Nous avons pu discuter il y a peu avec Jan Wagner du jeune studio autrichien Owned by Gravity, grâce à qui on devrait voir prochainement le joli retour inattendu sur nos écrans de Fantasy General. Partons en promenade vers les improbables guerres et contrées que proposera cette intéressante suite.

Fantasy General, bien connu jeu décliné du fameux Panzer General paru chez SSI en 1996 a marqué les esprits, car bien entendu, déjà à l’époque il n’y avait pas que les panzers dans la vie vidéoludique, il y avait les dragons aussi.

Ma première question à Jan Wagner fut simple. Pourquoi les joueurs auront-ils dû attendre plus de vingt ans pour que Fantasy General revienne ? Et la réponse fut tout aussi simple. Jan Wagner avec un petit groupe est pour ainsi dire tombé sur l’idée il y a 4-5 ans, ils ont commencé à y réfléchir, à esquisser un prototype, ont proposé l’idée aux polonais de GoG, qui on ne sait trop comment ont récupéré les droits du jeu, puis l’ont proposé au groupe MatrixSlitherine. Ces deux sociétés ayant de bonnes relations entre elles, et les développeurs ayant les compétences et surtout l’expérience nécessaire, 30 ans dans les jeux pour Jan, l’alchimie se fit semble-t-il soudain naturellement.

Ouvrons ici brièvement une parenthèse, il n’y aura pas de la part de GoG d’exclusivité, telle cette tendance contrariante dont on entend souvent parler actuellement, pour d’autres titres, les joueurs pourront se procurer et jouer à Fantasy General II à peu près comme ils le préfèrent, sur Steam, sur GoG, etc. Passons.

Selon Jan Wagner, les jeux en tour par tour font un notable retour. Il suffit de voir l’éclatant succès d’XCOM, par exemple, ou la longue durée de vie de Civilization, puis bien d’autres titres qui s’appuient régulièrement sur ce gameplay. Celui-ci correspond d’une part à un public qui a grandi avec, mais aussi d’autre part à une manière de jouer plus calme, plus réfléchie, voire, selon les jeux, pouvant permettre des parties, ou disons des sessions de jeu, plus courtes. Plus faciles à découper et à insérer dans un emploi du temps pouvant être déjà bien rempli pour un joueur auerri.

La période actuelle est aussi en quelque sorte une période idéale mêlant nostalgie envers des formules ludiques éprouvées, celles des années 90 à 2000, et progrès techniques qui autorisent de relancer plus loin la réalisation de titres ayant marqué une génération. Cela sans les dénaturer pour autant.

Que penses-tu des hexagones, Jan ? Mis à part le fait que Fantasy General premier du nom utilisait une grille hexagonale, avez-vous pensé à faire un système de cartes utilisant plutôt des zones ? Non, me dis Jan, les hexagones fonctionnent très bien pour modéliser de nombreuses choses, pour permettre au joueur de facilement visualiser des manœuvres de flanc, pour estimer les mouvements, les distances. Et techniquement, entre un plateau avec des zones et un avec des hexagones, il n’y a aucune différence. C’est équivalent en termes de calculs requis. Il y a des différences bien sûr pour des détails, le placement et l’orientation d’une unité par exemple, mais sur le fond, pour un jeu vidéo c’est pareil.

 

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Plus généralement, je demandais à Jan Wagner si il était plutôt « wargamer » ou plutôt « boardgamer » dans l’âme. Plutôt jeu de simulation ou jeu de plateau. Il m’avoua que si il aimait bien les wargames, le degré de précision qu’ils offrent par exemple, il préférait plutôt, aujourd’hui, des jeux aux mécanismes moins chronophages. Car il est juste que les wargames sont souvent assez exigeants sur ce plan.

