Quinzième extension majeure pour Crusader Kings II, Holy Fury m’a d’abord laissé un peu sceptique. Le titre très racoleur et la liste des principaux changements ne m’avaient que moyennement plu. En effet, c’était à se demander si encore étoffer un jeu sorti initialement en 2012 constituait quelque chose de possible ! En fait, la réponse reste oui et illustre bien la grande maîtrise de Paradox Interactive avec ce contenu disponible depuis le 13 novembre dernier, et qui coïncide avec le patch 3.0. Voyons donc ce que Holy Fury nous réserve : « le baptême ou la guerre », d’après la page officielle. Certes, mais encore ?

 

Pouvoir et religion

Les principaux ajouts tournent autour du pouvoir et de la religion, et donnent tout leur sens au DLC. Tout d’abord, une place bien plus grande qu’avant a été accordée au couronnement des souverains, événement d’importance capitale au Moyen-âge, surtout dans certaines monarchies comme la France. Là, durant la période médiévale (et jusqu’à Charles X, dernier roi sacré, en 1825 !), la cérémonie était à la fois religieuse et politique, faisant du souverain un personnage sacré. Il devenait oint de Dieu, capable de soigner (la fameuse tradition « thaumaturge ») et d’engendrer des successeurs.

En termes de jeu, on veille donc à l’organisation précise de cette étape, ce qui donne divers résultats suivant les moyens investis et les réponses des autres personnages. Le nec plus ultra étant bien sûr d’obtenir d’être sacré par le pape, comme le fut Charlemagne en 800, date bien connue. Là, les bonus et retombées sont manifestes. C’est vraiment intéressant que le jeu gagne cette profondeur, qui s’ajoute aux autres des extensions précédentes. On arrive à une vraie gestion de sa dynastie, de ses personnages successifs, de leur éducation pendant l’enfance à leur mort.

Chaque période peut être totalement transformée avec un monde aléatoire assez surprenant.
On a aussi accès à une interface de monde bouleversé, qui est très fouillée. On peut tout chambouler.

Le seul « hic » est que la micro-gestion est devenue bien plus importante que durant les premières années du jeu : il faut surveiller ses ambitions, sa vie affective, guerrière, l’éducation des enfants, jeter un œil sur ce que font frères, sœurs, cousins et autres neveux / nièces pouvant être trop ambitieux.

Et j’en passe. D’ailleurs, une nouvelle fonctionnalité rejoint cette cohorte déjà bien garnie : divers événements et nouveaux mécanismes permettent de gagner l’amitié d’un autre personnage, ou au contraire de susciter sa colère, en essayant de le pousser à accomplir des actes inconsidérés pour mieux le confondre. Cela marche assez bien et permet de se sortir de quelques situations autrement inextricables.

Toujours dans le domaine religieux, on notera aussi que le joueur peut tenter de faire revivre la religion gréco-romaine antique, ce qui est assez étrange mais pourrait encore se justifier pour le tout début de la période couverte par le jeu, si l’on n’est pas trop regardant. Ainsi, l’un des derniers grands auteurs païens, Zosime, écrivait encore au début du VIe siècle, ce qui en fait assez loin du début des parties (769). On appréciera ou pas.

A côté, on a plus sérieusement la gestion des saints pour les chrétiens. Certains personnages pourront être ainsi canonisés, faisant de leur province de décès un lieu de pèlerinage qui renforce son importance, et, partant de là, sa richesse. Si l’on ajoute cela aux reliques, aux évêchés, à la modélisation du pape, aux ordres religieux déjà présents dans le jeu, on se retrouve avec une solide présence de ces éléments indissociables du Moyen-Age.

De plus, beaucoup d’événements ont été rajoutés aux croisades, désormais mieux modélisées et bien plus jouables qu’avant, ce qui nous amène à parler à présent des avancées militaires introduites dans Holy Fury.

Des ajouts guerriers

Ainsi, on trouve une foule de changements en matière guerrière, militaire. Cela est lié au paganisme qui a aussi attiré l’attention des développeurs comme cela avait déjà été le cas avec l’excellente extension The Old Gods (voir cet article). Le fait est que les marges orientales de l’Europe et d’autres peuples comme les Hongrois ne furent pas christianisées de suite. Cela fut la grande affaire des chevaliers teutoniques dans le monde balte, avec beaucoup de peine d’ailleurs. L’affaire dura des siècles et certaines régions ne se convertirent qu’au XVe siècle, comme la Samogitie, en Lituanie. Ainsi, le joueur incarnant une puissance restée païenne aura désormais la possibilité de rejoindre des loges guerrières et accomplir leurs missions successives donnera de grands bonus en termes de combat. On peut aussi jouer un État cherchant à convertir la région.

Dans le même ordre d’idées, les descendants de grands personnages, souverains importants comme Charlemagne ou Gengis Khan auront eux aussi des bonus leur permettant de tenter d’égaler la puissance de leurs ancêtres. Je suis un peu plus partagé sur ce dernier point. S’il y a évidemment des choses dont on hérite de ses ancêtres, être un descendant d’un grand roi ne fait pas tout, voire rien. Il n’y a qu’à voir les différences entre Charlemagne déjà cité et son fils Louis Ier, dit le Pieux. C’était loin d’être les mêmes hommes, et l’on peut multiplier ce genre d’exemples.

