Ageod nous livre son nouvel, opus consacré à la guerre de Sept ans (1756-1763), utilisant le moteur de jeu qui a fait le succès des titres précédents comme Birth of AmericaNapoleon’s Campaigns ou American Civil War. Comme son nom l’indique, Rise of Prussia (« l’essor de la Prusse »), est centré sur le principal protagoniste de cette guerre, à savoir Frédéric II et son armée, et les joueurs apprécieront le défi que constitue la position de la Prusse.

Un petit rappel historique aidera ceux qui ne sont pas familiers de la période à en comprendre les enjeux. Rise of Prussia aurait pu commencer une dizaine d’années plus tôt, quand profitant de la crise de succession que connait l’Autriche, Frédéric II en profite pour annexer la Silésie, doublant ainsi la population de son petit royaume. La guerre qui ravage alors l’Europe entre 1740 et 1748 oppose l’Autriche et l’Angleterre à la Prusse alliée à la France. L’armée prussienne montre déjà toutes ses qualités et Frédéric II ses talents de stratège et son opportunisme. Obtenant une paix séparée avec l’Autriche qui confirme sa possession de la Silésie, il laisse ses anciens alliés finir la guerre.

Au sortir de cette guerre, la France se sent trahie d’avoir « travaillé pour le Roi de Prusse » selon le mot de Voltaire, l’Autriche ne digère pas l’annexion de la Silésie, l’Angleterre est grandie économiquement… Tous les ingrédients sont réunis pour le déclenchement d’une nouvelle guerre. Comme l’écrit Frédéric II dans ses mémoires, écrites en Français : « Il est visible que cette paix faite à la hâte était l’ouvrage d’un mouvement précipité, et que les puissances sacrifiaient à l’embarras présent de leurs affaires les intérêts de l’avenir. On éteignait d’une part l’incendie qui embrasait l’Europe, et de l’autre on amassait des matières combustibles propres à prendre feu à la première occasion ».

Quelques années plus tard l’Autriche n’a donc pas de mal à obtenir l’alliance de la France, qui de son côté est au bord de la guerre avec l’Angleterre à cause des colonies, notamment en Amérique (rappelez-vous Birth of America et Wars in America). La Russie s’allie à l’Autriche, entraînant dans son sillage la Suède : les acteurs sont en place, la tragédie peut commencer.

On voit donc la situation de Frédéric II : encerclé par les Suédois au Nord, les Russes à l’Est, les Autrichiens au Sud, et les Français à l’Ouest, s’en est fini de son royaume s’il n’agit pas rapidement. Son plan est simple, il espère vaincre ses ennemis séparément. La Saxe, alliée de l’Autriche, étant sur la route de l’Autriche, il l’envahit en août 1756 déclenchant les hostilités.

Voilà le défi que représente le jeu. Même si l’on peut trouver beaucoup de plaisir à jouer la coalition autrichienne, où le défi sera de coordonner les actions des différentes armées éparpillées, on aura certainement plus de plaisir à élaborer une stratégie gagnante pour le royaume de Prusse, encerclé, inférieur en nombre mais supérieur militairement.

Un moteur de jeu rodé

Rise of Prussia utilise le même moteur de jeu, on l’a vu que Les Campagnes de Napoléon par exemple. On retrouve donc un jeu stratégique où le joueur manipule des armées aux ordres de batailles extrêmement détaillés (jusqu’aux bataillons), avec des tours de jeu de 15 jours.

Trois didacticiels permettent d’apprendre les rudiments (vraiment les rudiments…). Un scénario court de 9 tours permet de se familiariser avec le jeu (l’invasion de la Saxe), et six autres campagnes sont proposées, dont la campagne complète de 176 tours.
Le joueur déplace ses unités, gèrent ses renforts, choisit les postures de chacun de ses corps, mais n’a aucune prise sur le déroulement des batailles, qui sont résolues automatiquement. Voyons maintenant ce que Rise of Prussia apporte de nouveau.

La carte

Encore une fois les développeurs ont bien travaillé comme l’atteste le premier contact que l’on a avec le jeu, la carte. Représentant une bonne partie de l’Europe elle s’étend du Rhin à la frontière russe et du Sud de la Suède aux Alpes autrichiennes.

