir de celui-ci. Je serai plutôt enclin à passer l’éponge dans ces cas-là, le titre restant très jouable malgré ce point.

A noter que la version Steam que j’ai testée n’est qu’en Anglais (avec sous-titres dans cette langue tout de même), ce qui ne semble pas être le cas des versions boîtes. Réfractaires à la langue de Shakespeare, attention, donc. Côté son, il n’y a pas grand-chose à dire. Bruitages, voix (avec leurs accents respectifs) et musiques sont convaincants et collent bien au style de jeu.

On citera tout de même des bugs assez nombreux et un jeu pas toujours bien optimisé (tant en ligne qu’en solo). D’autant plus qu’il faut tout de même une machine assez récente pour qu’il tourne de manière optimale…

Expérience de jeu

Nous voilà donc parachutés en pleine guerre du Vietnam. Oubliez les T-34 et MP-40, les Messerschmitt et Stalingrad… Et dites bonjour aux AK-47, aux M-16, aux hélicoptères (qu’on ne peut, hélas, diriger), à l’offensive du Têt ou au Viêt-Cong. Sur ce point rien à redire, à l’instar de ses aînés le titre repose sur des bases historiques certaines et il n’y a pas d’anachronismes à relever. On se propose donc de vous refaire revivre cette guerre particulière par le biais de deux campagnes, l’une américaine et l’autre nord-vietnamienne.

Ce point est toujours à saluer (Men of War premier du nom proposait déjà trois campagnes : alliée, soviétique et allemande) car montre que le jeu n’est pas de la propagande axée sur un camp. Ceci dit, on déchantera en remarquant que chaque campagne se compose en tout et pour tout de 5 missions ! La durée de vie est en fait gonflée artificiellement par d’autres procédés, sur lesquelles nous reviendrons plus bas. En outre, il n’y a pas de mode escarmouche… Il est par contre possible de faire les missions en coopération, ce qui est toujours appréciable. Méthode toujours critiquable : un DLC vendu 5 euros rajoute toutefois du contenu (dont 5 scénarii solo).

Revenons donc sur le pourquoi du comment : de la même manière que les précédents jeux du studio… Il ne s’agit pas de collecter des ressources, construire des unités dans des bâtiments, de les regrouper en formation et de partir à l’attaque. Le jeu est plus proche d’un Dawn of War II dans son approche que d’un Age of Empires. De plus, contrairement à un Blitzkrieg, qui met tout de même en scène des unités parfois nombreuses, là, on ne gérera jamais plus une douzaine de soldats à la fois (et généralement quatre). Ce n’est pas sans rappeler le Platoon de 2002, adaptation du film éponyme sur PC.

Lorsque l’on descend à un niveau tactique aussi rapproché, il importe donc de gérer les couverts, de faire se cacher, se coucher à terre ses hommes, utiliser ses grenades. Le jeu gère également les munitions et un inventaire pour les soldats que l’on dirige, soldats ayant chacun leur spécialité. On est donc dans la droite ligne des précédents jeux du studio. Des amateurs de séries comme Company of Heroes et Dawn of War déjà cité, retrouveront aussi certaines de leurs marques.

Le Vietnam étant le Vietnam, il ne s’agira pas d’envoyer vos hommes réussir les objectifs (plutôt variés, les missions étant bien construites) en courant à découvert et chantant à tue-tête, tout en agitant une bannière étoilée (côté américain). En effet, la sensation de lutter contre un ennemi jouant les hommes invisibles est réelle et rappelle bien la réalité : des snipers hantent les arbres, des ennemis sortent de galeries creusées dans le sol etc.

Guerre de coup de main, de guérilla et contre-guérilla suivant son camp, d’infiltration avant tout pour les troupes à terre. Je vous renvoie aux doctrines américaines sur ce conflit, comme le célèbre search and destroy.

Limites

Le rappel de ce point historique m’a semblé nécessaire car si le jeu tend à le respecter et ainsi refléter ce qui fut… C’est aussi là qu’est son point faible. En effet, il a tenté de calquer ses anciennes mécaniques sur un style de guerre complètement différent et le résultat s’en ressent. En clair, ce n’est pas un nouveau Commando, série bien connue et appréciée des joueurs. Si l’IA de notre groupe pèche parfois par stupidité, le cas est encore plus flagrant chez l’IA adverse.

Par exemple, il m’est arrivé à plusieurs reprises de subir un feu intense, de reculer mes hommes dans les sous-bois protecteurs pour mieux me protéger…. Et de voir les troupes ennemies cesser le feu, reprendre leurs positions en ne tentant même pas de me suivre ! Je sais bien qu’on ne se lance pas de manière irréfléchie à la poursuite d’un ennemi, mais tout de même, on ne fait pas comme s’il n’existait plus d’une seconde à l’autre…

Je parlais tout à l’heure de durée de vie artificiellement accrue. Ce que je voulais dire par là est que le jeu est dur, très dur. Pas de cette difficulté qui nous fait nous concentrer et nous oblige à donner le meilleur de nous-mêmes pour avancer (comme dans un Dark Souls), mais bel et bien de cette difficulté crasse qui, pour le coup, enfonce un coin dans le réalisme du jeu. C’est-à-dire que l’ennemi arrive en vagues quelquefois très (trop ?) nombreuses et serrées, que rien n’est accordé au joueur. Ainsi, dès les premières secondes de la campagne nord-vietnamienne, ne soyez pas inattentifs et mettez-vous à couvert, ou un tir d’hélicoptère bien placé vous forcera à relancer derechef la mission.

En fait, le jeu est si hardcore que la perte d’un membre de l’escouade signifie généralement un futur échec dans la mission. La progression est donc saccadée, hachée, se fait par à-coups. Les missions sont lentes et longues car on les retente souvent. Je n’hésiterai donc pas à qualifier la difficulté de frustrante et non de constructive. Sauvegardez souvent, voilà un conseil gratuit (les sauvegardes automatiques sont toutefois plutôt fréquentes).

 

Après l’explosion d’une grenade.
Nord-Vietnamiens sous le feu d’un hélicoptère.
Vue de l’inventaire.
La jungle dans toute sa splendeur.
Escouade d’infanterie américaine.
Début de la campagne américaine.
Bel effet de fumée.

En conclusion

Au final Men of War : Vietnam n’est pas un mauvais jeu ni le titre de l’année. Il améliore le catalogue pas forcément si développé sur cette guerre dans l’ombre du second conflit mondial en matière vidéoludique, a un souci de réalisme, reprend des recettes bien rodées. Toutefois celles-ci semblent moins adaptées à cette guerre, le jeu souffre d’un manque de finition clair et net et offre un contenu plus maigre que ses prédécesseurs. A réserver aux passionnés de la période et aux inconditionnels de Best Way.

  • La période.
  • L’immersion.
  • Le respect historique (armes, conseillers soviétiques etc.).
  • Manque de finition.
  • Manque de contenu.
  • Difficulté mal dosée.
Infos pratiques

Date de sortie :  13 septembre 2011

Éditeur / Studio : 1C Publishing / Best Way

Site officiel : www.menofwargame.com/games/vietnam

Prix : 30 € (Steam)

 

Jeu en anglais (allemand, italien, polonais, russe ou espagnol aussi).

NDLR : article paru sur Cyberstratège en février 2012.