Old World : un 4X qui fait des merveilles

Old World reçoit en ce début 2024 un quatrième DLC, Wonders and Dynasties. L’occasion de rappeler l’existence de ce 4X exceptionnel, signé Soren Johnson, l’un des pères de Civilization IV, qui régale depuis trois ans les amateurs du genre.

Que possède ce jeu pour susciter de telles éloges ? Un soupçon d’innovation, une pincée d’audace, une belle louche de personnalisation, le tout mélangé avec passion dans un appareil de grande maîtrise. En somme, Old World (ex 10 Crowns) possède tous les ingrédients pour devenir un classique et va jusqu’à faire -enfin- évoluer un genre qui manque de renouveau. Entrons plus en détail sur les différentes facettes qui font de lui un 4X cinq étoiles.

Un 4X dont vous êtes le héros

De la nation…

Contrairement aux standards du genre, Old World ne fait pas voyager le joueur et sa civilisation de l’age de pierre vers le futur mais le cantonne à une ère ancienne, sur une courte période de 200 ans. Vous ne dirigez pas non plus une civilisation fictive, mais une nation historique parmi les huit disponibles, possédant chacune des avantages permanents, des technologies de départs et des unités uniques différents. Ainsi, Rome sera plus enclin au bellicisme là où Babylone sera plus porté sur la science. Ce que l’on perd à première vue en personnalisation par rapport à la concurrence, on le gagne dans une moindre mesure en cohérence.

Old World - Mohawk Games

 

Old World - Mohawk Games

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… jusqu’à ses habitants

Seulement, Old World contre-attaque et offre un moyen ingénieux pour devenir le 4x le plus intime existant. Inspiré par Crusader Kings, le jeu intègre une gestion plus personnelle du dirigeant et des relations avec votre cour et vos adversaires. Possédant une identité et un caractère (évolutif), vous allez vieillir, vivre des aventures et avoir peut-être des enfants (vos futurs héritiers ?). Vous prendrez aussi régulièrement des décisions, parfois difficiles, qui impacteront votre royaume et votre vie privée. Puis vous allez mourir, pour finalement jouer l’héritier choisi, qui essayera de reprendre le flambeau avant de mourir à son tour. Ainsi de suite, génération après génération, vous construirez votre dynastie et son histoire.

Et ce pan de Old World est une franche réussite. Il nous absorbe, portés par sa bande originale envoûtante, dans la vie romanesque de ces personnages auxquels on finit par s’attacher. Au point parfois de ressentir de la tristesse lorsqu’une maladie incurable vient frapper l’un d’eux…

Confiez vos enfants à des tuteurs spécialisés pour en faire de futurs dirigeants formatés, organisez des mariages d’intérêt, offrez des cadeaux et des places au gouvernement aux familles et célébrités souhaitées pour que votre civilisation suive un cap bien défini. Les possibilités sont nombreuses, pourquoi ne pas vous débarrasser de ce personnage hostile, voire du dirigeant d’un adversaire pour mettre sur le trône un héritier plus coopératif ? Ponctué d’évènements réguliers et variés (plus de 3000 !) qui dynamisent les parties, ce système complet et intuitif est une réelle addition au genre. C’est également un levier supplémentaire sur le plan stratégique, qui perfectionne le côté 4x du titre au lieu de le supplanter, car chaque choix aura ses conséquences.

Un 4X qui ne manque pas de ressources

Loin des simulateurs Excel intimidants, Old World réussit avec brio à trouver un équilibre entre complexité, profondeur et accessibilité.

Un modèle économique cohérent

Commençons par parler des ressources, pierre angulaire du genre. Celles-ci sont divisées en trois catégories :

  • Les matières premières (nourriture, pierre, argent, fer et bois) servent au développement « matériel » de votre civilisation et de monnaie d’échange (don, commerce…).
  • Science, entraînement et civisme sont utilisés pour la recherche technologique, l’entraînement militaire, le lancement de projets… Les produits de luxe vont quant à eux servir de monnaie d’influence.
  • Enfin, le développement de chaque ville dépend de la croissance, la culture et le mécontentement, trois « ressources » internes.