Dans un jeu comme Fantasy General II, il ne s’agira pas de représenter, imaginons, des dizaines d’unités de lanciers et guerriers similaires l’une à coté de l’autre, allant chacune avancer méthodiquement vers l’ennemi. Le jeu mettra l’accent sur la diversité des unités, pas sur le nombre, et donc sur des mécanismes propres à chacune d’elles ainsi que sur l’indispensable coopération optimale entre ces différentes unités afin de vaincre tactiquement l’adversaire. En conséquence on aura plutôt deux ou trois unités d’infanterie accompagnant deux ou trois de cavalerie, accompagnant une ou deux de siège, accompagnant un ou deux héros. Ce genre de variations de combinaisons.

Le tout formant une armée équilibrée, capable d’atteindre des objectifs précis, mais aussi de répondre à des situations pouvant changer. En début de partie on aura à sa disposition une petite armée, qui grossira au fil des scénarios jusqu’à 30 à 40 unités, pour donc les plus grandes batailles.

Le jeu devrait proposer au départ un peu plus de 80 unités différentes, et par la suite il pourrait, si tout va bien, aller jusqu’à 200 unités. Cela devrait offrir une palette initiale variée, à laquelle les développeurs apporteront progressivement de nombreuses nuances.

A l’évidence cela dépendra du succès du jeu, mais il y a aussi un autre aspect important pour l’équipe de Owned by Gravity. A savoir que chaque unité est pensée avec soin. C’est à dire, elle est dessinée, des croquis sont faits, on en verra entre autres dans le manuel, elle est imaginée pour s’inscrire dans une fresque médiévale-fantastique globale, et pas seulement pour coller à un ensemble de paramètres mathématiques.

Durant le développement de Fantasy General II, qui est donc dans les esprits des développeurs depuis 2016, et pour lequel le travail a vraiment débuté il y a un peu moins de 18 mois, avant cela était fait en parallèle d’autres projets, le plus important défi auquel fut confronté Jan et son équipe fut de retranscrire la richesse de la Fantaisie. Cette richesse ludique libérant l’imaginaire que beaucoup comme Jan ont connu plus jeunes et que les développeurs souhaitent à juste titre recréer.

L’armée dont vous êtes le héros ?

D’ailleurs ce n’est pas un hasard si l’on trouvera dans une partie de Fantasy General II certains éléments issus des RPG, mais aussi des livres dont vous êtes le héros. C’est à dire qu’il y aura dans le jeu une histoire, forte, et des éléments narratifs sous la forme de dialogues à choix multiples. Dont les différentes réponses orienteront le joueur vers différentes tournures de la situation.

Il faudra veiller à ne pas offenser certains héros. Il faudra prendre des décisions concernant son armée. On ne bâtira pas un empire dans Fantasy General II, le but et le talent d’un général est de conquérir, il revient à d’autres de construire.

On ne gérera pas de longs sièges pouvant durer des mois voire des années, le jeu n’ayant pas vocation à simuler cela, mais on devra bel et bien prendre d’assaut des cités pouvant avoir jusqu’à plusieurs niveaux de murailles et de fortifications. Face auxquelles les Trolls compenseront utilement vous le verrez l’absence de catapultes dans vos rangs.

Les Trolls offrent un exemple intéressant de l’esprit du jeu. Il faudra vous allier à eux. Ces créatures torturées bien connues des joueurs devront ici être recrutées pour agrandir votre armée. Par essence, le Troll est peu enclin à un dialogue constructif, néanmoins, pour qui sait trouver les mots, un bon Troll bien utilisé peu faciliter une bataille sinon mal engagée. Si les Trolls ne seront donc pas forcément amicaux, ils ne seront pas obligatoirement des obstacles à éliminer sur votre route. Au contraire, bien pris, avec l’attention trollesque qu’ils apprécient, ils aideront le joueur. Vous l’avez compris, un Troll méchant cela n’existe pas, les Trolls ne sont en fait que de grands incompris qui s’ennuient profondément. Tandis que l’Empire les méprisent, le bon général, lui, les utilisent. Et pour les Ours-garous ? Et bien, c’est plus compliqué, ils sont fidèles mais plus tatillons… Les Golems eux sont bien plus dociles et simples à diriger, les impériaux le disent toujours.

