Le 18 juillet 1936 un coup d’état militaire organisé depuis le Maroc espagnol par plusieurs généraux dont Franco, entraîne l’Espagne dans une terrible guerre civile. Ce conflit va durer presque trois ans, et peut presque être considéré comme une sorte de répétition générale avant la Seconde Guerre mondiale en Europe, que cela soit au niveau technique comme idéologique.

Matériel et règles

Pour être franc, je n’ai pas une grande connaissance de ce conflit, j’en connais les tenants et les aboutissants, j’ai comme beaucoup de personnes entendu parler de Franco, Guernica, des brigades internationales, de la légion étrangère ou de « Pour qui sonne le glas », mais je serai bien incapable de résumer les opérations militaires de ce conflit. Faire le test de ce jeu va finalement me permettre de combler une partie de ces lacunes et étant d’origine espagnole de renouer aussi avec une partie de l’histoire de mes racines !

We saw Spain die est un jeu en solitaire conçu par Lionel Liron et édité par Les jeux du Griffon. Il vient se rajouter à une liste qui commence à devenir longue : Au nom d’AllahMongols la grande chevauchée, Le sultan de feuRC4 ou Les guerres indiennes. J’ai déjà joué à plusieurs de ces titres et vous avais présenté dans ces mêmes pages l’un d’entre eux, celui sur le fameux Custer.

L’auteur pour chacun de ses thèmes met au point un nouveau système de jeu pour coller au plus près à sa vision de la bataille ou du conflit traité. Je ne suis pas toujours d’accord avec les choix faits, mais ils sont justifiés dans les livrets de règles ou sur les forums consacrés au hobby et l’ensemble a une cohérence.

Qu’en est-il de ce nouvel opus ? Commençons par le matériel : la boite est du même format que les précédents jeux et permet quand elle est rangée de vraiment s’intégrer dans une série, esthétiquement c’est pas mal. L’illustration de couverture représente cinq soldats sur une crête, impossible de savoir si ce sont des nationaliste ou des républicains, le titre aussi peut être ambigu puisque « Nous avons vu l’Espagne mourir » pourrait avoir été dit par les deux camps. C’est un jeu en solitaire, est-ce que cela voudrait dire que l’on pourra jouer les deux camps, j’en reparle plus loin. Quoiqu’il en soit c’est une sobre mais belle illustration et un bon titre.

Le livret de règle comporte une petite vingtaine de pages dont la moitié décrit les pions, les marqueurs d’environnements, de soutiens tactiques, d’action de combat ou d’évènements internationaux, ce qui finalement laisse une petite dizaine de pages pour les règles proprement dites, à priori un jeu de complexité modéré.

C’est relativement clair, agrémenté de photos d’époque, plutôt du bon boulot. Même si dans le détail certaines choses restent à fignoler, quelques erreurs ou contradictions avec les aides et exemples de jeu, rien de bien grave mais elles existent (par exemple dans la règle 2.2 placement de 2 unités basques à Bilbao et Pamplona, l’aide de jeu (républicain) indique 2 unités à Bilbao et San Sébastian).

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La boite, sobre mais élégante.
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Les différents livrets (règles, exemples de jeu, ordre de bataille).

Les pions et marqueurs au nombre de 248 sont déjà découpés, une marque de fabrique des Jeux du Griffon, cela m’arrange bien, vu ma maladresse, il n’est pas rare que je déchire un ou deux pions, donc de ce côté-là bonne nouvelle tout va bien.

Les pions représentent les unités de combat des deux camps, 1 point de force représentant approximativement 8 000 hommes. Une couleur, un sigle et une silhouette permet de se retrouver facilement parmi ce conglomérat de « bandes » : portugais, italiens, allemands, anarchistes, communistes, légionnaires, phalangistes, fantassins, blindés, etc, il y a de quoi faire. Malgré ma maigre connaissance de ce conflit je reste en terrain connu, cela reste abordable. Il faudra toutefois juste être vigilant avec la corrélation de certains évènements internationaux concernant l’arrivée ou le retrait de certaines troupes ou factions.

Les marqueurs d’environnement (rivière, forêt, guérilla, etc) affinent lors d’un combat la topographie ou le type de bataille mené, entrainant des effets tel que +1 à la force de combat républicaine après le tirage du marqueur rivière par exemple ou l’annulation des bonus tactiques des unités de blindés ou mécanisées après le tirage de celui de forêt.

Les marqueurs évènements internationaux : deux de ces marqueurs sont piochés chaque tour, certain sont à l’avantage du républicain, d’autre du nationaliste, mais tous ont un impact important sur le jeu notamment en ce qui concerne l’aide apportée aux deux camps par les puissances étrangères.