Selon votre environnement, la nation jouée et la stratégie en tête, vos besoins en ressources diffèrent et votre modèle économique aussi. Old World minimise autant que peut se faire les ordres de construction (build order) au profit d’un système de jeu plus situationnel, obligeant le joueur à faire des pauses pour réfléchir au lieu de répéter inlassablement un processus appris.

Les ressources sont obtenues par la construction de structures, le recrutement de spécialistes, ainsi que par votre travail de dirigeant (vos choix lors des évènements, les personnes sélectionnées pour gouverner, les accords commerciaux mis en place…) avec une attention particulière à porter sur le lieu où vous allez construire, recruter ou agir. Outre le potentiel de chaque hexagone et les possibles synergies de placement, le choix de la ville est primordial.

En effet, si la majorité des ressources finissent dans un compte courant au nom de votre Empire, la capacité d’une ville à croître et produire des unités ou améliorations dépend de ce qui se trouve à l’intérieur de ses frontières. Vous pouvez ainsi décider de créer des cités générales ou à l’inverse, de les spécialiser dans un domaine pour optimiser un type de production.

Des sous-systèmes qui s’imbriquent de façon complexe

Old World ajoute à la formule 4X une ressource supplémentaire, les ordres. Générés à chaque tour en quantité limitée, ils représentent le nombre d’actions que vous pouvez effectuer. Contrairement aux autres 4X qui vous autorisent à déplacer et agir avec chaque unité, Old World vous limite et impose de faire des choix, avec en contrepartie la possibilité de déplacer une même unité à plusieurs reprises avant qu’elle soit stoppée par la fatigue. Fini les tours interminables, les joueurs sont sous tension et doivent prioriser leurs actions.

Le système d’ordres est un élément clé du jeu, surtout en début de partie quand votre quota est faible, ou lors d’une guerre quand vos besoins sont élevés. Utilisez-les à bon escient mais ne les gâchez pas, le surplus est automatiquement revendu contre de l’or à la fin de chaque tour. La quantité d’ordres à disposition est fluctuante, augmentant avec la croissance de votre Empire et la mise en place de structures et projets précis, mais indexée à votre légitimité en tant que souverain. N’hésitez donc pas à abdiquer le trône si votre royaume en dépend.

Old World intègre également un système de religions et théologies complexe, affectant entres autres le bonheur de la population, la production de ressources et ouvrant la possibilité de construire des merveilles religieuses (pour un gain de points de victoire). Pour ceux que ça intéresse, le DLC The Sacred and The Profane lui est dédié et vient approfondir le sujet.

Enfin, l’économie de votre Empire est aussi impactée par les lois que vous allez édicter. Quinze axes sont à débloquer, proposant chacun deux directions opposées qui vous aideront une fois de plus à préciser le cap choisi pour votre nation.

Un aparté sur l’arbre des technologies, qui n’est pas en développement libre. Pour chaque nouvelle recherche, quatre propositions vous sont faites aléatoirement, selon votre situation. Occasionnellement, un choix éphémère offrant ressources ou unité apparaîtra, intéressant en soi mais aussi pour relancer le tour suivant un tirage si aucune technologie ne vous intéresse. Ce système initialement déroutant ajoute de la variété aux parties, mais évite surtout le côté machinal et redondant de ce pan du jeu où le joueur trouve vite un chemin optimal qu’il répètera.

Malgré une structure complexe à peine survolée dans cet article, où les différents systèmes interagissent entre eux, le joueur prend vite ses marques. Aidé par les informations détaillées qui foisonnent, il peut à loisir dérouler ces dernières pour comprendre le moindre aspect du jeu. Bien entendu, il faudra une à deux parties pour être à l’aise, comme tout jeu un minimum complexe, et bien plus pour maîtriser le titre, mais l’ensemble s’avère finalement peu intimidant. Plus rare, Old World autorise, en solo du moins, l’annulation des actions effectuées ce tour. Pratique en cas d’erreur de clic, mais aussi pour apprendre à jouer.

