Disponible depuis le 23 novembre dernier, la sixième extension majeure pour Hearts of Iron IV répond au nom de No Step Back. Cette référence à l’ordre n°227 de Staline « plus un pas en arrière » annonce à elle seule la couleur : le DLC est majoritairement tourné vers l’Europe de l’Est et plus précisément l’URSS. Ce front jusque-là peu revu devrait ainsi bénéficier de nouvelles fonctionnalités plus en phase avec l’évolution globale du jeu, même si d’autres ajouts plus généraux sont prévus, ainsi qu’un patch 1.11 nommé Barbarossa, en référence à l’opération du même nom. Reste à savoir de quoi parle-t-on et de quelle façon ces aspects ont été revus.
Des nouvelles priorités pour l’Europe de l’Est
Tout d’abord, et c’est une constante depuis les premières extensions du jeu, de nombreux pays bénéficient de nouveaux arbres de priorités nationales. Vraie charpente d’une partie, ils permettent de s’orienter vers telle ou telle stratégie et de développer le pays choisi suivant les orientations voulues par le joueur. Or, au début du jeu, beaucoup étaient génériques et donnaient des avantages assez passe-partout, en termes économiques, militaires ou diplomatiques. Au fil des DLC majeurs de HoI IV, de nombreux pays ont vu leurs arbres être repris, pour offrir plus de profondeur à l’expérience de jeu. Plusieurs branches permettent depuis de suivre la voie historique ou d’en explorer d’autres.
Grâce à No step Back, d’autres pays bénéficient désormais de ce traitement. Il s’agit des États baltes, Lettonie, Estonie et Lituanie, de l’URSS et de la Pologne. On pourra se réjouir comme s’étonner d’une partie de ces choix. En effet, la Pologne bénéficiait déjà de son propre arbre, pas inintéressant et que j’avais présenté en 20161. De plus, les pays baltes, pour intéressants qu’ils soient, restent des puissances assez faibles en termes de jeu et, partant, difficiles à incarner. Qu’ils soient concernés alors que certains majeurs n’ont pas été revus (Italie) paraît à priori peu judicieux.

En revanche, l’arbre soviétique datait du début du jeu et souffrait désormais la comparaison avec ceux des autres grandes et moyennes puissances, revus au fur et à mesure de l’évolution du titre. Ce dernier est ainsi beaucoup plus fouillé qu’avant, et permet de spécialiser l’Union soviétique, que l’on suive la voie historique ou non, ce que je détaillerai un peu plus bas.
Une fois les réserves précédentes évoquées, notons aussi que jouer avec la Pologne a un réel intérêt vidéoludique et les nouvelles priorités permettent de l’orienter vers la voie historique, vers le communisme ou une alliance avec l’Allemagne, au prix de devenir un satellite. Le sort de la ville de Dantzig est aussi bien plus présent qu’avant, ce qui est intéressant. J’ai exploré ces différentes possibilités qui renouvellent réellement l’expérience de jeu malgré l’arbre polonais précédent déjà intéressant.
Je passerai quand même sur la possibilité de recréer la République des Deux Nations avec la Lituanie, qui est tout simplement trop anachronique. Certes, il s’agit d’un jeu vidéo, mais cela ne correspond pas à l’époque dans laquelle il se place. C’est toute la difficulté des titres s’ancrant dans une période historique et la frontière est ténue entre l’uchronie plausible ou non. De la même manière, unifier les États baltes n’a pas de réelle base historique, mais offre un certain intérêt en termes de jeu, notamment pour créer une puissance correcte entre Allemagne et URSS, qui devra faire ses propres choix.
D’ailleurs, on se prend au final à parcourir les arbres de ces trois petits pays avec un grand plaisir. Jeu ou pas, on apprécie réellement les efforts de contextualisation réalisés par les équipes, qui donnent vraiment envie de mieux connaître la vraie histoire de ces peuples assez méconnus en Europe occidentale. Par contre, on se demande pourquoi le studio a choisi de les développer plutôt que la Suède ou la Finlande, voire la Norvège, qui auraient offert de plus grandes possibilités vidéoludiques. Peut-être pour une prochaine extension consacrée à la Scandinavie ?
