Vouloir simuler les « guerres à travers le monde » est un pari ambitieux, mais Strategiae ne s’est pas limité géographiquement en intégrant aussi le paramètre temporel, ouvrant la porte à toutes les époques de l’histoire humaine. Dès ses premiers pas sur Kickstarter fin 2015 le projet était clairement intitulé : All the Wars, All the Times, All the World… Only one Rule ! A cela il faut aussi rajouter tous les OS car le jeu sera à terme multi-plateformes : PC de bureau, tablette de salon et même table de cuisine pour la future déclinaison en papier et en carton. Un système unique pour jouer toutes les guerres, partout ou presque. Jeu hybride façon « warteau » brossant certes un bien joli tableau vidéoludique de l’histoire des guerres mais qui n’est pas exempt de fâcheux défauts de jeunesse.

Plus qu’un jeu, un concept

Après avoir essayé la bêta, armé cette fois de la dernière version du pack de base, dite édition Classique, je suis retourné en Normandie, ni les vikings ni les rebelles américains ne m’inspirant.

L’idée de Wars Across the World est simple, et pas nouvelle : créer un système de jeu unique grâce auquel on pourrait simuler tous les conflits passés, présents et futurs. Les règles se doivent d’être simples et modulables, de manières à évoluer en fonction de l’échelle et de la période. Il est bien évident que les règles concernant l’aviation ne sont d’aucunes utilités lors de la bataille d’Hasting. On peut donc aisément survoler quelques paragraphes du livret de règles (116 pages illustrées et détaillées).

Je ne peux manquer de faire le parallèle avec un titre comme Operational Art of War III, certes beaucoup plus complexe, mais dont l’éditeur de scénario permet à la communauté de sortir pléthore de nouvelles simulations gratuitement. Ce n’est pas, pour l’instant, le choix économique de Stratégiae qui décline ses scénarios à la carte. L’avantage étant que l’on peut ainsi piocher directement dans ses thèmes de prédilections sans devoir débourser pour les autres. Heureusement un éditeur de scénario a bien été annoncé. Il permettra d’étoffer le panel avec, si toutefois le logiciel de création est bien réalisé, ce que nous n’avons pas pu essayer, un complément de créations réalisées par la communauté des joueurs.

Le choix des scénarios dans l’édition Classique, avec en prime un tutoriel bien réalisé. Globalement les règles s’apprennent très vite, un gain de temps appréciable pour qui a peu de temps libre.
Quelques explications qui ne sont pas anodines du tout !
Le scénario du Débarquement représente toute la côte normande.
Fin du 1er tour des Alliés, échec du débarquement sur Sword, l’aviation alliée est placée défensivement.
Tout est dans le ravitaillement, tout va bien quand tout est au vert !

Du concept à la réalité…

Le jeu par lui-même est en tour par tour alterné. Il est en français, ainsi qu’en trois autres langues. Il se pratique en solitaire avec trois niveaux d’intelligence artificielle ou en chaise tournante (hotseat). Les jeux en réseau ou par email sont en approche, respectivement prévues pour la fin de l’année et pour cet été. D’ici là le mode solo permettra donc de se roder au système.

La fenêtre principale illustre la géographie de la simulation divisée en zones. Dans mon exemple, il s’agit de la Normandie en 1944. On va trouver dans cette fenêtre principale toutes les informations classiques, telles que le camp en phase avec la nature de celle-ci, les points de victoires, la date, le tour en cours, bref du standard.

Pendant son tour, le joueur va commencer par piocher une carte évènement (ou plus en fonction du scénario). Cette carte permettra, comme dans Decisive Campaign ou Napoleon Victory and Glory (voir notre test), de simuler ce que les règles de base ne permettent pas de faire. Ce système ajoute un aspect ludique non négligeable, qui peut permettre aux mauvais perdants de se dédouaner en incriminant un tirage défavorable, tout en diminuant la répétitivité des parties.

Ces cartes sont utilisables à certains moments et sous certaines conditions. Les concepteurs ont eu la bonne idée de les mettre en surbrillance quand elles sont utilisables. De plus la main de carte est limitée à cinq, il faut donc selon les scénarios et les tirages parfois aussi choisir de quel bonus se défausser.

Avant de poursuivre, je vous conseille cette rapide vidéo en français, qui plus est sur le scénario Normandie.

Une partie se gagne en remportant des points de victoires acquis par la prise d’objectifs, le gain de batailles importantes ou le tirage de certaines cartes (par exemple, les V1 font perdre 3 PdV aux Alliés). Le camp qui obtient 20 PdV à la fin d’un tour est automatiquement vainqueur (sauf scénarios spécifiques).