Old World - Mohawk GamesEn haut de l’écran, entourés de rouge ou de vert, les résultats nets de la ville pour chaque ressource. Sur le panneau à gauche, on retrouve les 58 possibilités pour le civisme (civics). Un chiffre capable de produire des spécialistes ou des projets en deux ou trois tours (ici des semestres).

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Une IA proactive et efficiente

Comme tout bon 4X, la diplomatie est présente dans Old World. Tribus et autres nations s’allient, se font la guerre et viennent à votre rencontre, créant un dynamisme à la fois agréable et globalement cohérent à la partie. Les échanges avec les autres dirigeants ou avec votre cour sont réguliers, diversifiés et impactant, donnant du corps et de l’intérêt à l’aspect politique souvent raté, sinon anecdotique, dans les jeux. Pour vous inspirer, un joli panel d’actions est à votre disposition, de l’influence à la calomnie en passant par l’espionnage ou le vol de technologies.

Une note positive sur l’IA, compétente et qui surtout ne lâche rien. Agressive, elle pousse le vice jusqu’à chasser les tribus barbares et s’installer sur les emplacements de villes pour ne pas vous en laisser l’occasion. Rôdant en permanence sur la carte, elle n’attend qu’une faiblesse de votre part pour vous attaquer, parfois même avec plusieurs nations à la fois. Ne pensez pas non plus conquérir une ville pour ensuite signer un armistice et faire comme si rien ne s’était passé. Vous aurez au mieux une trêve moyennant contribution, mais votre adversaire n’oubliera pas.

L’histoire d’un 4X qui se croyait wargame

Autre concept majeur, sans qui le genre 4X devrait être renommé, le système de combat. Il ne ressemble à aucun autre jeu de cette niche. Plus complet, plus complexe aussi, il est ici proche d’un wargame, loin de l’abstraction habituelle que l’on nous sert.

Une construction détaillée de votre armée

Dans Old World, vous construisez une armée, en nombre comme en types d’unités. Différents fantassins de mêlée, archers, cavaliers ou autres engins de siège, produits par dizaines pour venir à bout de vos adversaires ou pour les dissuader de vous déclarer la guerre. Des unités que vous placerez soigneusement, respectant leurs attributs respectifs, utilisant à bon escient les zones de contrôle (ZoC) et les différents types de terrain. Des unités que vous améliorerez aussi, à plusieurs reprises, pour les spécialiser. Enfin, vous leur attribuerez les généraux de votre choix (vous-même si vous le souhaitez, mais à vos risques et périls) pour obtenir des bonus supplémentaires.

Entre guerres et paix

Dans Old World, les guerres sont longues. Coûteuses aussi, et impactant nécessairement votre développement. Préparer et entretenir une guerre pendant des décennies est un processus effrayant, que je crois n’avoir jamais ressenti à ce point dans un autre jeu. Pendant que vous recrutez des unités ou utilisez vos ordres pour combattre, vous prenez du retard sur vos adversaires. Pire, si vous entrez en guerre avec une nation, vous allez nécessairement en ressortir affaibli pour plusieurs années, le temps de refaire une armée et de consolider vos nouvelles frontières. Quel meilleur moment pour se faire envahir par un autre adversaire, que celui où votre armée est dehors ou amoindrie ?

Ces raisons font de la guerre non pas une fin, tant la victoire militaire est difficile, mais un moyen. Pour gagner, il vous faudra chercher des points. Via la conquête bien sûr, mais surtout par le développement de vos villes, la construction de merveilles et la recherche scientifique. Contrairement à la concurrence, aucun des autres pans principaux n’apporte de victoire, seulement des points. Il existe cependant deux conditions octroyant une victoire immédiate. La première : avoir le double de points que le second joueur, signe d’une réelle domination et addition intéressante à ce genre qui traîne parfois sur la fin alors que le match est joué. La seconde, compléter dix ambitions, défis secondaires et aléatoires présents tout au long de la partie, plus faciles à expliquer qu’à réaliser.

