Quatorzième extension d’importance pour Europa Universalis IV, Dharma est disponible depuis le 6 septembre 2018, de même que le patch 1.26, lui gratuit, qui lui est lié. Après s’être intéressés à la Russie, au Japon, à la Chine et bien d’autres zones géographiques, les développeurs du jeu ont cette fois choisi de mettre l’accent sur l’Inde. On s’attend donc à une refonte des mécaniques des puissances indiennes, mais aussi de nouvelles possibilités plus générales qui profiteront aux autres États, selon une pratique qui est devenue la norme semble-t-il. Faisons donc une revue de détail des principaux ajouts de ce contenu qui, disons-le d’emblée, m’a laissé un peu plus sur ma faim que d’habitude.
Arbres de missions et mécaniques des puissances indiennes
C’est bel et bien vers l’Inde que l’extension invite à tourner ses regards. Durant la longue période considérée par le jeu, c’est un espace qui ne manque pas d’intérêt et à l’histoire peu connue en Europe. Il faut dire qu’elle est très complexe ! L’Inde n’est alors pas unie, elle est divisée en de très nombreux états princiers aux cultures et statuts différents, parfois trop petits pour être visibles sur notre carte de jeu. Elle connaît quelques périodes de relative unification avec la formations de structures étatiques immenses comme l’empire Timouride, ou encore l’empire Moghol. Toutefois, celles-ci ne concernent pas tout le sous-continent ni ne survirent aux guerres, invasions et autres soubresauts politiques internes. On notera aussi l’importante présence européenne sur les côtes, d’abord portugaise, puis française et britannique, et dont il sera question plus loin.
C’est donc sur ce substrat historique que se greffent quelques nouveautés d’importance. Tout d’abord de nouveaux arbres de missions pour bon nombre de puissances indiennes, qui permettent de sortir des cadres génériques et aident à s’orienter dans ses choix. Plusieurs états comme les Bahmanî ou le le royaume de Vijayanâgara ne manquent pas d’intérêt en début de partie (1444) car ils sont suffisamment puissants pour avoir vocation à s’étendre et leurs arbres permettent d’explorer diverses voies. On prend donc plaisir à les jouer, car on ne s’y serait peut-être pas forcément arrêté autrement. De plus, si l’on débute plus avant dans le jeu, on peut avoir des projets de grandeur avec l’empire moghol, fondé en 1526 et dont l’apogée se situe dans les années 1680.
Diminué par des querelles internes et l’ingérence des puissances européennes, il peut avoir un autre destin dans le jeu et possède son propre arbre, ainsi qu’une utile capacité dans le domaine culturel. Pour illustrer sa vocation à s’étendre en Inde, il peut ainsi accepter automatiquement les autres cultures dès lors que vous possédez toutes les provinces où les habitants qui en font partie résident. Plus besoin de dépenser de précieux points diplomatiques. Ce n’est pas inintéressant et promet de belles parties avec cette puissance capable de grandes choses dans un jeu comme Europa Universalis.
A côté de cela, on trouve la gestion de la mousson, des ordres revisités pour mieux coller aux réalités et castes indiennes, des bonus liés à l’hindouisme, suivant la divinité que l’on choisira de mettre en avant ou encore des graphismes adaptés aux unités locales. Dommage qu’une partie soit vendue séparément, pour 8 euros… Alors même que l’on passe peu de temps à un niveau de zoom qui permette d’en profiter, et que ce type d’ajouts cosmétiques a déjà été inclus dans les extensions dans le passé, et ce à plusieurs reprises.
Or, c’est à peu près tout en ce qui concerne l’Inde elle-même. Le reste s’y raccroche en partie seulement. La moisson n’est finalement pas si riche que cela.
Une réforme du système de gouvernement
L’autre principale nouveauté est la réforme du système de gouvernement et le moins qu’on puisse dire est qu’elle est la bienvenue ! En effet, à côté du type de régime en lui-même, de valeurs déjà introduites anciennement comme l’absolutisme, on peut enfin spécialiser davantage la façon dont son État est gouverné.