Mécaniques soviétiques
Ceci posé, revenons plus largement sur l’URSS, plus développée dans cette extension que les autres pays déjà cités. En effet, les arbres de priorité ne sont pas les seuls éléments revus et corrigés. S’ils permettent de consolider la voie historique ou de développer des voies alternatives (retour de Trotsky…)…. Via le système de décisions, il est désormais possible de dépenser des points de pouvoir politique pour faire fonctionner la machine à propagande soviétique. Il ne s’agit ni plus ni moins de bonus dans un domaine donné, ce qui est bien utile pour améliorer ponctuellement une branche de la production industrielle, ou ferroviaire. Toutefois, cela rejoint des remarques que j’avais déjà pu faire à propos d’autres DLC voire d’autres jeux du studio : si un pays possède de tels avantages, pourquoi ne pas les accorder aux autres, sous peine de déséquilibres ? Prendre garde de ne pas transformer les extensions en machine à bonus semble important pour maintenir le bon équilibre du jeu.
On notera également une mécanique qui n’est pas anodine et va forcément inquiéter les joueurs suivant la voie historique de l’Union Soviétique : la « paranoïa » de Staline. Ces guillemets que je rajoute signifient que ce lieu commun de l’histoire de l’URSS est aussi un cliché. Les historiens spécialistes du stalinisme comme Nicolas Werth ont bien montré que c’est tout le système qui fonctionnait ainsi, que Staline n’a pas agi seul, et qu’on ne peut simplifier l’histoire de ce régime totalitaire en recasant toutes ses exactions derrière l’étiquette de « paranoïa » stalinienne, bien trop simplificatrice. Ceci dit, il s’agit d’une valeur qui augmente ou diminue suivant les décisions prises par le joueur. Il conviendra de veiller à la garder la plus basse possible, sous peine de malus plus ou moins grands et durables. Si Staline est trop paranoïaque, la production est touchée, des têtes tombent, des points politique sont perdus. Cette paranoïa « disparaît » avec la fin des grandes purges, suivant les priorités suivies ou non par le joueur. Certes, cet aspect pimente un peu les parties mais n’est pas vraiment réaliste de cette façon. On a plus l’impression de parler d’une machine avec des valeurs qui augmentent et baissent que d’un humain, et le pouvoir politique est une fois de plus bien sollicité et ce de manière un peu étrange, presque « médicalisée ». Je trouve à titre personnel cet aspect assez passable, car peu plausible et réussi. On concèdera au studio qu’il est très difficile de modéliser cet aspect bien réel de l’histoire, mais très complexe, sans être trop simplificateur.
Des ajouts généraux de qualité
Enfin, troisième volet d’importance, des ajouts plus généraux qui touchent tous les pays du jeu. Ils se concentrent dans les domaines du ravitaillement, des blindés et du commandement. Désormais, le système de ravitaillement des troupes est bien plus étoffé. Munitions, matériels et autres vivres sont acheminés de manière plus lisible. Plus que la voie maritime, ce sont surtout les moyens de transports terrestres qui ont été revus. Les lignes de chemin de fer apparaissent clairement, ainsi que la possibilité d’utiliser des camions voire des animaux de trait dans certaines régions dépourvues de trains et/ou à proximité immédiate du front. De plus, les nœuds et centres logistiques sont visibles sur la carte et doivent être manuellement renforcés et développés si besoin est. Cela force à bien planifier sa logistique en amont des plus grandes opérations militaires, sous peine de voir ses troupes être dépourvues de moyens de combattre. Des mois voire des années peuvent être nécessaires pour certaines opérations et la planification devra se faire en accord avec les priorités des arbres nationaux.
