Un jeu de gestion comme Spice Road attire en premier lieu par son nom exotique et se doit de prouver sa valeur ludique avec des mécanismes de jeu finement équilibrés et captivants. Le studio indépendant Aartform Games a relevé le défi avec peu d’expérience dans ce domaine, et le résultat n’est pas tout à fait convaincant.

Spice Road plonge le joueur dans les déserts plus ou moins hospitaliers d’Asie Centrale et lui demande d’établir un commerce florissant en exploitant au mieux les ressources alentours. Les cartes de mission sont prédéfinies et ne laissent que peu de décisions au joueur. Fonder une ville dans une région dénuée de ressources garantit la ruine, ce qui n’est pas sans logique mais pose un problème important au joueur qui se lancera pour la première fois dans une mission particulière. Il n’est en  effet pas possible d’estimer à l’avance où seront des ressources, il faudra d’abord établir un campement et envoyer des éclaireurs, ce qui est extrêmement cher. Un joueur porté sur la victoire devra donc d’abord jouer une partie pour voir où sont ces ressources et placer ses villes en conséquence lors d’une seconde partie, s’il ne veut pas dilapider une part importante (et souvent vitale) de son pécule de départ.

Les ressources trouvées permettent d’engager le commerce. Certaines seront revendues comme matières premières, comme le café et l’or, et d’autres pourront aussi être travaillés, comme le « minerai ». Spice Road aime rester dans le vague, et le jeu vous offrira la possibilité de construire des « fermes de nourriture » tout comme des « fermes d’alcool ». Aussi, les environs ne correspondent à aucune région réelle et vous jouerez la Bourgogne (en 1696 ! En Asie Centrale !), tout en faisant la rencontre d’autres factions pour le moins inattendues, comme la Moldavie. Spice Road n’est, vous l’aurez compris, pas porté sur l’historicité, et sa valeur serait à chercher dans une ambiance « bac à sable ».

Les villes donc sont le fondement de votre économie. La gestion des villes est à part et se déroule dans un environnement 3D. Contrairement à un city-builder classique, le placement des bâtiments n’a aucune influence sur leur efficacité. Il suffit d’avoir le bon nombre de bâtiments pour maintenir les habitants à l’aise au travers de différents domaines (nourriture, eau, distractions, religion, économie, etc.). Il n’y a là malheureusement rien d’innovant et un jeu comme Caesar II offrait infiniment plus de défi à ce niveau. L’interface n’est pas très pratique, néanmoins on s’y fait au bout de quelques heures de jeu et il devient plus facile d’obtenir les informations-clé sans chercher trop longtemps.

La fondation d’une ville s’accompagne de l’établissement de caravanes qui importeront les ressources nécessaires au fonctionnement de la cité (par exemple les outils, qu’on ne pourra produire qu’après s’en être procurés pour construire les ateliers adéquats) et exporteront les surplus. Les flux de commerce restent assez opaques et surtout, sont difficiles à diriger. Le joueur ne décide pas des ressources exportées, seulement de la destination et de la taille des caravanes. Ce manque s’étire sur le tout jeu : on construit l’infrastructure nécessaire au commerce et on attend que les profits rentrent. Et on attend plutôt longtemps …

L’IA est correcte au niveau de la gestion, mais garde une attitude très pacifique. Elle n’aura rien contre le fait de vous vendre ses villes les plus lucratives et ne vous attaquera que si vous envoyez vos patrouilles militaires attaquer ses caravanes ou ses villes. L’aspect militaire se réduit à construire des casernes qui génèrent automatiquement des patrouilles, pour lesquelles on pourra définir une cible (ville, repaire de brigands, caravane ou patrouille ennemie). Une patrouille détruite est pratiquement immédiatement remplacée tant qu’il vous reste suffisamment d’argent. Perd donc celui qui est ruiné en premier et ne peut plus entretenir de patrouilles.

Quelques aspects innovants relèvent le niveau du jeu : il est possible d’attirer des visiteurs dans ses villes, qui viendront contempler vos monastères et laisser leur argent dans vos caisses. L’interface a un style « jeu de plateau » pour la gestion du commerce entre villes, style qui rappelle la vue stratégique d’Hegemony – Philip of Macedon et donne aussi une ambiance particulière.

Au final, Spice Road a beaucoup de mal à tenir la comparaison avec d’autres jeux de gestion. Les possibilités d’interactions sont limitées et les cartes petites. Le thème du jeu n’est pas exploité aussi bien qu’il aurait pu l’être, et l’interface n’est que moyennement réussie. Ainsi, seuls les joueurs en manque accru de jeu de gestion, un genre en comparaison plutôt rare, y trouveront leur bonheur.

L’écriture en bleu foncé sur fond noir n’aide pas, mais vous remarquerez qu’il y a des épices autour de Bolsterstone, ce qui en fait une bonne base de commerce.
Les triangles représentent des patrouilles. Ici on voit que l’ennemi en vert a une bonne défense, mais que son trésor de guerre sera bientôt épuisé, alors qu’avec plus de 350 000$, il me reste beaucoup de marge avant la ruine.
  • Optique stratégique originale, thème peu courant.
  • Gameplay bancal, trop peu d’interactions.
Beaucoup de texte, peu de couleurs – il faut du temps et de l’expérience pour maîtriser l’interface.
Colonie moldave en Asie Centrale. Aïe.
De longs passages en vitesse « avance rapide » sont obligatoires.
Exemple de développement d’une région.
Les villes peuvent être construites de manière chaotique, cela n’a pas d’incidence sur leur fonction.
Écran de victoire.
Infos pratiques

Date de sortie : 15 octobre 2013 / 24 avril 2014 (sur Steam Greenlight)

Éditeur / Studio : Aartform games

Site officiel : www.aartformgames.com/games/spice-road (fiche sur Steam)

Prix : 14.99 euros (en téléchargement)

1 commentaire

  1. Il y a quelques années, ce type de jeu était commercialisé sous l’appelation Shareware, par des magazines l’incluant sur un CD ou une disquette offert avec leur publication. De nos jours ils se retrouvent sur Kickstarter ou Steam Greenlight, qualifiés de Productions indépendantes. Le point commun entre les deux facettes du même produit devrait être le prix de vente et c’est bien le cas ici… on retrouve effectivement le tarif inchangé d’une centaine de francs l’unité. Cherchez l’erreur ! Un indice ? L’âge d’or du jeu shareware c’était il y a vingt ans ;)

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