Les marqueurs tactiques sont eux utilisables suivant un nombre déterminé par le type d’action de combat utilisé, ils modifient les forces pour le calcul du ratio lors de la résolution d’un combat.

Enfin pour les marqueurs d’action de combat, le joueur nationaliste va les utiliser pour effectuer ses attaques, faire rentrer des renforts, bouger ses troupes, sachant qu’il y a un nombre limité de ces marqueurs, et qu’une fois tous utilisés, le tour sera fini.

La carte de format A2 représente l’Espagne avec les Baléares et les villes de Ceuta, Melilla et Tanger au Maroc d’où est parti l’insurrection. Elle est divisée en provinces, elles même divisées en territoire. Sur chacun des territoires 1 à 2 villes ayant une valeur de 1 à 10 correspondant à leur population, économie, importance morale et qui peuvent se trouver sur du terrain normal ou difficile. Les villes ont un rôle important puisque c’est leur prise ou l’échec de leur prise qui va faire baisser ou augmenter le moral des deux camps.

On trouve aussi en marge de la carte l’échelle des tours, la table des évènements internationaux en cours, les tableaux de rangement des différents marqueurs et pions et l’échelle pour le décompte du moral. La carte est claire et fonctionnelle et je la trouve plutôt réussie.

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Les pions des unités de combat, plutôt réussis.
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La carte, en gros pointillés les provinces, en pointillés plus fin les territoire, les carrés représentent les villes avec leur valeur.
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Les marqueurs d’action de combat, d’environnement et de soutien tactique républicains.
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Les marqueurs d’évènements internationaux.
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Les marqueurs d’action de combat nationaliste et les pions flottes.

Le livret d’exemples de jeu fait le résumé d’un début de partie, donnant des conseils de jeu toujours utiles, ce livret peut aider lorsque l’on a un doute sur un point de règle, c’est plutôt une bonne idée et cela manquait sur le précédent jeu que j’avais testé.

Ordre de bataille, classique, un pour chaque camp qui récapitule toute les unités, d’une grande utilité car le nombre de factions est important et cela permet de s’y retrouver d’un coup d’œil.

Les Notes du concepteur expliquent entre autre son choix de ne pouvoir jouer qu’un seul camp, celui du nationaliste. Étant le camp déclenchant le conflit et ayant l’initiative stratégique pendant toute la guerre cela semble logique mais effectivement c’est bien de l’expliquer.

Historique de trois pages recto verso agrémenté de photo qui permet d’avoir un bref aperçu de ce que fut la guerre d’Espagne, d’ailleurs pour ceux qui voudraient un peu approfondir la chose le calendrier des sorties en kiosque faisant bien les choses, le dernier numéro de Science & Vie Histoire a axé son dossier sur la guerre d’Espagne.

Une boite donc bien remplie, avec du matériel de qualité correcte, c’est plutôt bien parti, sauf quelques problèmes de différences entre les règles de jeu, les aides et exemples mais rien de rédhibitoire. Globalement j’ai trouvé que cela était en progrès par rapport aux jeux précédents. Mais qu’en est-il du système de jeu, parlons-en maintenant.

We saw Spain die nous place à la tête du camp nationaliste. La partie peut durer douze tours de trois mois précédés d’un tour d’insurrection. Le but du jeu est de faire baisser le moral républicain à 10 sans que son propre camp ne voit le sien baisser en dessous de 4. Au début de la partie le moral respectif de chaque camp est de 87 pour les républicains et de 4 pour les nationalistes.

Autant dire que le chemin est long avant la victoire. La prise des différentes villes entraine une baisse de moral équivalent à sa valeur aux républicains et augmente d’autant celui des nationalistes. La capture de Séville, Valence, Barcelone et Madrid rapportant quelques points supplémentaire en bonus. L’autre manière de faire bouger ce moral c’est par la réussite ou l’échec des actions de combat offensives.

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Livret récapitulant l’historique.
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La carte après le tour d’insurrection. 9 sur 11 ont fonctionné.

Insurrections et mécanismes de jeu

J’ai adoré la manière de simuler cette insurrection, c’est à la fois simple, rapide et cela permet une grande rejouabilité. Le joueur possède onze marqueurs la majorité étant de valeur 0, deux ayant une valeur de +1, un de valeur +2 et un de valeur +3, le joueur  pose ces marqueurs sur onze villes de son choix sachant que pour que l’insurrection réussisse il faut qu’un jet de dé à 6 faces + la valeur du marqueur soit strictement supérieur à la valeur de la ville. On enlève la valeur des unités en garnison dans certaines villes et on enlève 1 si cette ville est isolée des autres territoires insurgés.

