Nouvelle extension majeure pour Hearts of Iron IV, By Blood Alone est disponible depuis le 27 septembre dernier. Suivant une dynamique désormais bien rodée, ce contenu prévoit la refonte de plusieurs arbres de priorités nationales, d’ajouter des décisions à certains pays, ainsi que des éléments plus généraux, susceptibles d’affecter tous les États jouables. Les pays concernés par les nouvelles priorités et décisions sont au nombre de trois : l’Italie, l’Éthiopie et… la Suisse.
Si la volonté du studio de reprendre la première de fond en comble répond à de vraies demandes et attentes des joueurs, on peut s’étonner de prime abord des deux autres choix, même s’ils paraissent relever d’une vague logique géographique (ils sont frontaliers de l’Italie de l’époque). Quant aux ajouts plus globaux, ils suivent en grande partie des travaux précédents concernant la marine et les blindés, en se tournant cette fois vers l’aviation, bien plus personnalisable qu’avant.
Ce décor posé, il nous reste à passer tous ces points au crible de la critique et déterminer s’ils apportent quelque chose de nouveau et d’intéressant à un jeu déjà bien étoffé depuis sa création.
L’Italie sous toutes ses coutures
La part du lion est, dans cette extension, réservée à l’Italie, grande puissance un peu laissée à la traîne depuis le début du jeu et qui, face à des années d’amélioration des autres, méritait bien une révision complète. Outre des aspects assez mineurs (plus de généraux disponibles, de modèles d’unités…), on se concentrera surtout sur les décisions et les priorités.
Le premier aspect a pris de l’ampleur ces dernières années et permet l’utilisation de points de poids politique pour le lancement de chantiers économiques, militaires, comme il illustre les luttes de faction au sein de chaque pays, via un onglet dédié. Là, c’est la puissance d’influence de Mussolini face à celle du grand conseil du fascisme qui est représentée, priorités et décisions amenant le joueur à privilégier l’un plutôt que l’autre, ce qui offre différents bonus, styles de jeu et peut même influer sur la nature du régime suivant le clan /camp choisi.
Cela redonne du souffle aux parties sur le moyen terme et rappelle de précédentes initiatives comme la matérialisation de la « terreur stalinienne ». On aurait quand même aimé qu’une plus grande place soit accordée au roi Victor-Emmanuel III, très absent de la scène politique mais qui joua un important rôle dans l’arrivée au pouvoir comme dans la chute de Mussolini (cf. excellente biographie par F. Le Moal).
Au-delà de ces aspects, on découvrira avec bonheur un arbre de priorité « tout beau tout neuf », avec des branches très denses et des voies différentes à explorer, sans parler des rameaux liés au redressement militaire et économique du pays. Politiquement parlant, il est toujours possible de suivre le côté historique, à savoir une alliance avec l’Allemagne. Pour ce faire, les possibilités d’améliorations des unités et des industries sont bien meilleures qu’avant et devraient permettre de belles parties. On peut aussi renverser le duce et explorer d’autres voies non-historiques, même si c’est une troisième possibilité, plus médiane, qui a surtout retenu mon attention : celle du maintien et du développement du « front de Stresa ». C’est-à-dire d’une Italie opposée à l’Allemagne et restant du côté des Alliés.
Historiquement, cette voie buta sur l’expansionnisme italien et notamment la guerre en Éthiopie et ne perdura pas, mais en termes de jeu vous êtes le seul maître à bord. J’ai réalisé ainsi une très belle partie où les forces italiennes lâchaient du lest en Afrique pour ne pas s’attirer les foudres de Paris et Londres puis refusaient l’Anschluss, conquéraient l’Allemagne avec l’aide de la France et du Royaume-Uni… Avant de vaincre une URSS devenue menaçante et d’aider la Chine contre le Japon.
Ce sont des développements qui laisseraient rêveurs plus d’un amateur d’uchronie, mais qu’on se plaît à réaliser dans le jeu. Le travail accompli autour de l’Italie est donc réussi, intéressant, et vient combler un réel manque. Je n’hésiterai pas à dire qu’à lui seul il mérite qu’on passe à la caisse.
Éthiopie et Suisse revues de fond en comble
Les deux autres pays dont les arbres et décisions politiques ont été revus pour offrir une nouvelle expérience de jeu sont donc l’Éthiopie et la Suisse. Ces choix peuvent évidement surprendre, car il ne s’agit pas de puissances importantes dans la période couverte par le jeu, et envisager des parties viables avec eux paraît incertain. Le remarquable travail réalisé sur les États baltes dans une précédente extension laisse, de l’autre côté, entendre le contraire.
C’est donc sans a priori, ces « pour » et ces « contre » en tête que j’ai entamé une partie avec l’Éthiopie, suivant la voie de la résistance aux Italiens. Malgré une situation initiale très défavorable et plusieurs échecs, j’ai quand même fini par faire une session fructueuse, réussissant à emporter la guerre en suivant les nouvelles priorités ainsi que les décisions. J’ai ensuite rejoint les Alliés et continué le combat à leurs côtés une fois la Seconde Guerre mondiale déclenchée. On peut donc sans conteste saluer le travail des studios et j’ai pris un réel plaisir à gagner du temps via des décisions (qui renforcent momentanément la défense par exemple), susciter des soutiens internationaux à l’Éthiopie (par le biais de décisions et priorités) avant signer une paix blanche grâce à la médiation du Royaume-Uni. Le défi est réel, mais intéressant.
