Attendant sagement dans nos boutiques numériques favorites depuis le 28 février dernier, la 4ème extension d’Hearts of Iron IV intitulée Man The Guns nous invite à tourner nos regards vers le grand large. En effet, elle propose un catalogue de nouveautés assez impressionnant pour le volet naval du jeu, tout en refondant les arbres de priorités de plusieurs pays et rendant alléchantes les parties avec deux puissances de second rang de l’époque, les Pays-Bas et le Mexique. Le tout est couplé à un patch 1.6 incluant certaines des modifications navales.
Notons d’ailleurs que les cahiers de développement ne les dissocient pas… Ce système déjà éprouvé laisse au joueur un avant-goût de l’extension et l’incite fortement à passer à la caisse pour pouvoir profiter de tout. On appréciera, ou non. Toujours est-il qu’alors qu’un an s’est écoulé depuis l’excellent Waking the Tiger, on est en droit de s’attendre à un contenu assez profond et bien ficelé. Voyons ce qu’il en est in fine.
Mécaniques et combats navals mis à jour
C’est là que réside le cœur du DLC. Ainsi, on se trouve face à deux phénomènes concernant les marines de guerre dans l’extension dont il est question : des mécanismes ont été revus et des ajouts purs et simples ont été faits.
En ce qui concerne ces derniers, on ne peut pas dire que les développeurs ont été avares et ils ont frappé dans tous les domaines. Tout d’abord, certains types de navires peuvent être désormais utilisés pour poser des champs de mines sous-marines qui, historiquement jouèrent un grand rôle. Je pense à la mer du Nord par exemple, où la Royal Navy interdit des secteurs entiers à son adversaire allemande de cette façon. Ces mines vont donc causer des pertes dans vos flottes qui traversent les provinces navales où elles sont présentes, à moins que vous ne construisiez-vous aussi des flottilles capables de déminer. Tout ceci devra être pris en compte dans vos productions déjà bien occupées.
On notera aussi que les sous-marins peuvent être équipés de snorkels, tuyaux d’invention néerlandaise qui leur permettent de rester sous l’eau plus longtemps, car pompant ainsi leur oxygène directement à la surface. Cela accroît leur capacité d’évasion et va peut-être causer de nouvelles sueurs froides aux joueurs menacés par les « meutes » de sous-marins.
Enfin, on sera intéressé par la modélisation des traités de désarmement navals, dont le plus connu est celui de Washington (1922). Il visait à limiter en taille, en puissance et en nombre les futures constructions navales, en suivant un ratio qui respectait l’équilibre des puissances établi après la Première Guerre mondiale. Progressivement remis en cause, notamment par les dictatures et régimes totalitaires peu satisfaites de rester au second rang, il ne permit pas d’empêcher une nouvelle course aux armements.
En termes de jeu, le dénoncer est assez long et passe par le système dynamique de décisions, mis en place dans les précédentes extensions. Tant qu’il dure, vos bâtiments ne pourront pas avoir toutes les options d’armement, de blindage ou de dimensions… On se posera donc des questions épineuses : dois-je attendre quelque temps une remise en cause du traité, au risque de prendre du retard ? Ou construire dès à présent des navires aux capacités moindres, qui vont occuper les lignes de production pendant longtemps ? Dilemme dur à résoudre !
Ce qui m’amène tout naturellement à la construction navale, revue de fond en comble dans Man the Guns. Désormais, vous devrez passer par un écran très (trop ?) détaillé de conception de navires. A vous de choisir l’armement principal et secondaire (pièces plus légères, DCA), le radar, les spécialisations (lutte anti-mine, grenades anti-sous-marines…), le tout déblocables par de nouvelles technologies. S’il l’on peut laisser à l’ordinateur le choix d’un modèle standardisé, il faudra tout de même veiller à bien choisir quel composant mettre à tel endroit. En cherchant bien, on peut créer une flotte sur mesure, pour peu qu’on veille bien sur les chantiers navals.
Le risque est de s’y perdre : dois-je sacrifier la vitesse au profit de l’armement pour mon croiseur lourd ? Dois-je mettre plus de DCA sur mon porte-avion au risque de prendre de la place nécessaire au pont d’envol ? Faire plusieurs combinaisons au risque d’avoir une flotte d’échantillons ? Et ainsi de suite. Il faudra voir après de nombreuses parties si l’on y gagne ou non, ce qui n’est pas certain vu l’échelle du jeu, stratégique et non pas tactique.
La recherche des navires ennemis et les batailles ont aussi été revues, cette fois dans le patch 1.6. Désormais les flottes fonctionnent un peu à la manière des groupes d’armée terrestres : un amiral en dirige plusieurs, auxquelles vous donnerez des tâches bien précises. Aux navires légers la tâche de débusquer l’adversaire, ce qui se fait peu à peu, avec un niveau de détection qui augmente. Ensuite seulement le corps de bataille principal pourra l’engager, ce qui peut être plus long et difficile qu’avant car il y a désormais plusieurs types de terrains navals qui peuvent gêner les déplacements, et les amiraux ont des traits, comme pouvoir s’échapper plus facilement, ou au contraire traquer l’ennemi avec plus de succès.
Le combat en lui-même comporte aussi beaucoup plus d’informations qu’auparavant sur les navires, les armes, les dégâts, ce qui est appréciable si l’on est friand de détails de ce genre. Notons enfin qu’il est possible d’affecter certains chantiers navals à l’amélioration de vieux navires, et qu’il faudra en garder pour la réparation des autres, ce qui se fait automatiquement : les plus endommagés se détachent d’eux-mêmes.
Au final, c’est assez réussi et certains mécanismes ont été déjà retravaillés dans le hotfix 1.6.1 sorti le 13 mars (flottes de réserve, conception des coques de navires…). L’extension mérite bien son nom.