Votre armée commençant petite, et devant affronter un empire déjà largement établi, il vous faudra au fil de la campagne renforcer vos rangs. Concrètement les premières batailles se joueront sur des petites cartes, avec relativement peu d’unités.

Quelle sera la taille maximale d’une carte, Jan ? En nombre d’hexagones. Le jeu permettra au maximum des cartes de 80 x 80, aller plus loin amenant des contraintes techniques plus importantes. Une « bonne carte »  sera grosso modo d’une taille autour de 40 x 40.

Gardez à l’esprit que la modélisation du terrain devrait être assez variée, tant visuellement que tactiquement. Par exemple une forêt sur un terrain marécageux ne sera pas la même qu’une forêt sur un terrain herbeux. Ce qui sera en outre accentué par des musiques d’ambiance spécifiques, en parallèle de la réorchestration d’anciennes musiques du premier jeu.

En plus des différentes caractéristiques intrinsèques des unités, celles-ci auront à leur disposition l’accès à des objets magiques susceptibles d’augmenter leurs compétences, voire de leur en donner d’autres qu’elles ne possèdent pas sinon. Particulièrement les héros, qui pourront eux utiliser jusqu’à sept objets magiques différents. Le jeu devant initialement compter environ 150 objets magiques, dont certains rares et puissants, par exemple en hommage aux événements et personnages de Fantasy General I.

L’ampleur des batailles qui pourrait en théorie diminuer du fait de la taille de la carte devrait donc être compensée par une plus importante granularité tactique et narrative. A titre d’exemple, sur une carte une très grande ville pourrait ainsi occuper, avec ses fortifications, une zone de 8-10 hexagones. Et une petite carte devrait donner une bataille jouable en une bonne demi-heure, grosso modo, une fois que l’on maîtrise le jeu.

Et coté gestion des ressources, alors ? En jeu le joueur ne devra gérer que quatre ressources principales : la Mana, l’Esprit, les Armes / armures et l’Or. Ce à quoi s’ajoutera une autre ressource mystérieuse, elle temporaire. En résumé, il n’y aura pas de mines de métal à prendre, mais il y aura par exemple des sources de Magie à occuper.

 

 

 

Vallons & Dragons !

– Jan, dans le jeu, où sont mes chevaliers !? Je ne les ai pas encore vus dans les vidéos de gameplay.

– Ils sont chez l’ennemi, Bertrand !

Ach, so, pensais-je… Une fois remis du choc karmique de cette révélation, à savoir que je n’allais pas pouvoir recruter ni diriger moi-même une armée de redoutables chevaliers en armures scintillantes capables de briser les rangs adverses du simple fait de leur fougueuse charge héroïque à laquelle nulle autre créature de ce monde ou d’ailleurs ne saurait résister, passé ce long bref instant d’hésitation, je remontais au créneau.

– Il n’y aura vraiment pas de chevaliers dans le jeu, Jan ?

– Si, il y aura des Chevaliers de la Mort, Bertrand, ceux enrôlés par l’Empire.

Je n’osais alors plus poser la question concernant les Dragons… Si jamais c’est l’Empire qui contrôle aussi les Dragons, il va falloir ruser fort pour que mes barbares ne finissent pas en barbecue impérial.

Jan me rassura très vite. Pour commencer le jeu propose une importante campagne mettant en scène des « Barbares » façon Highlanders attaquant un « Empire » façonné par la Mort appuyant son pouvoir sur l’utilisation de la nécromancie, entre autres. Les mort-vivants étant très pratiques pour ne pas avoir de révoltes d’esclaves, il fallait y penser. Autrement dit, plus prosaïquement, le canevas du jeu offrira quelque chose comme l’invasion des Huns, schématiquement comme les barbares attaquant Rome. Les zombies et la magie en plus. Il n’y aura pas de classiques sorciers et chevaliers, pas au début du moins, car dans les jeux cela a déjà été beaucoup fait. Ce qui est vrai. Et l’ensemble offrira d’une part quelque chose de cohérent et naturel, et d’autre part de la surprise, un peu de dépaysement, d’autres horizons fantastiques à explorer et où batailler.