Fort de ce succès, j’ai poursuivi l’exploration de By Blood Alone en jouant la Confédération Helvétique. Opter pour la neutralité historique du pays m’a semblé inutile : à quoi servirait de rester neutre toute une partie dans un tel jeu (On lira avec intérêt ce long article pour connaître l’histoire Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale) ? L’ennui serait total… Il y a pourtant des branches de l’arbre qui le permettent, et on se demande finalement quel est leur utilité. On peut en revanche, en jouant des divisions entre fractions politiques, osciller progressivement vers les Alliés ou l’Axe. Les décisions nous plongent avec succès dans la politique suisse de l’époque, les priorités ont été bien étoffées et travaillées, mais – contrairement aux deux autres pays revus – je n’ai pas réellement su faire vivre ces parties. Le système de milices citoyennes du pays est bien présent, mais – et c’est logique – celles-ci sont surtout défensives et la transformation vers une armée plus active est lente et laborieuse, bute sur un déficit global d’effectifs.
En fait, la Suisse manque de moyens humains et industriels pour réellement briller dans un tel jeu et sa position géographique comme son histoire ne semblent pas offrir d’importantes possibilités vidéoludiques dans la série Hearts of Iron. Bien entendu, n’hésitez pas à partager des captures d’écran dans lesquelles vous avez conquis la France ou l’Italie et qui me feront mentir ! Reste qu’à mon sens, le bilan est finalement en demi-teinte pour ce qui est des aspects principaux du DLC, quand même complété par quelques autres ajouts plus transversaux.
Des ajouts plus généraux
Les transformations plus générales portent essentiellement sur les conférences de paix et l’aviation. Les premières sont désormais plus touffues qu’avant. Les options plus nombreuses : on peut ainsi démilitariser des régions voire des pays entiers, réclamer le contrôle de navires capitaux, ou de ressources et d’industries en guise de réparations de guerre. Ce n’est pas fondamental mais rappelle en effet des actions historiques comme le transfert en URSS de nombreuses usines allemandes après 1945. Lorsqu’il n’est pas possible d’annexer purement et simplement un territoire, ces nouvelles possibilités rendent un peu plus intéressantes les conférences de paix, notamment quand un pays majeur est vaincu par de nombreuses puissances qui ont toutes leur mot à dire.
On constate aussi que la refonte de l’aviation est désormais opérée, suivant le modèle déjà mis en place pour les navires et les chars d’assaut. C’est-à-dire que la construction des avions donne lieu à un micro-management beaucoup plus grand qu’avant : on ne construit plus seulement tel ou tel modèle prédéfini. Il faut désormais choisir, sur une base de fuselage débloquée par la technologie, quel sera l’armement des appareils de manière précise (canons, mitrailleuses, soutes à bombes…, combien, de quel type…), de leur installer des radios, radars, équipements supplémentaires ou non, etc.
Ce n’est que la suite logique des transformations précédentes et les joueurs ne seront pas dépaysés. On appréciera de pouvoir personnaliser ses flottes aériennes de manière minutieuse, comme son parc blindé et ses vaisseaux de combat. En revanche, cela induit de passer beaucoup plus de temps qu’avant sur ces aspects, de ne pas faire d’erreurs (des modèles pré-définis peuvent toujours être envisagés d’un simple clic toutefois) et surtout d’effectuer un effort de lecture fastidieux.
En effet, la traduction en français est peu claire, qui ne parle pas, par exemple, de « fuselage de chasseur 1940 » ou de « fuselage de bombardier stratégique 1942 » mais de « petite » ou de « grande cellule ». Le résultat est désastreux, il faut se repérer avec les silhouettes des avions (de nouveaux modèles 3D sont d’ailleurs disponibles), jongler dans les arbres technologiques, sans pouvoir retrouver un vocabulaire clair (« chasseur », « bombardier naval », « bombardier tactique… »). On espère une mise au point rapide des studios.
Conclusion
Malgré tout, By Blood Alone est une bonne extension qui étoffe un pays majeur qui était resté en deçà des autres du fait des ajouts précédents. À présent, c’est l’arbre allemand, assez ancien, qui fait pâle figure à côté du reste des grandes puissances, ce qui nous montre aussi que les améliorations peuvent être potentiellement sans fin. Toutefois, si une refonte de l’Éthiopie, a priori étonnante, est finalement justifiée par l’accent mis sur l’Italie, les deux pays ayant été en guerre, on ne s’empêchera pas de penser que le choix de revoir la Suisse est peu justifié. L’histoire helvétique est évidemment intéressante, mais sa neutralité très affirmée et ses ressources industrielles comme humaines limitées en font un pays difficilement jouable dans un tel jeu.
D’autres États comme le Brésil, l’Argentine, l’Iran, voire la Norvège offriraient des perspectives peut-être plus stimulantes. De futures extensions centrées sur la Scandinavie ou l’Amérique du Sud paraissent avoir toute leur place et encore manquer. On espère aussi une amélioration du modèle de conception des avions, pour aller vers une plus grande lisibilité. Pour faire bref : le jeu a encore de beaux jours devant lui.
Pour plus d’informations sur Hearts of Iron IV: By Blood Alone, voyez cette page sur Steam. Ainsi que les notes de développement sur le wiki officiel. Concernant Hearts of Iron IV, ne manquez pas notre dossier Sur le front des DLC de Hearts of Iron IV, classement général des extensions du jeu. Puis voyez cette page chez l’éditeur ou celle-ci sur Steam.