De nouvelles priorités nationales
L’autre grand chantier de Man The Guns consiste en l’ajout d’arbres de priorités nationales spécifiques à deux États : les Pays-Bas et le Mexique. Le premier doit désormais choisir entre l’influence allemande et britannique, et dispose d’options pour fortifier son territoire national en prévision d’une invasion allemande. La création de barrières fortifiées peut être accélérée, et il est possible d’affaiblir momentanément l’ennemi en détruisant les digues qui retiennent les fleuves, à l’écoulement très difficile dans ce pays très plat. Cette décision terrible arrêta les armées de Louis XIV durant la guerre de Hollande (1672-1678) mais, je trouve, n’est pas d’une très grande utilité dans le jeu. On manque de temps en commençant en 1936 et je n’ai pas réussi à tenir face aux troupes allemandes, même avec cela…Historiquement, le pays fut envahi en quelques jours.
Or, le jeu l’a prévu et vous réserve la possibilité de préparer dès le début votre déplacement aux Indes Néerlandaises, soit l’Indonésie alors colonie des Pays-Bas. Après la capitulation de la métropole, si l’on a suivi les bonnes priorités, on peut y déplacer sa capitale et son gouvernement pour y continuer la lutte. Historiquement, ces lieux furent aussi occupés, cette fois par le Japon, ce qui ne fut pas pour rien dans l’ébranlement de la puissance coloniale néerlandaise. On appréciera en tout cas l’intérêt porté à ce pays souvent oublié, même si sa position ne le rend pas des plus simples à jouer.
Autre est le Mexique, qui sort de décennies de guerres civiles et semble à l’ombre du géant étasunien. Or, là, l’arbre comprend énormément de rameaux. On peut suivre la voie historique : un rapprochement avec les Alliés puis une participation à leurs côtés à la guerre (historiquement elle fut très limitée), une soviétisation du pays, une fascisation proche de l’Axe ou carrément à l’origine d’une nouvelle faction. Là, à vous la conquête de l’Amérique latine, même si les Alliés ou l’URSS peuvent ne pas apprécier, et pourquoi pas, carrément, des États-Unis eux-mêmes ? Inutile de dire que, dans ce cas, la tâche promet d’être ardue. On se consolera en amenant ses troupes jusqu’au cap Horn, ce qui m’a bien amusé même si cela n’a rien de très crédible ni même d’historique évidemment. Reste que ce pays devient très intéressant à jouer et les situations peuvent être assez drôles si les États-Unis connaissent une nouvelle guerre civile avec la recréation de la Confédération, permise par un nouvel arbre a-historique.
Le Royaume-Uni, lui, connaît aussi un nouveau choix qui consiste à hâter la décolonisation dès 1936, avec de nombreuses priorités en ce sens. Si beaucoup d’arbres de priorités relèvent maintenant de l’a-historique, on peut très bien ne pas les suivre en paramétrant correctement sa partie en début de jeu. A quand la possibilité, plus réaliste de recréation de l’Autriche-Hongrie ? Le dernier empereur avait tenté en 1919-1920, mais le régent Horthy, en Hongrie, qui avait pris goût au pouvoir malgré son titre, l’en empêcha.
Gouvernements en exil et autres ajouts intéressants
Enfin, d’autres mécanismes viennent parachever ces ajouts déjà nombreux et intéressants. Le premier est la modélisation des gouvernements en exil, notamment à Londres. Après leur invasion par les forces de l’Axe et la capitulation de leur pays, certains gouvernements, comme historiquement, réussirent à s’organiser à l’étranger pour continuer la lutte. Dans les parties, cela donne des troupes supplémentaires, avec leurs généraux, et permet de préparer la libération de ces États. Quand on songe au nombre de soldats polonais, belges, néerlandais, français et autres qui combattirent dans les rangs britanniques ou sous leur bannière propre comme la France libre, on appréciera le geste.
A l’instar des Pays-Bas pouvant carrément transférer leur capitale à Batavia comme on l’a vu, on aurait aimé une meilleure modélisation de la structure créée par le général de Gaulle toutefois, qui rallia progressivement les colonies et territoires d’outre-mer français, avant de jouer le rôle que l’on sait en Italie et dans le sud de la France, avec la 1ère armée du général de Lattre de Tassigny. Mais peut-être suis-je là un peu chauvin…
Notons aussi que, couplé à la revue de l’arbre de priorité américain, vient s’introduire la modélisation du Congrès. C’est-à-dire que les sénateurs et députés vont approuver ou refuser certains choix, et ce sera à vous de les convaincre via des décisions et évènements. C’est franchement bienvenu, et on peut espérer que le système soit étendu aux autres grandes démocraties du jeu. Bien que limitée par la guerre, celle-ci se poursuivit : s’il n’y eut pas d’élections avant 1945 au Royaume-Uni, ce fut le cas de l’autre côté de l’Atlantique et Roosevelt fut réélu en 1944, même s’il mourut de maladie avant la fin de son mandat, et de la guerre d’ailleurs.
J’ajouterai pour finir l’ajout de nouvelles musiques, toujours appréciable, et, une donnée venue du patch cette fois : le carburant. Celui-ci est nécessaire au déplacement de vos unités aériennes, navales, motorisées et mécanisées. Il va être nécessaire d’en stocker suffisamment, d’en raffiner à partir du pétrole, et de créer assez de cuves pour ce faire, dans vos provinces. Cela est bienvenu et va ajouter des difficultés à l’Axe qui en manqua terriblement, ce qui risque de redonner de l’intérêt aux carburants synthétiques déjà existants dans le jeu et retravaillés pour l’occasion.