Toutefois. Toutes choses étant égales par ailleurs. Pour ceux préférant quand même les côtes de mailles aux peaux de bêtes, les crinières aux bois de cerf, bref, comme destrier le cheval aux cervidés, après tout chacun ses goûts, pas d’inquiétude. Au-delà du choix scénaristique initial que proposera la campagne, Fantasy General II aura pour lui deux atouts.

Primo, tout le monde s’en doute, il y aura des ajouts ultérieurs, campagnes supplémentaires, variations sur thèmes, etc Ajouts qui permettront, théoriquement, de jouer par exemple l’Empire. Donc de diriger des Chevaliers de la Mort, c’est déjà un début. Libre aux joueurs après de demander aux développeurs ci ou ça…

Deuxio, et c’est probablement le plus important, particulièrement pour un jeu d’Heroic-Fantasy, il y aura à terme différentes possibilités de modifications.

Dans un premier temps il sera possible de créer depuis le jeu ses propres cartes pour des batailles type Escarmouches. Puis viendra après un éditeur de scénarios permettant de créer des cartes complètement nouvelles, y compris en changeant par exemple les points d’apparition des unités, ou leurs noms. Enfin, ultimement, les développeurs souhaitent proposer aux joueurs un outil leur permettant de créer eux-mêmes leurs propres campagnes, donc en somme leurs propres mondes. Si, si, Jan me l’a dit ! Il n’y a plus qu’à patienter.

Autrement dit, il y aura très probablement des outils ouvrant la possibilité à chacun de jouer dans le monde médiéval-fantastique qu’il souhaite. La diversité de ces mondes étant importante, on imagine bien qu’il est difficilement possible de satisfaire toutes les attentes, mais néanmoins le jeu devrait à terme permettre de telles ouvertures en ce sens. Bon, il faudra voir à l’usage, une fois que pas mal d’aspects techniques auront été réglés, mais de toutes façon les moddeurs ont l’habitude, et au moins pour l’instant, les développeurs ont cette volonté d’associer à un gameplay et à un bon moteur de jeu, Unity en l’occurrence, des outils autorisant la créativité.

A Game of Crones ?

Une armée de barbares issue d’une confédération de tribus révoltées descendant de leurs montagnes, de fiers guerriers déterminés, l’étrange magie des esprits et des éléments, les obscures prophéties de sorcières druidiques réfugiées dans de non moins obscures forêts. Le tout face à un empire maléfique fermement implanté dans des terres fertiles que la nécromancie défend mais rend stériles, Deux mondes qui ne peuvent se comprendre, mais qui vont bel et bien se combattre, sur fonds de légendes, d’épopées fantastiques, et d’un souffle tempétueux de liberté.

Les développeurs de Owned by Gravity sont fiers d’avoir réalisé un remake moderne de Fantasy General, conservant l’esprit du jeu d’origine tout en le modernisant et en offrant un résultat plus ambitieux. De ce que l’on en a vu jusqu’à présent et de ce que m’en a dis Jan Wagner, on souhaite tout le succès que mérite ce beau projet devant rouvrir à tous les portes du royaume de la stratégie et de l’Heroic-Fantasy. Chacun pourra en juger assez prochainement, dès qu’on verra plus le jeu en action.

A la question de clôture rituelle quand le jeu sortira-t-il, Jan me dit sans surprise qu’il était encore un peu trop tôt pour parler d’une date précise, mais que si tout va bien, on pourrait voir Fantasy General II arriver… avant que toutes les feuilles ne soient toutes tombées des arbres. Summer is coming, pensais-je…

Merci à Slitherine et à Jan Wagner pour le temps accordé pour cet entretien.

 

 

Pour plus d’informations sur Fantasy General II – Invasion, pour lequel une bêta privée est accessible par ici, et qui pourrait sortir entre l’été et l’automne prochain, voyez cette page chez l’éditeur, et celle-ci sur Steam. Ou encore celle-là sur GoG.