Ceci se concrétise par l’arrivée d’une fournée de nouvelles réformes, rangées par paliers correspondant à de grandes dates et déblocables après avoir engrangé assez de points de réforme gouvernementale. Ceux-ci sont liés à l’autonomie de vos provinces, qui décroît avec le temps et vos actions : moins elles sont autonomes, et plus vous gagnerez de points. On passera sur le côté un peu artificiel de la chose, il fallait bien la matérialiser d’une façon ou d’une autre…
Et l’on retiendra les possibilités offertes. A vous de choisir entre un État centralisé ou une administration décentralisée, à la façon dont vous gérez les privilèges de la noblesse et les assemblées présentes dans votre pays.. Les choix sont assez nombreux à chaque fois et reflètent plutôt bien la zone géographique choisie, car une noblesse d’ancien régime française ne veut pas dire grand-chose dans le Japon de la même époque, ni la chambre des communes britannique dans la Russie de Catherine II, autoritaire.
L’intérêt est là et permet de modeler le visage du pays choisi, sans non plus que ce soit extrêmement fouillé. En fait c’est surtout un choix entre divers bonus. Or, avec l’accumulation des extensions ils se font très nombreux et ce dans tous les domaines. Il devient assez difficile de savoir où donner de la tête.
C’est tout de même un ajout de taille, mais qui aurait pu être davantage poussé avec d’autres options pouvant par exemple déclencher des mouvements de révolte voire de révolution telle que 1789, si l’on couplait ça avec une gestion plus travaillée des ordres par exemple.
Vous trouverez le détail du patch 1.26 sur cette page du wiki officiel. Mise à jour qui comme les précédentes corrige de nombreux aspects du jeu, et ajoute du contenu tant pour le jeu de base que pour l’extension Dharma. Un récent patch 1.27 est venu ajouter lui aussi gratuitement d’autres mécanismes, en plus d’en rééquilibrer d’autres.
Le commerce, toujours le commerce
Enfin, le dernier domaine d’importance revisité par Dharma est le commerce. Je parle surtout là de la modélisation des compagnies de commerce européennes, dont beaucoup furent à charte. C’est à dire dont un texte (la fameuse charte) précisait les pouvoirs et attributions. L’une des plus connues est bien entendu l’East India company britannique fondée en 1600 et que l’on connaît plutôt en France sous l’appellation vague de « Compagnie des Indes », même si ce terme n’est pas précis car à l’époque on nomme « Indes occidentales » l’Amérique. Il y eut par exemple la Compagnie française des Indes occidentales, fondée par Colbert.
Pour en revenir à la première citée, je rappellerai qu’elle eut une existence longue car elle dura jusqu’à la grande mutinerie de 1857 dite « révolte des Cipayes », où une partie des troupes indiennes du domaine colonial britannique se révolta. Or, cette compagnie contrôlait directement des territoires entiers, achetés, loués ou conquis, avait ses troupes, des droits de justice importants etc.
Cela en dit long sur les capacités de contrôle des États de l’époque, qui devaient déléguer, surtout dans leurs possessions les plus lointaines, et c’est justement ce qui est modélisé dans Dharma. Rappelons d’ailleurs que c’est déjà le cas pour les colonies, qui forment des dépendances depuis très longtemps dans le jeu.
Là, pour peu que l’on trouve des souverains d’Inde (ou d’Afrique) désirant commercer et prêts à céder des terres, des provinces peuvent être acquises via ses compagnies sans avoir à se lancer dans une guerre coûteuse et lointaine. Par la suite, on peut construire des chaînes de bâtiments uniques dans les provinces concernées, qui profitent à la fois à la puissance européenne et au souverain en question.
C’est bienvenu et illustre bien tout un pan de l’histoire coloniale. Jusqu’au XIXe siècle, l’Asie et l’Afrique, hormis quelques territoires, étaient assez peu colonisées et la présence européenne se limitait à quelques quartiers et comptoirs, pas toujours obtenus par la force. On songe à Goa (Portugal), Pondichéry (France) ou encore Mumbai (Bombay, Royaume-Uni). Le jeu de puissances entre une métropole lointaine et des empires parfois multiséculaires ne manque pas d’intérêt historique, ni vidéoludique.
On aurait aimé que la modélisation aille encore plus loin car c’est par le biais de ces compagnies et de ces princes locaux que les puissances européennes s’affrontèrent en Inde, et la France avec le bouillant Dupleix, faillit bien l’emporter face à la Grande-Bretagne à la moitié du XVIIIe siècle. Peut-être aurait-il était possible de rajouter d’autres actions en ce sens ?














