Troisième DLC majeur d’un jeu réussi Waking the Tiger vient d’offrir de nouvelles possibilités aux joueurs de Hearts of Iron IV. Si le contenu supplémentaire est surtout centré sur l’Extrême-Orient, et en cela le studio poursuit une politique engagée sur ses deux autres séries principales, d’autres fonctionnalités plus générales sont également de la partie. Enfin, un important patch 1.5 nommé « Cornflakes » apporte aussi son lot de nouveautés dont on reparlera ultérieurement. Passons en revue ce qu’on nous propose.
Des parties avec la Chine et le Japon repensées
C’est le cœur de cible de l’extension : les parties avec de nombreux États de l’Orient lointain ont été totalement repensées. Commençons par la Chine. Alors que débute la période couverte le jeu, en 1936, celle-ci est très divisée et ce depuis la chute de l’Empire séculaire en 1911. Un gouvernement central nationaliste dirigé par Tchang Kaï-chek en dirige une bonne partie depuis Nankin, mais des pans entiers de l’ancien Empire du milieu lui échappent, tombés dans les mains de « seigneurs de la guerre » qui se sont taillés de vraies principautés nommées « cliques » parfois très vastes.
De plus, réfugiés dans les montagnes du nord du pays après avoir subi une série de défaites dans le sud, les communistes de Mao attendent leur heure sans avoir été totalement vaincus.
Le Japon quant à lui, expansionniste depuis la fin du 19e siècle, a profité du chaos ambiant pour s’étendre dans les parties septentrionales, après avoir conquis Taiwan en 1895. S’emparant de la Mandchourie en 1931 où le dernier empereur de Chine Pu Yi est installé comme fantoche, le régime de Tokyo s’est installé très près de Beijing par la suite et a trouvé un nouveau prétexte pour envahir le pays en 1937. (pour en savoir plus, voyez cet article). S’ensuit conflit meurtrier jusqu’en 1945, avant que la guerre civile ne se rallume et ne dure jusqu’en 1949, avec la victoire finale des communistes.
Or, cette situation passablement compliquée est désormais bien mieux rendue en termes de jeu qu’avant où, de manière assez caricaturale, la Chine nationaliste annexait simplement les territoires des « seigneurs de la guerre » après l’attaque japonaise et survivait souvent peu à l’assaut. Désormais, avec des arbres de priorités nationales (« focus tree ») repensés, le joueur a plus de possibilités et doit « la jouer fine » pour réussir à l’emporter, le tout couplé au nouveau système de décisions et de missions dont je reparlerais plus loin.
En effet, l’intégration des seigneurs et de leurs États est toujours possible, mais plus lente et réaliste et alors que le front principal face aux Japonais est très pressant il faudra faire des choix cornéliens. Heureusement, de nombreuses options et focus permettent d’améliorer ses troupes face à ceux-ci, ce qui rend le combat de plus en plus égal entre les deux adversaires. Passé le choix initial, le joueur pourra tenir face à l’envahisseur.
On pourra aussi vouloir incarner un « seigneur de la guerre », ou encore la Chine communiste dont la position est extrêmement précaire en début de partie mais qui peut jouer sur plusieurs tableaux… Pourquoi ne pas s’allier formellement avec les nationalistes contre l’ennemi commun nippon, mais rester en retrait et s’emparer de certaines zones en profitant du fait que tout le monde a les yeux ailleurs? Ou encore infiltrer les régions voisines via le nouveau système de conflits frontaliers très bien pensé ? Via des événements, il permet de simuler des affrontements limités autour de zones à la souveraineté disputée à l’époque. Ces combats engagent quelques divisions seulement et les deux pays ne rentrent pas officiellement en guerre. Suivant le résultat de la bataille, diverses options sont débloquées.
C’est très bien vu et permet de modéliser des affrontements assez importants comme la bataille du lac Khassan, tentative d’infiltration du territoire soviétique par les Japonais en 1938, qui se solda par leur échec. Ou encore les multiples accrochages entre cliques chinoises aux contours mal définis. Auparavant, telle échelle n’était pas visible dans le jeu et c’est une nouveauté certes circonscrite à quelles zones et périodes du jeu, mais vraiment originale je trouve.
Voilà l’essentiel pour les diverses factions chinoises : elles ont leurs mécaniques propres, des arbres repensés pour les plus importantes, des événements et diverses possibilités offertes pour l’emporter face à leur adversaire le plus pressant. Or, plus d’une fois j’ai vu l’Empire du soleil levant avoir du mal à triompher des forces chinoises, ce qu’il ne sut d’ailleurs faire dans la réalité historique, et j’ai moi-même eu un peu de mal dans mes parties… Il faut dire que l’attaque de 1937 arrive très tôt dans le jeu : l’armée de terre impériale n’est pas si nombreuse que cela et les nouvelles mécaniques de jeu pour les Chinois rendent le défi très intéressant.
