Et de trois ! En moins d’un an, HPS vient de sortir un nouvel opus sur le front de l’est : Minsk ’44. C’est aussi le seizième titre de la série Panzer Campaigns, sur une opération majeure de la Seconde guerre et à une échelle titanesque.

 

NDLR : article anciennement publié dans Cyberstratège en 2007.

La recette des équipes de John Tiller est bien rodée : prenez comme base de recherche quelques ouvrages récemment sortis sur la deuxième guerre, de préférence une étude de David D. Glance. Procurez-vous des cartes allemandes et soviétiques d’époque pointant les positions des unités avant la bataille. Achetez des dizaines de cartes d’état-major de la région, au besoin complétez les trous en vous aidant de Google Earth.

Passez des mois à implémenter les différents types de terrain sur une carte précise au kilomètre carré à l’aide d’un logiciel spécifique jalousement protégé. Construisez un ordre de bataille en vous servant des ouvrages de Naf Ziger. Utilisez votre imagination pour concevoir une vingtaine de scénarios décrivant les principales phases de la bataille en dosant les scénarios courts et les scénarios plus longs. Ajoutez un scénario mammouth démarrant au jour J historique. Modifiez, d’un soupçon seulement, le logiciel faisant tourner la simulation en communiquant largement sur les améliorations même si elles sont cosmétiques. Enfin faites tester rapidement le nouveau produit par une bande d’amis.

Au bout de 18 mois à 2 ans d’efforts, vous avez un nouveau titre à inscrire à votre catalogue… La suite ne dépend plus de HPS, les fans de la série amélioreront petit à petit les scénarios et les mods.

Capture d’écran de l’ancienne version du jeu, parue chez HPS fin 2006. Les captures d’écran suivantes sont tirées de la nouvelle version Gold du jeu, importante mise à jour disponible depuis fin janvier 2018.

De fait, HPS est en train de concocter de la même manière, artisanalement, une bonne demi-douzaine de simulations pour sa série phare, chacune a leur rythme. Attendez-vous ainsi aux sorties à plus ou moins brève échéance de Balaton ’45, Tunisia ’43, Roma ’44, Berlin ’45, France ’44, etc. Le filon semble inépuisable. La question n’est plus de savoir quelle bataille va sortir mais à quelle échéance elle sera publiée. Et les joueurs continuent à suivre et à en redemander, du moins tant qu’il n’y a pas de concurrence réelle sur ce créneau !

Les particularités de Minsk ’44

Minsk ’44 est donc un produit sans surprise. Son acquisition se justifie pour accéder à une description détaillée de ce qui fut l’une des plus grandes confrontations du front de l’est et selon votre capacité à ingurgiter un HPS de plus.

La bataille de Minsk, plus connue sous le nom d’opération Bagration du coté soviétique ou de « destruction du groupe d’armée centre » du coté allemand n’a jamais été reproduite dans un wargame sur une échelle aussi vaste. L’achat de ce jeu intéressera les spécialistes du front de l’est et de l’évolution de l’armée rouge entre 1941 et 1944. Dans Minsk ’44 ce sont les soviétiques qui ont l’initiative et qui pratiquent la Blitzkrieg avec des chars mastodontes équipés de canons de 85, 122 voire 152 mm, capables de rivaliser avec les Tiger ou Panther allemands. Démarrer sur la série Panzer Campaigns avec Minsk ’44 est déconseillé en raison de la trop grande complexité de la simulation, qui se déroule sur l’un des terrains les plus difficiles du conflit.

Trois scénarios simulent l’ensemble de Bagration depuis le 23 juin jusqu’au 13ème jour de l’opération, soit 129 tours. L’un est conçu pour jouer contre l’IA et les deux autres par email contre d’autres joueurs. Le troisième scénario donne une liberté de mouvement au joueur allemand alors que les deux premiers respectent les conditions historiques. Les ordres de Hitler étaient de tenir sur place coûte que coûte, la plupart des unités allemandes de réserve sont donc fixées au départ.

Ces scénarios sont des monstres même aux normes de HPS. L’espace de jeu contient 130 000 hexagones soit un espace de 364 kilomètres sur 355 km. Les unités se comptent par milliers. Le tiers Est de la carte reprend le terrain de Smolensk 41. En additionnant les cartes de Minsk ’44, Smolensk ’41, Rzveh ’42 et Moscou ’41, HPS réalise l’exploit de couvrir à l’échelle du kilomètre l’espace entre la frontière polonaise de 1939 et la capitale soviétique, soit plus de 800 km !

