Affrontement titanesque entre Rome et Carthage qui décida du destin du monde pour les millénaires à venir, la Deuxième Guerre punique fait partie des conflits mythiques. Hannibal et ses éléphants, Scipion l’Africain, la bataille de Cannes ou du lac Trasimène, autant de noms qui résonnent aux oreilles des joueurs passionnés par l’Antiquité. Le nouveau titre d’Ageod s’attaque à cette guerre, après avoir traité de la première il y a quelques mois. Pour quel résultat ?

Ce n’est pas la première incursion d’Ageod sur ce terrain. Birth of Rome avait pour cadre principal la Première Guerre punique. Le pari était dans l’ensemble fort réussi : la simulation du conflit était un succès et, tels les romains (ou les carthaginois) de l’époque, on se surprenait à piétiner des années en Sicile et à connaître des batailles navales dantesques. Voyons donc ce qu’il en est cette nouvelle extension.

Hannibal Terror of Rome est, comme Birth of Rome, une extension « stand alone ». Le jeu se suffit à lui-même. On reste ici dans la ligne commerciale qui est celle du studio français pour la série Alea Jacta Est (voir notre test) : des sorties régulières et thématiques, chacune pouvant se posséder indépendamment des autres. Personnellement, je suis assez satisfait de cette solution qui permet de sélectionner ses périodes et scénarios.

De ce fait, les changements ne sont guère légion depuis Birth of Rome. Le moteur est le même, tout comme le système de jeu. On ne change pas une équipe qui gagne ! On retrouvera donc la mécanique de combat retravaillée pour l’antiquité (je n’ai d’ailleurs pas noté de résultats aberrants tels ceux qui marquèrent les premières versions de Alea Jacta Est), les décisions économiques nationales et régionales et le système de recrutement classique. Nous sommes ici face à un jeu Ageod « à l’ancienne » et non pas face à un épigone de Civil War II. La réalisation est comme toujours de qualité, le seul bémol (fort subjectif) étant à mes yeux une musique répétitive, quelconque et passe-partout.

Et le contenu, me direz-vous ? Au programme, bien évidement, la Deuxième Guerre punique. Le joueur aura le choix entre quatre scénarios commençant à des dates différentes dont, bien sûr, la fameuse traversée des Alpes avec ses éléphants et ses gaulois ainsi qu’une grande campagne reprenant l’ensemble de conflit. Il est d’ailleurs à noter qu’il ne s’agit pas là d’un « monster game », malgré un nombre de tours conséquents. Le scénario s’enchaîne rapidement et n’est nullement insurmontable : les unités sont assez peu nombreuses et les décisions économiques, stratégiques et diplomatiques assez rapides à prendre.

Malgré sa durée et son échelle, le conflit est représenté de manière fidèle et jouable. Le niveau de détail est fort correct sans nuire à la facilité de jeu. La rejouabilité est très honorable, les options diplomatiques, les différentes stratégies (débarquement en Afrique ? Débarquement en Ibérie ? Campagne à pied des Alpes aux colonnes d’Hercule ?) et les événements historiques permettent de varier les plaisirs. Il faut saluer cette réalisation.

Les autres scénarios permettent de revivre une campagne contre les pirates illyriens ainsi que les avancées de Rome en Gaule Cisalpine. Il ne s’agit pas là de scénarios gadgets, ni de tutoriaux déguisés : ils sont bien équilibrés et les deux joueurs auront à bien peser et utiliser leurs atouts pour l’emporter clairement.

En guise d’illustration, ma tentative de soumettre les pirates illyriens fut, il faut bien l’admettre, assez peu glorieuse. Fort pédant et certain de ma supériorité en tant que romain je sous-estimai mon adversaire et le terrain. Mes alliés épirotes, seuls en lice en début de scénario, ne faisaient guère le poids et furent acculés dans leur capitale. Mes troupes romaines ne pouvaient intervenir en début de scénario, la bliztkrieg n’eut pas lieu. Non pas que la reine Teuta et ses guerriers illyriens eussent été un danger pour mes légions…

Mais la montre, la géographie, la logistique ainsi que le jeu du chat et de la souris auquel les illyriens me poussèrent mirent en danger ma victoire. Me résolvant à demander l’intervention des cités grecques (notamment pour des raisons logistiques) je n’ai pu emporter qu’une modeste « victoire mineure » en fin de scénario. Les illyriens avaient accumulé les points de victoire.

