Tels les Alliés en Normandie un fameux été 1944, la série Hearts of Iron vient de débarquer en ce 6 juin sur nos écrans après une longue absence. Faisant suite à un troisième épisode qui n’a pas fait l’unanimité parmi les joueurs, le petit dernier entend repartir du bon pied et proposer des changements radicaux. S’il s’agit toujours de prendre la tête d’un pays et de le mener à travers la Seconde Guerre mondiale dans tous ses aspects : diplomatie, production de guerre, combats à l’échelle opérationnelle et stratégique… voyons dans ce test comment y parvenir désormais. Le sujet est si vaste que je devrais y revenir dans les semaines qui vont suivre.
L’environnement graphique et sonore
Avant toute chose, parlons rapidement du rendu visuel et sonore du jeu. Il est basé sur le Clausewitz engine, moteur utilisé par les jeux du studio de Paradox depuis quelques années. Il promet donc une belle qualité visuelle et des détails bien modélisés. Si ce n’est pas l’élément essentiel de ce genre de jeu, il est tout de même intéressant de voir le chemin parcouru depuis le premier Hearts of Iron sorti en 2002.
De plus, le jeu est très fluide, à l’exception peut-être de certaines situations de fins de partie et fonction comme toujours de votre configuration. Le moteur semble bien optimisé, un cycle jour-nuit est présent, les modèles d’unités sont jolis à regarder et changent selon les pays. On regrettera évidemment que cela ouvre la porte à de nombreux DLC « cosmétiques » déjà dans les cartons.
Je trouve toutefois que les filtres de carte, qui permettent d’afficher le ravitaillement, la topographie, les zones en rébellion… sont moins nombreux qu’avant et je reste assez peu convaincu par celui qui est proposé par défaut. Vous le verrez sur les captures d’écran : il ne permet pas d’afficher très clairement le terrain et les pays apparaissent au travers de celui-ci, suivant un code de couleurs. Bref, ni totalement l’un ni totalement l’autre. Cela reste de l’appréciation de chacun mais autant s’y faire car vous risquez d’y être confronté une bonne partie du temps.
Quant à la musique et au effets sonores, assez peu à redire. Les pistes sont signées par Andreas Waldetoft, compositeur attitré du studio depuis longtemps. Comme d’habitude, elles collent bien au thème et remplissent leur office, sans trop retenir l’attention pour être honnête. J’aimais personnellement plus celles qu’il avait faites pour le 2e volet, qui se démarquaient mieux à mon sens, mais c’est sûrement la nostalgie qui parle. En tout cas, le jeu reste très plaisant à regarder et à écouter (jugez-en avec cet extrait), et c’est bien là le principal.
Une production totalement repensée
Attaquons maintenant l’un des « gros morceaux », la production. C’est l’un des plus importants points forts du jeu à mon sens et qui a fait l’objet d’un soin particulier.
Souvenez-nous, jusque-là les états disposaient d’un certain nombre de points de production, modifiés par la technologie, certains ministres etc. Ils pouvaient les investir dans de nombreuses actions, comme produire des unités, des usines, des bases aériennes etc. Par exemple une unité d’infanterie « de base » mobilisait 5 PP pendant tant de mois, et une fois terminée on pouvait les réutiliser ailleurs. Cela avait le mérite d’être simple, mais ne reflétait que peu les spécificités de chaque pays.
C’en est désormais fini de ce système, et chaque nation dispose maintenant d’un certain nombre d’usines civiles, militaires et de chantiers navals, suivant son caractère propre. Ainsi l’URSS aura un nombre important d’usines, mais peu de chantiers navals, contrairement au Royaume-Uni, dont la tradition maritime n’a pas besoin d’être rappelée. Les premières permettent de produire d’autres usines, des bases aériennes, des infrastructures… Mais leur disponibilité est limitée par le commerce de ressources et la demande en biens de consommation, plus ou moins importante suivant les régimes et politiques en vigueur dans le pays. Les chantiers navals, eux, permettent de produire des navires (logique !), et les usines militaires des équipements pour l’armée de terre (chars, avions, artillerie etc).
Or, j’ai bien dit équipements et pas unités ! Il existe en effet désormais un autre volet pour recruter ses troupes, qui vont s’entraîner un certain temps une fois qu’elles auront l’équipement nécessaire. En fait, les usines vont produire ce dont elles vont se servir, puis améliorer ce matériel lorsque vos avancées technologiques vont le permettre.