Après le tirage de cartes, la phase suivante est celle des renforts, où le joueur va se contenter de désigner leur lieu d’arrivée si ce n’est pas imposé. Vient ensuite, la phase de ravitaillement où l’on contemple passivement l’état de ses lignes de communications. Pour être ravitaillée, une unité doit tracer une ligne de zones amies jusqu’à une source de ravitaillement (port, ville, ou autre, dépendant du scénario). Dans le cas contraire, elle souffre dans un premier temps de pénalités qui peuvent entrainer dans un second temps l’élimination de l’unité.

La phase d’économie permet elle de collecter des ressources et de les utiliser pour la formation de nouvelles unités (inexistante dans le scénario Normandie 44).

Puis la phase de mouvement naval permet le mouvement des navires, on s’en serait douté ! (Toute aussi inexistante dans Normandie).

Les mouvements aériens se font eux en glissant-déposant les unités sélectionnées vers la zone souhaitée. Lorsque cette dernière est occupée par des ennemis, cela déclenche automatiquement une bataille dont le résultat se fera après les mouvements terrestres.

La phase de mouvement terrestre suit. Les unités se déplacent d’une ou plusieurs zones en fonction de leur potentiel de mouvement, indiqué sur le pion, du terrain et de ses aléas (route, voie ferrée, téléportation pour un scénario Star Trek, etc…). Un chef ou équivalent doit être présent pour pénétrer des zones contenant des unités adverses (sauf certains cas particuliers, comme un siège).

Quand des unités ennemies se retrouvent ensemble, la zone devient interdite, c’est une zone de combat. Il faut donc planifier au mieux ses mouvements. La présence ennemie stoppe le mouvement (sauf cas de disproportion des forces, 8/1, où le défenseur est automatiquement détruit). En outre quand une pile d’unité déclenche une bataille, on ne peut plus alors envoyer une autre pile dans la zone concernée tant que la bataille n’est pas résolue.

Suit la phase de combat, appelée « batailles ». Les batailles sont résolues en deux tours. Les unités aériennes présentes s’y comportent de la même manière que les terrestres. Il s’agit d’un échange de « tirs » avec des modificateurs prenant en compte le moral, la compétence des leaders et tout ce que l’ordinateur va calculer pour nous. Un jet de D10 va permettre de créer l’incertitude de la guerre. Les résultats seront sous forme de pas de pertes, ou de retraites, ou de rien du tout !

En cas de victoire certaines unités peuvent percer, ce qui leur permet de se déplacer d’une zone. Si le chef présent possède la capacité de percer, il peut leur permettre de pénétrer une zone contenant des unités adverses et ainsi d’initier une nouvelle bataille.

Les unités aériennes retournent ensuite à la base sans intervention du joueur, qui peut toutefois les déplacer de nouveau vers une zone amie dans un but défensif. Elles peuvent ainsi repousser des avancées ennemies dans des zones dépourvues d’unités.

Ensuite, les unités achetées lors de la phase économique (inexistante dans Normandie 44) sont déployées et le tour de l’adversaire peut commencer.

Une simulation pour tous les fronts…

Pour ne pas me faire une idée limitée sur le produit, j’ai quitté la Normandie de 1944 pour aller voir ce qu’il se passait en 1777 à Saratoga. Pour ne pas faire mentir le début de l’article, j’ai joué la couronne britannique. Si je n’ai jamais réussi à terminer une partie du scénario en Normandie, si ce n’est en perdant rapidement faute de ravitaillement, je n’ai connu aucun incident sur le scénario Saratoga et ai pu contempler l’écran de fin.

Le seul inconvénient a été le positionnement des renforts lors de l’achat. Avec ma configuration, New-York, lieu de renfort britannique était totalement couvert par la fenêtre d’achat, il était donc impossible de trouver une zone de création. Quand je l’ai trouvé, elle est si petite qu’il a fallu se faufiler jusqu’à elle en déplaçant la carte. La question se posait alors de savoir si les scénarios de la version Étendue étaient plus élaborés que les trois initiaux. Il faut remercier Strategiae qui a joué le jeu en nous fournissant aussi ces trois nouveaux scénarios.

Je suis alors parti dans la Corée des années cinquante, où le jeu n’a malheureusement jamais atteint le deuxième tour ! Après deux essais, il restait bloqué entre deux phases.

Je me suis tourné vers la classique campagne d’Austerlitz en 1805. Le camp français étant le plus facile à jouer, je paramètre l’IA au plus haut, les autres essais étant en niveau moyen. Si les mouvements y sont plus fluides, le potentiel de mouvement y est accru par rapport aux autres scénarios (à l’exception de celui sur la Corée, que je n’ai pas vraiment pu tester). Principal bémol, les victoires et les sièges réussis rapportent trop rapidement les 20 PV requis pour une victoire automatique. Force est alors de constater, que l’avantage de règles unifiées est contre-balancé par une certaine répétitivité, si l’emballage extérieur change, l’approche stratégique est toujours similaire.