Bizarrement, l’option « explicit supply » n’est pas incluse. Pourtant historiquement le ravitaillement fût un problème pour les deux camps. Du coté allemand, l’acheminement de convois, la plupart du temps hippomobiles ou ferroviaires, au milieu des forêts de Biélorussie était un cauchemar. L’aviation soviétique s’est acharnée sur les routes ou les voies ferrées pour détruire ces colonnes régulièrement attaquées par les partisans. Pour les soviétiques l’avance était tellement rapide que le ravitaillement ne pouvait suivre. L’offensive s’arrêta d’elle-même par manque de carburant et de munitions, ce qui sauva les allemands de l’effondrement total. Il est dommage que pour une simulation aussi poussée cette composante n’ait pas été traitée correctement.

Douze scénarios plus réduits s’intéressent aux phases initiales de l’offensive soviétique dans sa pince nord. Quatre d’entre eux bénéficient des modifications reçues par le logiciel pour améliorer le comportement de l’IA en attaque, si l’on en croit l’éditeur. La différence de comportement est sensible. L’IA continue à attaquer par très gros paquets mais, et c’est nouveau, utilise largement les débordements de position. L’IA reste malgré tout un piètre partenaire.

 

 

Dix scénarios étudient les premiers jours de l’attaque soviétique sur le flanc sud allemand, et seize se placent à des phases plus avancées de l’offensive soviétique. L’un d’entre eux se déroule à Borisov sur les rives de la célèbre Bérézina. Les fuyards de la Wehrmacht, comme ceux de la grande armée en 1812 eurent du mal à franchir ce cours d’eau à l’air inoffensif. Deux scénarios enfin s’intéressent à la contre-attaque de la 5.Panzer intervenant comme division pompier pour colmater les brèches et recueillir les rescapés.

Le scénario Last train to Borisov est très amusant. Les unités de la 5e Panzer arrivent sur le bord ouest de la carte par chemin de fer et doivent sortir à l’est pour renforcer Borisov le plus rapidement possible. Les partisans transforment ce voyage en un monstrueux embouteillage avec des unités dans l’obligation de descendre des trains pour débloquer la voie ferrée.

Quel que soit le scénario retenu, le joueur allemand dispose de nombreux atouts :

  • La nature du terrain favorise plutôt le défenseur. Plusieurs grandes rivières convergent vers le Dnepr qui s’épand dans de vastes marécages.
  • La puissance des positions de départ à l’abri derrière de solides fortifications, champs de mines et obstacles. Les défenses ne sont pas sans rappeler de Rzevh ’42 avec plusieurs lignes étagées en profondeur.
  • La force de l’artillerie qui peut ralentir ou briser des assaillants.
  • La qualité des chars : Panther ou Tigre. Ces modèles seront utilisées comme des moles pour ancrer une défense.
  • Les quelques trop rares divisions d’infanterie sont des troupes d’élite, comme par exemple la 78 Sturm-division ou la 25 Panzergrenadier de moral A.

Mais le joueur soviétique surclasse en termes d’effectifs l’allemand dans tous les domaines. Sa supériorité est écrasante en pièces d’artillerie, infanterie, chars, aviation. Les allemands ont très peu d’avions. Les unités allemandes incapables de saturer des espaces aussi vastes doivent se diviser en compagnies pour surveiller le plus de terrain possible. En face, les soviétiques attaquent avec trois bataillons par régiments. Sur une échelle plus globale, lorsque les allemands disposent d’une division les soviétiques ont une armée. Une armée allemande s’oppose à un front qui regroupe plusieurs armées soviétiques.

Qu’importe si une attaque russe ne réussit pas dans un secteur. Il suffira de percer la double ou triple ligne allemande à un autre endroit pour provoquer l’écroulement de pans entiers du front par effet de dominos. La dotation en unités motorisées des soviétiques est un sujet de préoccupation pour l’allemand qui ne dispose en grande majorité que d’unités pédestres ou hippomobiles. Le joueur de l’Axe devra apprécier le moment où il basculera d’une défense obstinée accrochée aux fortifications et au terrain à une retraite ordonnée. Il devra vraisemblablement laisser en arrière des bouchons qui seront sacrifiés pour préserver l’essentiel. Une retraite par étape prévoyant des lignes de défenses successives devra être organisée.

Le repli de la quatrième armée derrière le Dnepr est à envisager le plus tôt possible. Diriger une défense dans de telles conditions est beaucoup plus difficile que mener une offensive et représente un véritable challenge. Le joueur allemand devra particulièrement veiller à conserver le liberté de circulation sur les rares grands axes de communication. La préservation de l’autoroute coupant la carte dans le sens est ouest est vitale, faute de quoi l’allemand (et c’est ce qui s’est réellement passé) serait rejeter dans les chemins forestiers, bloqués par les partisans.