C’est infiniment plus réaliste qu’avant, permet de voir en priorité quels matériels construire (le nombre manquant est affiché en-dessous de la production) ou améliorer, de décider lesquels stocker en prévision de l’entraînement de futures unités, etc. De plus, on peut même envoyer ses armes obsolètes à des alliés ou d’autres pays en guerre pour les aider, car elles restent dans vos stocks même après que vous en ayez arrêté la production. Avec l’expérience engrangée au combat, il est même possible de changer le schéma de ses unités, suivant ce qu’on aura produit ou voudra produire comme matériel.







Comme vous le devinez, on a donc un contrôle important sur sa production et la manière dont ont l’emploi. Toutefois, comme avant, tout ceci nécessite des ressources (pétrole, acier…), heureusement assez facilement trouvables par le biais de décisions et du commerce. Reportez-vous aux captures d’écran pour visualiser de manière parlante ce dont il s’agit et passons à la suite.
De l’art de planifier les opérations militaires
L’autre grande nouveauté concerne les opérations militaires et a été pensée dans le but d’éliminer une bonne partie de la micro-gestion des précédents volets. En effet, il fallait planifier manuellement chaque attaque, choisir l’heure, la province-cible, le type de missions… Le tout pour les forces terrestres, navales et aériennes. Si des améliorations avaient peu à peu vu le jour, cela restait très long, obligeait à recourir très souvent à la pause et noyait le joueur sous les info-bulles prévenant d’attaques et de défenses.
Désormais, si les missions navales changent assez peu, les volets aérien et terrestre subissent des modifications radicales. Ainsi, s’il est toujours possible de déplacer manuellement ses unités, d’une province à l’autre, on les regroupe désormais en grandes, voire très grandes formations. Ainsi, les unités aériennes opèrent sur des grandes zones depuis leurs bases : « Ouest de la Pologne, Balkans du Nord, Région Alpine » etc. En quelques clics on paramètre leurs actions et leur éventuel retrait, et le système fonctionne bien.
Côté terrestre, on crée donc un regroupement d’unités comme je l’ai dit, et on lui attribue une ligne de front. Aussitôt elles se répartissent équitablement tout au long, sans qu’on ait besoin de le faire soi-même. Ensuite, dès le temps de paix, on peut planifier leurs futurs ordres : tenter d’avancer jusqu’à telle ligne qu’on va dessiner, de reculer le long de tel fleuve, garder telle zone…
Cela se fait en quelques clics, très simplement, et malgré quelques erreurs au début ces plans de batailles représentent un gain d’efficacité incroyable. Non seulement car ils reflètent les travaux des états-majors prévoyant une offensive ou un repli le long d’une ligne de front, mais aussi car ils permettent de se concentrer sur autre chose.
Je veux dire par là qu’une fois l’ordre déclenché, les unités vont de débrouiller seules pour remplir l’objectif, jusqu’à ce qu’on les arrête ou qu’on le modifie. On peut même en distraire une partie de la force principale pour les diriger vers un autre endroit etc. C’est très bien pensé, mais fait disparaître une partie du charme précédent. C’est-à-dire que, si le front est vaste, on aura tendance à ne faire qu’une gigantesque formation et lui assigner un objectif général.
Sous peine sinon de retomber justement dans la micro-gestion d’avant en multipliant les « sous » lignes de front parfois délicates à tracer à la souris, les objectifs, les unités, qu’il faut continuer à surveiller sous peine de mauvaises surprises… De plus, on assigne à ces formations un unique commandant, vaguement baptisé « général » jusqu’à 24 divisions et « maréchal » au-delà, de 24 à 200 et plus si vous le voulez !
Ainsi, finis les quartiers généraux à l’arrière avec le maréchal, les généraux les plus doués en pointe, à la tête de quelques brillantes unités, et des corps d’armée plus ou moins vastes suivant le lieu et le moment entre les deux. Bref, plus aucune chaîne de commandement, et une difficulté accrue à rassembler les mêmes types d’unités entre eux, par exemple pour créer une armée blindée. Ce n’est pas impossible mais avec ce système la tendance à la noyade dans le plus vaste est réelle, surtout quand les lignes de front sont les mêmes pour plusieurs formations : on a très vite fait de cliquer un peu vite, ce qui a pour effet automatique de fusionner les formations entre elles.
Bref, du bon, certes, mais le système de plans de batailles ne m’a pas totalement convaincu et, à l’affichage, devient vite très fouillis pour être honnête (voir capture d’écran), même sans trop zoomer. De plus, en cas d’attaque à plusieurs pays, les zones contrôlées peuvent se chevaucher très étrangement. A voir comment cela évoluera.
Gouvernement, technologies et priorités nationales
Enfin, la gestion au quotidien du pays a elle aussi été revue. Ainsi, s’il reste des ministres comme auparavant (qui accordent des bonus), on les nomme désormais par le biais d’une nouvelle valeur qui s’engrange avec le temps, le poids politique. Elle dépend des pays, de certains choix et ministres. Par exemple la France a une pénalité d’entrée de jeu, ce qui reflète sa vie politique très désordonnée à l’époque : la IIIe, puis la IVe, République est connue pour son instabilité gouvernementale de l’entre-deux-guerres !