En effet, bien que l’échelle varie en fonction des scénarios, elle reste stratégique, les zones recouvrant toujours des régions. Avantage, on peut rapidement comparer une division blindée avec une unité de cavalerie lourde. Inconvénient, les recettes seront alors les mêmes, avec peu de changements. Néanmoins, la réponse est là, les scénarios de la version Classique ne déméritent pas face à ceux de la version Étendue.

… et pour tous les supports ?

Le jeu doit être développé sur PC, cas ici, mais aussi sous Android et iOS, systèmes pour lesquels une sortie est prévue à l’avenir. Or, même sur PC l’ergonomie générale se rapproche très fortement des productions pour tablettes avec ce nombre réduit de zones géographiques, d’unités à gérer et cet aspect très « jeu de plateau ».

Tour 5, le jeu plante, impossible de continuer, on recommence tout !
La partie est finie, les jeux sont faits, mais je ne le saurais jamais grâce à un nouveau plantage au tour 13…
La Campagne d’Austerlitz, un des scénarios de la version dite Étendue. C’est à dire les scénarios sur des cartes de plus grande taille.
Trop rapide, victoire éclair avec l’IA au plus haut, mais on peut toujours continuer la partie.
La versatilité du moteur de jeu permet beaucoup de variétés, comme ici avec ce scénario sur le thème du conflit au Mali en 2012.

On peut parler d’un portage réussi quand un Battle of the Bulge (voir cet article) passe avec ses limitations originelles de tablette à PC. Toutefois si créer un jeu limité par rapport à son support est économiquement compréhensible, cela est aussi frustrant pour le consommateur. Cette politique des développeurs se généralise dans le monde du jeu vidéo en proposant des produits multi-plateformes inévitablement limités techniquement. Si le calcul financier est au rendez-vous à court terme, j’ai entendu des hardcores gamers me déconseiller l’acquisition du dernier opus d’une franchise à succès, le graphisme étant dépassé… Passons.

Pour la version PC qui nous concerne ici, après la sélection d’une unité ou pile d’unités, il aurait été plus judicieux d’avoir les zones de déplacement en surbrillance et de cliquer directement sur le lieu d’arrivée, comme dans tout jeu PC, plutôt que d’être obligé de faire glisser une flèche en suivant des chemins sinueux pour bénéficier de telle route ou voie ferrée. Ce détail est anecdotique quand le mouvement maximum est d’une ou deux zones, mais au-delà cela peut devenir rébarbatif.

Les concepteurs ont créé un jeu de plateau au gameplay compatible pour « tablette » comme sur PC, trois systèmes où l’on joue quand même différemment. Les phases de mouvements auraient pu (dû ?) être réunies, les différentes phases gommées, au début combien de fois n’ai-je pas essayé de bouger mes troupes sans succès, parce que j’avais oublié de cliquer sur le changement de phase et à l’inverse après avoir refusé de jouer une carte pendant la phase de mouvement, j’ai cliqué sur le changement de phase sans avoir déplacé mes troupes (heureusement, on peut quitter la partie et récupérer le tour en cours).

Un menu à la carte

Une offre variée qui devrait vite continuer à s’étoffer. Au-delà des défauts de jeunesse du système, l’une des forces de Wars Across the World est dans dans la diversité de ses scénarios. En plus des 17 déjà présents et de ceux qui devraient être bientôt créés avec l’éditeur de scénarios, le jeu va bénéficier normalement tous les mois de scénarios supplémentaires.

De plus, des lots de scénarios sur une thématique précise permettront aux joueurs de mieux s’y retrouver dans une offre susceptible de devenir pléthorique. Ce qui n’est pas forcément un défaut si l’offre est clairement organisée. Le premier pack thématique prévu semble être Civil War 1861. Un autre lot de scénarios pourrait aborder par exemple César et la guerre des Gaules.