Les villes où l’insurrection réussie passent sous contrôle nationaliste, augmentant son moral, baissant celui des républicains, et le joueur peut y placer quelques troupes. Si une insurrection échoue seul le moral nationaliste baisse mais par contre un marqueur défense républicaine est placé sur la ville, renforçant sa défense contre de futures attaques. Les choix sont draconiens, les objectifs nombreux : port sur l’Atlantique ou la Méditerranée, villes adjacentes au Portugal, villes en terrain difficile, tentatives de prendre des grandes villes, une chose est sûre il faudra assurer la première tentative d’insurrection car en cas d’échec c’est la défaite immédiate.

Juste pour faire la fine bouche car je trouve cette phase très amusante et vraiment réussie, un scénario d’introduction qui commence après l’insurrection avec le résultat historique aurait pu être un plus mais c’est vraiment histoire de chipoter.

Chaque tour de jeu possède trois phases distinctes :

  • La phase d’organisation
  • La phase d’actions
  • La phase de fin de tour

Pendant la phase d’organisation le joueur va d’abord tirer deux marqueurs internationaux, certains lui seront favorables d’autres non, ils vont permettre l’arrivée de certains renforts ou le retrait de certaines unités, certains comme « Guernica » entraine une baisse du moral. Chacun de ces événements est décrit dans le livret de règles.

Beaucoup de ces marqueurs servent à la gestion de l’effort de guerre, l’arrivée de renfort, le renforcement des unités ou leur retrait, cela demande un peu d’attention, il y a beaucoup de marqueurs différents et cela a un impact important sur le jeu.

C’est aussi pendant cette phase qu’ont lieu les opérations navales, pour pouvoir faire traverser des renforts par voie maritime, le joueur doit avoir pris la ville de Malaga ou d’Alméria (y penser pendant l’insurrection) et avoir réussi à repousser la flotte républicaine.

Passons au cœur du système la phase d’action : Le joueur a à sa disposition sept marqueurs d’action de combat par tour. Chaque unité de combat ne pourra participer qu’à une action de combat par tour, même si pendant cette action une unité peut participer à plusieurs batailles.

L’action de combat renfort (deux marqueurs) va permettre l’arrivée de renforts (quatre unités) et les déplacements dans les territoires amis. Au nombre de deux, elle permet la planification des actions de combat offensive des tours suivants.

Les autres actions de combat que je qualifierai d’offensives : attaque prudente (1), attaque massive (2), attaque blindée (1) et attaque coordonnée vont permettre d’attaquer les différentes ville d’un à trois territoires avec un nombre de troupes, un type de troupes et un nombre de soutiens tactiques suivant l’attaque choisie. Par exemple attaque prudente va permettre d’attaquer un territoire avec au maximum trois unités et trois soutiens alors qu’attaque massive va permettre d’attaquer jusqu’à trois territoires, deux au minimum avec six unités et trois soutiens tactiques.

A cela se rajoute quelques subtilités comme l’obligation d’avoir certains types d’unités dans la composition de sa force, l’octroi de certain bonus suivant le type d’action utilisé mais rien de complexe. Une fois choisi son type d’action de combat, la composition de sa force, on la déplace dans le territoire voulu et on commence le premier combat contre une des villes qui le compose, si l’on réussit à prendre la ville (les unités républicaines sont détruites ou se replient) on passe à la suivante, une fois toute les villes d’un territoire pris, il est à nous.

On peut passer au territoire suivant si l’action de combat le permet. Quand on le décide on termine cette action de combat et l’on regarde par rapport aux objectifs si elle est réussie auquel cas on gagne les points de moral pour la prise des villes et le républicain lui les perd, si ce n’est pas le cas on perd des points de moral et le joueur républicain gagne du temps.

Les combats par eux-mêmes ne sont pas compliqués mais demandent un peu d’attention avec les modifications de toutes sortes apportées par les soutiens tactiques, l’environnement ou le type d’action de combat mené. Mais en résumé le nationaliste décide d’une action de combat et envoie ses troupes (n.b. et type prévu par l’action de combat) dans le territoire cible adjacent, chacune des villes du territoire doivent être attaquées l’une après l’autre, puis le joueur choisit ses soutiens jusqu’au maximum prévu par l’action de combat. Là, on tire dans chacune des pioches républicaines un marqueur d’action de combat et un environnent, puis ensuite on tire toujours au hasard dans les pioches le nombre d’unités de combat et de soutiens tactiques prévu par l’action de combat.