Une personnalisation poussée des parties

Si Old World propose différents scénarios et un mode standard bien fichu, il vous est possible de configurer votre partie comme bon vous semble avec près de cinquante paramètres réglables. Outre les options habituelles ou très spécifiques, on notera la possibilité de désactiver les personnages et évènements pour épurer la formule, le défi cité unique ou la possibilité de raccourcir les parties de ce 4X pourtant déjà concis. Car oui, Old World est de base rapide à jouer, évitant au maximum -mais pas totalement- les temps morts inhérents au genre. Comptez une vingtaine d’heures pour votre première partie, puis jusqu’à deux fois moins ensuite.

Les amateurs de modding apprécieront l’ouverture complète du jeu aux modifications et son intégration du Workshop de Steam. On trouve à ce jour, en dehors de nombreux petits mods, de nouvelles conditions de victoires, des refontes des mécaniques, de nouvelles civilisations et même une conversion totale dans l’univers de Dune !

Des monts et merveilles qui ne sont pas que des promesses

Old World secoue le monde du 4X et s’attaque avec succès aux points faibles du genre tout en maîtrisant ses rouages. Influencé par Civilization et Crusader Kings, il a réussi à en extraire le meilleur des deux pour proposer une formule hybride dont il sera difficile de se passer dorénavant. Plus complexe que la majorité des autres 4X, il demande une phase d’apprentissage plus importante mais cette dernière se dissipe rapidement pour laisser place au plaisir de jeu.

 

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Quid du DLC Wonders & Dynasties ?

Un premier changement s’opère au lancement de la partie, avec le choix d’une nation mais aussi d’un dirigeant permettant de se spécialiser dès le premier tour. Ils sont 30 au total, répartis inégalement entre chaque nation. J’ai par exemple choisi Marius comme dirigeant de Rome, qui accélère de 30% le recrutement de l’infanterie via un bâtiment qui lui est propre, produits du civisme et offre un bonus de défense.

Wonders & Dynasties ajoute également huit nouvelles merveilles aux effets uniques. Sur la partie avec Rome, j’ai pu construire le Colisée qui génère gratuitement tous les cinq tours un spadassin, unité d’infanterie étonnamment puissante. J’ai aussi construit l’aqueduc de Jerwan, offrant des spécialistes fermiers gratuits, ainsi que le Gebel Barkal qui ajoute un temple à chaque cité. Malheureusement, la version bêta utilisée n’intégrait pas les modèles 3D, je ne peux donc pas vous les montrer construites.

Enfin, le DLC ajoute de nouveaux évènements et traits de caractères relatifs aux dynasties, ainsi que 120 personnages historiques aux effets uniques. Avec Jules César à vos côtés, vos unités seront d’office inébranlables et chaque ennemi tué rapportera de l’entraînement. Au final, Wonders & Dynasties est un ajout intéressant pour qui souhaite explorer davantage l’univers de Old World. Pour les nouveaux joueurs, le jeu de base propose une expérience complète et satisfaisante mais l’ajout des DLC ne présente pas de frein à l’initiation, certains préfèreront donc peut être commencer avec un titre plus étoffé.

Pour plus d’informations sur Old World – Wonders & Dynasties, qui émerveillera nos écrans à partir du 11 janvier prochain, voyez le communiqué suivant puis cette page sur Steam. Concernant Old World, voyez cette fiche sur Steam ou celle sur le site du studio.

Pour illustrer cet article, voici également ci-dessous une pléthore de très belles illustrations telles que le jeu en propose. B.

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  1. Cela fait longtemps que j’hésite sur celui-là – je ne suis pas très à l’aise sur les 4x – mais j’aime beaucoup l’histoire de dynastie. Merci pour cette critique enthousiaste mais était-ce utile d’y coller tous les artwork ???

    • Oui, je pense que c’est utile, cela montre très bien l’important travail d’illustration du jeu. Et beaucoup sont superbes en plus. Pour un jeu dans lequel on va potentiellement investir de très nombreuses heures de jeu, les artworks contribuent beaucoup au plaisir, à l’ambiance, l’immersion… Et ce n’est qu’une sélection, vu qu’il y en a pas mal d’autres encore.

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