Scénario Hamilkar 264bc – Première guerre punique.
Aperçu de la création d’une carte dans l’éditeur de scénarios.
Carrhae 53bc. Le jeu permet de facilement voyager dans l’Histoire.
En théorie l’éditeur de scénarios permet de tout paramétrer. Il sera ajouté via un patch très prochainement.
Notes
Multimédia
65 %
Interface
60 %
Gameplay
65 %
Article précédentWH40K – Sanctus Reach, version 1.017 atteinte !
Article suivantDesert War 1940-1942 : premières images
wars-across-the-world-un-wargame-pour-les-simuler-toutesLe pari de simuler différents conflits à différentes époques est réussi. Les parties sont rapides, deux-trois heures, tout au plus. Le nombre d’unités est limité et vous n’aurez en fait que quelques piles à gérer chaque tour, comme dans d’autres productions tels que Napoléon Victory & Glory ou Battle of the Bulge. L’inconvénient de cela est que quand vous aurez trouvé une ligne de jeu gagnante, les parties ne se renouvelleront guère.<br /><br /> Coté ergonomie, je ne peux que saluer les différents zooms qui s’avèrent très utiles pour diviser les piles d’unités dans des zones étroites. Toutes les informations s’obtiennent en cliquant sur les zones, piles, unités, tout cela est très aisé et vous permettra de bien gérer le ravitaillement, paramètre crucial de la série. Par contre, il est dommage qu’à chaque tour, les différentes piles dans une même zone soient automatiquement réunies en une seule, vous obligeant à les recréer. <br /> Côté esthétique, l’apparition du dé lors des combats me déplait fortement, c’est une perte de temps et donne un aspect simpliste, que d’autres apprécieront, sinon les captures d’écrans parlent d’elles-mêmes, c’est propre et clair.<br /> Quant à l’expérience de jeu, elle n’est pour moi pas à la hauteur. Quand je pense à Napoléon Victory & Glory, qui possède beaucoup de points similaires, avec lequel je n’arrivais pas à m’arrêter, ici le jeu manque d’un supplément d'âme. L'IA est moyenne, et l’importance des chefs est telle qu’initier un combat dans une zone avec un chef esseulé s’avère un bon placement. <br /><br /> Si l’idée de départ est louable, on est loin d’un Steel Panther ou d’un Hearts of Iron. Il est vrai que la possibilité de jouer des parties rapides est plaisante, mais le côté « jeu de plateau » est trop marqué. Chacun appréciera selon ses goûts néanmoins le peu d’unités à gérer transforme vite les parties en pousse-pion au coup par coup. Il est certain que l’arrivée dans quelques mois d’un vrai mode multijoueur sera un plus. En attendant les trop nombreux ratés du logiciel risquent fort d’en rebuter plus d’un. Tout au moins le temps que les patchs arrivent en renfort.<br /> Le but de proposer un produit tout public, toute plateforme est atteint et on peut en cela féliciter ce jeune studio. Malheureusement, c’est au détriment de l’aspect simulation, nous sommes très loin d’un Battle Academy, qui au-delà de la différence d'échelle cache sous une approche facile une plus grande précision historique et technique. A vous de voir ce que vous attendez d'un wargame.

4 Commentaires

  1. Merci pour ce test. Quel dommage, cela respire quand même la déception. Sans doute un projet trop ambitieux qui aurait dû être recadré sur une période donnée. Comment donner de la profondeur quand on veut simuler à la fois les guerres puniques et la bataille des ardennes.

  2. Décevant pour le moment: trop de bugs et de promesses non tenues à l’heure actuelle (multi, éditeur, etc…). Le salut viendra probablement des patchs mais surtout de la version jeu de plateau (là les joueurs pourront corriger les éventuels “bugs” des règles facilement). Un lancement plutôt raté à mon avis: une évaluation “variable” sur Steam dès le début ce n’est pas bon signe.
    Perso je n’ai pas demandé le remboursement car je crois en ce projet. J’espère ne pas avoir tort.

  3. Avec quelques bons patchs, puis cet été un mode PBEM, le jeu va certainement se bonifier. Le concept est bon, surtout pour des parties relativement rapides, et quand il y aura plus de scénarios, et probablement de meilleurs prix pour certains lots, cela apportera aussi un plus indéniable. En attendant pour l’instant force est de reconnaître qu’il y a plein de petits défauts agaçants.

    Concernant l’éditeur de scénario, une première version est désormais disponible sur le site offciel, voir : http://www.waw-games.com/editeur-pour-le-jeu/ Un manuel devrait suivre prochainement.

  4. L’article est intéressant et, il faut le reconnaitre, équitable. Nous avons encore un gros travail d’amélioration à faire, et il a lieu quotidiennement. Comme l’équipe est toute petite, cela prend naturellement plus de temps que les gros studios, mais nous sommes confiants. Le jeu est régulièrement mis à jour sur Steam, et la version non-Steam sera prête avant la fin du mois.

    D’autres avancées auront lieu cet été, nous serons a fond dessus. Et pour ceux qui veulent s’y essayer, l’éditeur est disponible et nous serons à votre disposition pour répondre aux imanquables questionnements.

Les commentaires sont fermés