On a un peu l’impression que certaines fonctionnalités deviennent des catalogues à n’en plus finir de bonus, dont la liste impressionne après autant d’extensions. Reste que se pencher sur l’Europe de l’est n’avait été que moins fait dans le passé du jeu, et l’on saluera cela.

Entre monde brisé, aléatoire et autres changements

Enfin, on note des changements généraux très vastes, avec la possibilité de générer des mondes bouleversés ou aléatoires, et ce depuis l’écran de sélection des puissances lorsqu’on débute une nouvelle partie. Le premier consiste en une égalité des dirigeants en début de partie, avec la possibilité de prendre n’importe quelle puissance et la mener ainsi vers la victoire, car elle sera égale aux autres (bien qu’on puisse agir sur beaucoup de paramètres pour accentuer ou atténuer cet état de fait). Le second monde, quant à lui, consiste en une carte totalement aléatoire de l’Europe, avec une création de puissances imaginaires, une attribution fictionnelle des territoires et des dirigeants. A vous l’Empire d’Aquitaine aux mains d’un prince indien par exemple. Là encore, il est possible d’ajuster à sa guise les possibilités, de faire figurer les républiques marchandes ou non.

Personnellement, ces ajouts ne m’intéressent que très peu, mais pour ceux qui voudraient une expérience totalement nouvelles, ces nouveaux mondes offrent des sessions de jeu nombreuses, des configurations très diverses et permettront de s’amuser autrement avec Crusader Kings II.

Il y a, pour terminer, bon nombre d’ajouts d’importance moindre mais tout de même présents dans l’extension. On notera ainsi de nouveaux portraits, la liste des personnes dont vos personnages ont réglé le compte lors de complots, la possibilité de customiser bien plus les noms des personnages et des objets, et j’en passe. Cette fois, ces nouveautés plus cosmétiques sont heureusement inclues dans Holy Fury et il ne faut pas repasser par la case caisse pour en bénéficier. On notera aussi une traduction française de qualité, ce qui est toujours important.

Les différentes croisades sont désormais modélisées, comme celles qui virent le monde balte être christianisé.
Jouant les Normands, je tente de m’emparer de la Sicile. Je suis en bonne place pour une future croisade.
Les événements sont nombreux qui ponctuent les parties, peut-être trop désormais.
Au fil du temps la personnalisation est devenue très grande. On peut avoir ses propres objets, un peu comme dans un RPG.
Un exemple de monde aléatoire plutôt déroutant.
J’organise ma cérémonie de couronnement.
C’est un évêque du royaume qui va s’en charger, ce qui a un coût.
L’un des bénéfices que l’on peut en retirer.
La première croisade débute.
Je demande au pape pour le couronnement du personnage suivant.
Il a accepté, et j’en ai retiré de grands bonus, dont celui-ci.
Je m’engage pour la croisade.
J’ai choisi mon oncle pour mener mes troupes. Celle-ci réussie, j’ai pu jouer le royaume de Jérusalem avec lui !
L’une des sociétés païennes du monde balte.
Notes
Multimédia
70 %
Interface
80 %
Gameplay
75 %
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crusader-kings-ii-holy-fury-les-mecanismes-religieux-et-guerriers-a-lhonneur<b>Multimédia</b> : de nouveaux portraits et options graphiques liées au thème, sans DLC cosmétique supplémentaire pour une fois. Un jeu qui reste joli et plaisant.<br /> <b>Interface</b> :toujours aussi lisible et fluide, elle remplit parfaitement son travail. Le patch poursuit les mises à jour. Il n’est plus forcément simple, par contre, de s’y retrouver, tellement les menus sont nombreux..<br /> <b>Gameplay</b> : des nouveautés intéressantes, de l’intérêt rajouté pour toute une partie du monde, mais certains choix discutables (raccourcis, modèles). On aimera ou non les mondes brisés et aléatoires.<br /><br /> Je pensais en avoir fini avec Crusader Kings II, surtout après des extensions qui m’avaient moins convaincu comme Jade Dragon. Le fait est que je m’étais trompé. Les mécanismes introduits renouvellent en profondeur certaines portions du jeu, notamment les affaires religieuses et le gameplay des croisades (en partie dans le patch 3.0 également) et des Etats qui en résultèrent. Si l’on passe sur certaines simplifications, quelques aspects tirés par les cheveux (comme le paganisme gréco-romain) et le fait que les événements et fenêtres contextuelles deviennent à mon sens bien trop nombreuses avec le cumul des extensions, on a de quoi rejouer avec plaisir à ce jeu fascinant, bien qu’on souhaiterait voir le troisième opus poindre. Ou pourquoi pas une suite à la série Victoria. Combien de temps peut-on continuer de développer un jeu aux ramifications déjà très denses ?