Cette valeur sert aussi, plutôt que le curseur modifiable tous les ans dans le 2e volet de la série, à changer ses politiques nationales. En passant par exemple d’une économie de temps de paix à celle de guerre, en élargissant la conscription pour avoir plus de recrues mobilisables etc. Cela permet de choisir également des équipes techniques pour favoriser tel ou tel point de technologie. Celle-ci n’a donc plus d’équipes, avec des points forts et faibles, travaillant sur des projets mais on les retrouve par ce système.
Exemple : vous jouez l’Italie et voulez augmenter la vitesse de vos recherches en armes légères ? Nommez Beretta au poste concerné et ainsi de suite. La gestion est facilitée, d’autant plus que les arbres technologiques sont bien plus (trop ?) rationnels que le capharnaüm, à mon sens, de Hearts of Iron III.
On garde donc des grandes entreprises et des personnages-clé des pays, ce qui est l’essentiel, et ce système permet vraiment d’orienter la recherche et la production de son pays suivant ses affinités. Là encore, le travail aurait tout de même pu être plus soigné : il est possible de nommer Kerenski au gouvernement en jouant l’URSS, pour l’amener à plus de démocratie. Je veux bien, cela permet d’engager son pays sur d’autres voies et varie le plaisir de jeu.
On peut par exemple transformer les États-Unis en pays communiste à la longue. Certes. Mais il faut savoir ce que l’on cherche alors en termes de réalisme, car cela semble assez impossible historiquement parlant. D’ailleurs, dans l’exemple que je cite, ledit Kerenski, ancien chef du gouvernement provisoire exilé depuis 1917, n’aurait jamais pu remettre les pieds dans son pays. Bon, certaines purges de Staline, modélisées dans le jeu, retirent d’autres chefs et responsables politiques, donc à chacun de voir midi à sa porte. De plus, je redis un peu plus bas l’intérêt d’un système qui n’est pas figé.
En effet, ne boudons pas notre plaisir pour le dernier point de grande importance dont j’aimerais dire quelques mots : les priorités nationales. Ce sont des priorités d’aménagement du pays décidées par le joueur, à mi-chemin entre les évènements dirigistes de Hearts of iron II et les décisions de Darkest Hour, basé sur son modèle.
Standardisées pour la plupart des nations secondaires de la période, elles sont différentes pour les grands pays jouables comme l’Allemagne, l’URSS, la France ou le Japon. C’est à travers elles qu’on décidera le réarmement, de construire la ligne Maginot ou s’en détourner, de réaliser le pacte germano-soviétique, de lancer Pearl Harbor etc. Certaines ne sont disponibles qu’avec une montée des tensions mondiales, et d’autres s’excluent entre elles. C’est-à-dire qu’il faut choisir entre deux voies, on ne peut les réaliser toutes.
Le système marche bien et permet d’accéder à ses fins, et même de choisir des voies alternatives pour son pays. L’Italie peut par exemple rester en dehors de l’alliance allemande et créer la sienne, l’URSS peut décider d’attaquer le Japon plus tôt, le même Japon de se détourner du Pacifique pour se concentrer sur la Chine voire la Sibérie etc. Cela offre une très bonne rejouabilité et permet de tester des voies différentes ou faire des choix qui ont été historiquement évoqués mais écartés, comme prolonger la ligne Maginot jusqu’à la mer du Nord.
Hélas trop peu de pays ont leur voie propre et on aimerait que ce système soit étendu à des nations « secondaires » mais intéressantes à jouer comme les pays du Commonwealth. Je nuancerai en disant que la Pologne possède son propre arbre (voir ce dev diary, ou sa traduction sur Mundus Bellicus), sous forme d’un DLC qui finalement a pu être terminé et donc offert à tous les acheteurs du jeu au moment de sa sortie. Grâce à ce contenu supplémentaire il est ainsi possible avec la Pologne de se rapprocher de l’URSS ou de faire d’autres choix intéressants ! A vos claviers.















Liens utiles : www.heartsofiron4.com ; wiki officiel ; fiche sur Steam.
Points positifs
- La production et les combats, bien plus réalistes qu’avant.
- La réalisation, très soignée.
- Le contenu. Le jeu est riche et a une bonne rejouabilité.
Points négatifs
- Seulement deux scénarios disponibles.
- Seuls les grands états ont leurs propres arbres de priorités nationales.
- Je ne suis pas tout à fait convaincu par le système de commandement.
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