N’oublions toutefois pas que le pays de Hirohito bénéficie lui aussi d’ajouts : un arbre de priorité également revu, qui permet peu à peu d’intensifier le conflit en Chine, comme des événements et décisions pour augmenter la combativité de ses troupes. Toutefois le pays à conquérir est immense, votre main d’œuvre moindre et si vous voulez tenter la guerre du Pacifique, vous risquez de vous retrouver dans la situation historique, avec des forces éparpillées sur plusieurs théâtres d’opérations. Dans l’une des parties, j’ai donc choisi de ne pas ouvrir le conflit avec l’Amérique de Roosevelt et de me concentrer sur le continent. Jouant avec ma supériorité aérienne et navale, j’ai pu étendre le front avec de nombreux débarquements et réussir à l’emporter, mais difficilement (le faible niveau d’infrastructure n’aidant pas), en 1944 seulement ! Voyez les captures d’écran pour plus de détails.
Des ajouts généraux intéressants
Si l’on a vu la partie centrale du DLC, on notera tout de même de solides nouveautés pour le reste du jeu, disponibles avec n’importe lequel des pays joués. Tout d’abord il convient de revenir sur les décisions et missions que j’ai évoquées plus haut. En fait, celles-ci sont une autre manière de dépenser son pouvoir politique, utile en milieu et fin de partie où il devient moins important pour le reste. Mais que sont ces décisions et missions ? En fait, cela recouvre des choses très différentes, regroupées dans un nouvel onglet bien pensé. On y retrouve des projets de prospection minière, pour augmenter son extraction de ressources dans certaines provinces, des décisions politiques et militaires.
Par exemple des campagnes de propagande contre l’adversaire pour obtenir des bonus, le recours aux femmes dans les usines pour augmenter la main d’œuvre disponible, mais aussi certaines actions liées à des conflits en cours. Pour reprendre l’exemple de la guerre sino-japonaise, les deux camps peuvent effectuer certaines actions pour augmenter leur efficacité contre les troupes ennemies. C’est aussi via cet onglet que les cliques peuvent être annexées progressivement, ou que les communistes peuvent lancer des raids et infiltrer les régions voisines. C’est aussi là que l’on décide des autres conflits frontaliers.
Bref, un menu où l’on passera un certain temps désormais et qui permet une spécialisation accrue de son pays en temps de guerre. On peut par exemple, toujours avec le Japon, décider de favoriser la marine ou l’armée de terre via plusieurs choix possibles. Cela se rapproche de certaines fonctionnalités des autres jeux Paradox et fonctionne très bien, car complète avantageusement le système de focus. Le jeu n’est plus aussi rigide que les précédents de la série et a atteint un bon équilibre désormais, entre liberté du joueur et trame historique. On espère bien entendu plus de variété de décisions et missions dans l’avenir, ainsi que plus de lois internes pour spécialiser davantage son pays.
Autre point important : les généraux sont désormais beaucoup moins « passe-partout » qu’avant. C’est-à-dire que leur spécialisation est affinée et ce suivant un arbre de compétences qu’on débloque au fur et à mesure et, enfin, ils ne perdent plus les traits acquis lorsqu’ils sont promus. Certaines compétences sont vraiment très utiles et peuvent donner lieu à des actions en pleine bataille (artillerie de siège contre une forteresse par exemple), contre l’utilisation de points d’une nouvelle valeur, le pouvoir de commandement (Command Power). Illustré par un téléphone rouge, cet indice permet, outre ce qui a été dit plus haut, aussi d’envoyer des attachés militaires dans des pays en guerre, contre des bonus pour le pays émetteur mais aussi celui qui reçoit. Cela peut aider à préparer plus facilement une guerre et rappelle bien le caractère de test de certains conflits comme la guerre d’Espagne où beaucoup de matériels furent éprouvés sur le terrain, mais qui vit aussi l’envoi de nombreux officiers de plusieurs États tiers comme observateurs. On songe aussi aux généraux allemands présents en Chine, comme Von Falkenhausen, conseiller militaire de Tchang Kaï-chek pendant un certain temps.
On notera également deux nouveaux arbres a-historiques pour le Japon et l’Allemagne. Le premier peut devenir communiste, ou un pays pacifiste (mais quelle est l’utilité dans un jeu comme Hearts of Iron ?) et la seconde rejeter Hitler et, après cela, emprunter différentes voies. On donne là dans l’uchronie la plus totale et tout le monde n’appréciera pas, mais, heureusement, cocher la bonne case en début de partie permet d’amener l’IA à suivre les choix historiques. Quant au joueur, il est libre de ses actions et l’impact sur les parties est donc à sa discrétion. Autre nouveauté assez bien pensée : l’acclimatation. C’est-à-dire que vos troupes, après un certain temps passé en zone froide, ou dans le désert, vont peu à peu s’habituer à ces conditions extrêmes et avoir des bonus de combat, donnée à ne pas négliger si l’on est attentif à une bonne planification.
Enfin, Waking the Tiger amène de nouveaux modèles graphiques liés à l’adaptation aux conditions climatiques que je viens de décrire, mais aussi pour les États cités plus haut. A côté de cela, quelques musiques supplémentaires à la tonalité orientalisante très sympathique, viennent compléter utilement une bande-son entraînante mais qui reste limitée vu le temps que l’on passe sur les parties. Notons que l’on peut de toute façon la couper et la gérer très facilement depuis le patch 1.3 « Torch ».


