On calcule alors le potentiel de combat de chacune des deux forces opposantes en appliquant les modifications de tous les marqueurs. On obtient le rapport de force, on jette un simple dé à six faces et on regarde le résultat sur la table de combat.

Les résultats possibles sont des pertes pour le défenseur ou / et l’attaquant, auquel peut s’ajouter un recul du défenseur. Si toutes les unités du défenseur sont éliminées ou reculent, le nationaliste prend la ville, sinon il peut refaire un deuxième round de combat.

 

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Le nord de la carte suite à l’échec de l’insurrection dans les ports de l’Atlantique, les prendre ne sera pas une partie de plaisir.
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Attaque avec blindés de Cordoba sur Mérida, après la prise en compte de tous les soutiens tactiques, le rapport sera de 4 contre 1.
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Mérida prise, il faut maintenant prendre Badajoz, heureusement la prise de Mérida s’est faite sans pertes.

 

Si le territoire ne comporte qu’une ville, le territoire est pris, si il en comporte deux il faut refaire la même procédure pour la deuxième ville. Si l’action de combat le permet on peut ensuite passer à un deuxième territoire, voir un troisième. C’est le joueur nationaliste qui décide en fonction de l’usure de ses troupes, il peut arrêter une action de combat prématurément mais si la mission n’est pas remplie, il perdra des points de moral.

Pour ma première partie j’ai un peu attaqué tous azimuts sans trop préparer mes actions en amenant des renforts pour avoir des rapports de force intéressant, je me suis vite aperçu que cela n’était pas la bonne méthode. Il faut vraiment planifier ses actions quitte à n’effectuer que quelques actions de combat mais bien ciblées.

Cela tourne pas mal même si au début on oublie un +2 par ci, que telle unité ne peut pas combattre avec celle-là, mais au bout d’un moment on connait les effets des marqueurs et cela va mieux. Par contre une grande part est laissée au hasard, suivant les combinaisons de tirage des pions et marqueurs républicains, peut-être que cela aurait été plus judicieux sachant en plus que leur nombre est limité de laisser choisir par exemple les marqueurs de soutiens tactiques après ceux des républicains, cela aurait éliminé une petite part de hasard sans trop déséquilibrer le jeu. Il y a quelques petites choses à faire en tous les cas.

Pour finir le tour une fois que le joueur a décidé de ne plus effectuer d’action de combat ou qu’il les a toutes effectuées, on vérifie si les changements dans le moral du fait du combat ne donnent pas la victoire à un des deux camps.

Points positifs

  • Jeu en solitaire
  • Bonne rejouabilité
  • Complexité modérée
  • Une bonne entrée en matière pour découvrir ce conflit

Points négatifs

  • Grosse part laissée au hasard.
  • Encore des imprécisions et des incohérences entre le livret de règles et les aides de jeu.
  • Système de combat peu complexe mais demandant beaucoup d’allers et retours dans les règles à cause des nombreux marqueurs. S’estompe en cours de partie.
Notes
Graphismes
65 %
Régles
60 %
Gameplay
85 %
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test-de-we-saw-spain-diePour conclure j’ai bien aimé ce jeu, le système d’insurrection est vraiment bien pensé et j’ai déjà recommencé plusieurs fois avec d’autres options pour voir si cela marchait mieux. Une fois que l’on a assimilé à quoi correspondent tous les marqueurs le jeu devient plaisant et assez rapide. Et pour un non connaisseur de ce conflit finalement je me suis retrouvé en terrain connu. Tout n’est pas complètement rose non plus, le livret de règles n’est pas toujours très clair et quelques détails mon fait tiqué : un par exemple dans la table des résultats de combat, pourquoi avoir jumelé des résultats de pertes avec un résultat de recul pour le défenseur 1dr, 2dr,3dr, avec un recul la ville est prise et les unités républicaines retournent dans la pioche, donc à priori le 1, 2 ou 3 ne sert à rien. Du coup on a un doute et on relit les règles ... et on a perdu 20 minutes.<br /><br /> Quoi qu’il en soit We Saw Spain die m’a bien plu mais aussi donné envie déjà d’approfondir le sujet, que cela soit en lisant un livre voire en jouant à d’autres jeux sur le sujet (si vous avez des suggestions je suis preneur). J’ai même été fouiller dans l’histoire de ma famille pour savoir à quelle époque mon ancêtre avait quitté l’Espagne, et si cela avait un lien avec la guerre civile. Il s’avère que non mais cela a éveillé ma curiosité, quand un jeu amène à faire tout ça c’est déjà positif.

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