 

 

Utilisation de l’artillerie

Les réserves d’obus accumulées par les deux belligérants avant l’offensive étaient considérables. La plupart des unités d’artillerie démarrent donc avec le statut “stockpiled”.

Une unité allemande “stockpiled” aura une puissance de feu augmentée de 50%. Pour les soviétiques, une unité “stockpiled” continuera à tirer et ne subira pas les effets  “out of ammunition” la première fois qu’elle ne sera pas ravitaillée. Par contre une unité d’artillerie ayant bougé ne pourra plus retrouver le statut “stockpiled”. Le premier jour de l’offensive Bagration, les artilleurs sauvèrent l’armée allemande du désastre par l’effet dévastateur de leurs tirs sur les vagues d’assaut soviétiques.

Pour obtenir le meilleur effet, les batteries doivent tirer en étant renseignées par des unités de la même organisation. Toutefois en cochant l’option “Indirect fire and Airstrikes by the map” (Tir indirect et raid aérien sur coordonnées), les unités d’artillerie éligibles au tir indirect (et les unités aériennes) peuvent faire feu sur des unités qui ne sont pas repérées par des unités amies. Cependant la puissance de feu est divisée par quatre. L’utilisation préalable de la reconnaissance aérienne peut donc avoir un effet dévastateur sur les arrières ennemis, particulièrement contre les unités en mode T.

 

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Les évolutions du jeu

Le moteur de la série Panzer Campaigns continue à se bonifier au fil des publications. Ne vous attendez quand même pas à de grandes révolutions… Le rôle des partisans, important pendant l’offensive Bagration, a été largement revu. Bien que ne possédant pas de zones de contrôle, ces unités, bien dirigées, constituent une grande gêne pour l’allemand. Ils apparaissent sur la carte avec une répartition aléatoire (d’une partie sur l’autre, leur positionnement sera différent). Ces unités placées dans le voisinage de voies ferrées sont capables de faire dérailler des trains sans pour autant détruire les rails.

En termes de jeu, les partisans rendent “disrupt” avec une certaine probabilité les unités voyageant en train et interrompent leur mouvement. Les unités en mode mouvement sur les routes peuvent subir le même sort. Les partisans sont également capables de faire sauter les ponts “wired” en déclenchant un test de probabilité lorsqu’ils parviennent à proximité. Par contre ces unités sont incapables de renseigner l’aviation soviétique ou les tirs d’artillerie.

L’artillerie a désormais deux fois plus de chance de “disrupted” les QG que des unités régulières. Compte tenu de l’importance des QG dans le ravitaillement (voir Cyber n1) l’importance de cette nouvelle règle n’est pas à sous estimer. Les unités qui sont sorties du rayon de commandement d’un QG ont désormais leur dénomination apparaissant en couleur surlignée. Elles peuvent renseigner un tir d’artillerie ou un raid aérien mais la puissance des tirs sera réduite de moitié.

Il est peu probable que le joueur allemand subisse un désastre équivalent à celui infligé à la Wehrmacht. En adoptant une défense élastique et en reculant progressivement, il lest possible d’éviter le pire. Néanmoins, le joueur n’aura pas la tâche facile en face des meutes soviétiques plus nombreuses et plus rapides. Le salut est dans une retraite ordonnée et progressive sur des lignes placées en arrière où les troupes de renfort ou de réserve auront préparées une nouvelle défense.

Le soviétique n’a pas non plus la tâche facile. Malgré des effectifs pléthoriques, il dispose de nombreuses unités aux qualités médiocres. Son avance pour crever les lignes allemandes sera très coûteuse mais il devrait normalement réussir à percer dès la première journée de combat. L’emploi judicieux des troupes de génie est primordial pour débarrasser le terrain des mines et obstacles ou pour prendre les fortifications d’assaut. Conserver des réserves fraîches et intactes pour exploiter les brèches est essentiel.

Notes
Jouabilité
20 %
Intérêt stratégique
80 %
Équilibre entre les deux camps
40 %
Intérêt historique
60 %
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minsk-44-le-terrible-ete-de-la-wehrmacht<b>Jouabilité</b> : campagne très longue à jouer, unités innombrables.</br> <b>Intérêt stratégique</b> : jeu ouvert avec de nombreuses possibilités.</br> <b>Équilibre entre les deux camps </b>:rapport de force en faveur du soviétique.</br> <b>Intérêt historique </b> : peu d'ouvrages disponibles sur cette bataille</br></br> En tous cas, avec Minsk '44, les passionnés de la série Panzer Campaigns devrait trouver les ressorts et ingrédients pour jouer des parties intéressantes et acharnées, il leur faudra tout de même du courage et de la patience pour venir à bout de la grande campagne !

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