On le voit, ces scénarios offrent bel et bien de vraies parties. Ils ont de plus l’avantage d’être d’excellents choix pour une partie « beer & bretzel ».

Concernant le plat principal, tout comme Birth of Rome, la réalisation est de qualité et le conflit est soigneusement représenté. Les Carthaginois tenteront d’envahir l’Italie par les Alpes et peineront à faire plus, les Romains tenteront d’avancer vers l’Hispanie voire l’Afrique. Des événements historiques viennent animer la partie (laissons la surprise aux joueurs). Les enjeux sont traités de manière très fidèles et le joueur a bien l’impression de revivre cette fameuse Deuxième Guerre punique. Globalement le jeu est équilibré et Hannibal n’est pas une « Étoile de la Mort ». Il peut être défait, bien qu’il soit un adversaire plus que redoutable, tout comme les légions ne sont pas invincibles. On ressent même une certaine fierté à le vaincre avec un consul médiocre (mais une supériorité numérique affirmée).

J’ai cependant la vague impression (mais peut-être me suis-je mal débrouillé) qu’on nage rapidement dans l’argent et les points d’engagement, je ne me sentais guère menacé économiquement parlant, ni même poussé à instaurer une « économie de guerre », hormis durant quelques douzaines de tours en début de partie.

Les reproches seront les mêmes que pour la plupart des titres Ageod. L’IA à une fâcheuse tendance à faire des raids ou débarquements avec des micros unités qui seront invariablement massacrées. Quand on connaît le prix et surtout la difficulté à remplacer des unités dans Alea Jacta Est, c’est parfois gênant. L’adversaire informatique est parfaitement capable, jouant Carthage, de reproduire la fameuse traversée des Alpes et de ravager l’Italie du Nord mais éprouvera quelques difficultés à se ravitailler… ce qui est après tout historique. Pareillement, le Romain aura les mêmes problèmes à résoudre en Hispanie où, comme le veut l’expression, les Ibères sont rudes…

Les résultats disproportionnés des premières versions d’AJE sont devenus l’exception plutôt que la règle.
Des événements historiques viennent parfois corser un peu les choses.
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Il est là !
Mais ça pourrait être pire.
Comme tous les jeux Ageod, Hannibal permet une grande rejouabilité grâce à son système de décisions.
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Introduites dans RUS, les décisions territoriales sont désormais un classique des jeux Ageod. Ici, la construction de machines de siège pour accélérer ma campagne contre ces satanés illyriens.
Autre élément classique des jeux Ageod, le rapport détaillé et ses mines d’informations.

Que dire en conclusion ? Cette extension est de qualité et est, à mon avis, une réussite équivalente à Birth of Rome. Reprenant des recettes efficaces, elle simule très bien les conflits qu’elle entend représenter. Les titres sur la période n’étant pas légion, je ne peux que conseiller celui-ci à tout amateur de jeu historique concernant les guerres puniques, ainsi bien sûr qu’aux aficionados des productions du studio Ageod.

  • Réalisation de qualité.
  • Représentation scrupuleuse des conflits concernés.
  • La « griffe » Ageod.
  • Une musique quelconque.
  • Une IA correcte mais parfois dépassée par les cauchemars logistiques.
Infos pratiques

Date de sortie : 18 juin 2014

Éditeur / Studio : Matrix-Slitherine / Ageod

Site officiel : fiche chez Matrix, fiche sur Steam.

Prix : 15.99 € (en téléchargement)

NB : “Hannibal ante portas”, soit en français “Hannibal est devant nos portes”.