D’ailleurs, les menus de construction, les événements, décisions et priorités nationales intègrent clairement ces nouveaux aspects, complémentaires de la notion d’infrastructure déjà existante. Je trouve cela assez exigeant et intéressant, mais construire des centres logistiques et des voies de chemin de fer est long, prenant et utilise de nombreuses usines civiles, déjà bien sollicitées par ailleurs. Il devient complexe de tout bien faire. Certes, certaines campagnes et opérations militaires ont historiquement été des casse-tête logistiques, comme l’invasion de la Grèce par les Italiens. De plus, jusqu’à la fin du conflit, certaines armées ont fortement manqué de matériel ferroviaire et de camions. Seule l’armée américaine, et en moindre mesure celles du Commonwealth, a eu un niveau de motorisation optimal. Cela n’est donc pas irréaliste. J’ajouterai que, pour rester dans le domaine des moteurs, les blindés bénéficient d’un outil de conception, comme les navires depuis Man the Guns. On peut choisir leurs caractéristiques (canon, blindage, radio…) de manière assez fouillée. J’ai peu exploré cet aspect que je ne trouve personnellement pas adapté à l’échelle du jeu. Le micromanagement devient trop grand à mon sens.
L’autre ajout plus global de grand intérêt est la refonte des doctrines militaires et du corps des officiers. Il y a désormais bien plus de postes disponibles dans l’état-major, et des traits caractéristiques peuvent être choisis pour spécialiser ses armées de terre, de mer et de l’air, contre points, notamment d’expérience. Il s’agit essentiellement de nouveaux bonus dans un domaine donné (cavalerie, offensive, défensive…), qui permettent de spécialiser toujours plus ses armées et ses parties. On espère de nouvelles possibilités sur ce modèle dans les aspects plus civils du jeu (industrie, ministre, recherche…) dans les années à venir, tant l’intérêt est réel. Les lois pourraient être étoffées suivant les pays, adaptées aux réalités historiques, les gouvernements et ministres au type de régime etc. Il n’en reste pas moins que ces ajouts nous occupent déjà bien et sont dans ce domaine pertinents. En effet, ils s’appliquent à tous les pays, pas à certains seulement, ce qui maintient un certain équilibre dans les bonus.
Derniers mots
En guise de bilan, je dirai que cette extension est un bon contenu. Elle permet des parties variées avec les puissances d’Europe de l’est qui n’avaient pas encore été revues, et la refonte de l’URSS est vraiment plaisante malgré certains points plus discutables. L’accent mis sur des puissances assez faibles en termes de moyens militaires n’est pas inopérant et permet de découvrir des aspects que l’on n’aurait autrement pas forcément abordés en jouant. Quant à lui, le système de ravitaillement est plus lisible qu’avant. Toutefois, développer les chemins de fer, les centres de ravitaillement, les ports est très long et mobilise beaucoup d’usines, déjà bien utilisées.
On pourrait en dire autant du nouveau système de commandement et des décisions, très gourmands en points politiques. Le jeu tire un peu sur la corde et il devient très difficile de tout développer, surtout pour les moyennes et faibles puissances, à la base industrielle peu large. L’introduction de nouvelles valeurs ou certains rééquilibrages pourraient être envisagés dans le futur. On notera aussi l’absence de refonte de l’Italie, qui accuse vraiment le poids des années. Cela prouve sans doute qu’il y a la matière pour de futures extensions, également avec la Scandinavie que j’évoquais et pourquoi pas certains pays d’Amérique du sud comme le Brésil, qui combattit avec les Alliés, voire l’intéressant Iran.
Essai avec la Pologne
Autre essai avec la Pologne
Les pays Baltes
Le Mandchoukouo

Pour plus d’informations sur Hearts Of Iron IV: No Step Back, voyez cette page sur Steam. Concernant Hearts of Iron IV, ne manquez pas notre dossier Sur le front des DLC de Hearts of Iron IV, classement général des extensions du jeu. Puis voyez cette page chez l’éditeur ou celle-ci sur Steam. Ou encore les notes de développement sur le wiki officiel.












