Le zoom maximum montre la beauté de la carte. Il montre aussi une nouveauté de Rise of Prussia, le « visualisateur d’armées », l’icône représentant le portrait de Frédéric II en haut à gauche de l’écran. Il y en a un par armée, et cliquer dessus permet de centrer l’écran sur son général, chaque général de corps clignotant en rouge. Chaque corps d’armée est figuré par un petit diamant sur le visualisateur qui permet de le retrouver sur la carte. C’est un système très pratique surtout avec cette carte immense où les corps d’armée sont disséminés.

Le recrutement

Les recrues, supposé que vous en ayez en abondance, réparent le nombre, mais non pas la qualité des soldats que vous avez perdus. Votre pays se dépeuple en renouvelant votre armée : vos troupes dégénèrent, et si la guerre est longue, vous vous trouvez enfin à la tête de paysans mal exercés, mal disciplinés, avec lesquels vous osez à peine paraître devant l’ennemi. (Frédéric II, Mémoires)

On trouve une nouveauté particulièrement intéressante en bas à gauche de l’écran (voir image ci-contre).

Inspirés du château « sans-souci » de Frédéric II, l’angelot supportant le globe donne accès au grand livre, classique des productions d’Ageod (liste des unités, objectifs, options militaires), et l’aigle permet d’entrer en mode de recrutement militaire et de montrer les unités disponibles et les zones susceptibles de les accueillir (en vert, voir ci-dessous). Ce nouveau système est particulièrement efficace et intuitif. Mais attention aux troupes fraichement composées qui sont très vulnérables aux attaques.

La chaîne de commandement

En un mot, l’application et l’émulation qui régnaient dans cette armée, étaient admirables. Il n’en était pas de même des généraux, quoiqu’il y en eût quelques uns d’un vrai mérite. Le plus grand nombre avait, avec beaucoup de valeur, beaucoup d’indolence. On suivait l’ordre du tableau pour l’avancement, de sorte que l’ancienneté du service, et non les talents décidaient de la fortune… (Frédéric II, Mémoires)

Les concepteurs ont aussi travaillé sur la spécificité de l’époque, notamment dans le système de commandement. Pour avoir une unité efficace il faut l’intégrer dans une chaîne de commandement, en créant si besoin de nouveaux corps ou de nouvelles armées mais en respectant un système de préséance.

Chaque général a ainsi un niveau de préséance qui lui permet d’espérer être nommé à la tête d’une unité avant ceux qui ont un niveau inférieur. Ne pas respecter cette préséance crée un scandale à la cour et fait perdre des points de moral national. Ce système de préséance existait déjà mais est particulièrement bien adapté à cette période.

Le Prince Heinrich Von Preussen a ainsi une préséance de 15. Cette préséance évolue au fil du temps, un général victorieux l’améliorera, ce qui donne une petit côté jeu de rôle au système, d’autant plus que les généraux sont très détaillés, chacun ayant des aptitudes apportant des bonus.

Les événements

A quoi tiennent les choses humaines ? Les plus petits ressorts influent sur le destin des Empires et le changent… (Frédéric II, Mémoires)

La gestion des événements a aussi été travaillée. On retrouve les événements historiques importants annoncés par les gazettes comme la mort d’un souverain, mais apparaissent aussi des événements à choix multiples où le joueur doit prendre des décisions en fonction de sa stratégie.

Dans le choix ci-contre, le Prussien peut choisir d’évacuer Wesel, menacée par les Français (choix historique), de la défendre, ou de la renforcer, les deux dernières options ayant un coût.

On retrouve aussi, avec une belle interface, les options militaires qui permettent d’influer sur les renforts contre de la monnaie ou des points d’engagements (points que l’on gagne grâce aux conquêtes).

Les assauts

Ce camp (Pirna), un des plus forts de l’Europe, ayant été examiné et reconnu en détail, fut jugé à l’abri des surprises et des attaques, et comme le temps et la disette pouvaient seuls vaincre tant d’obstacles, on résolut de la bloquer étroitement, pour empêcher que les troupes saxonnes ne tirassent des vivres des environs, et d’en user en tout comme dans un siège en forme… (Frédéric II, mémoires)

L’assaut des forteresses étant devenu impossible sans l’ouverture préalable d’une brèche, il faut maintenant bien combiner ses mouvements, prévoir la durée des sièges qui peuvent varier en fonction de l’importance de la citadelle et du type de troupes qui l’assiègent.

Enfin une nouveauté dans l’interface de rapport de bataille permet de voir comment s’est comportée chaque brigade impliquée dans le combat pour chacun des rounds.

La possibilité d’un assaut est annoncée par un petit cartouche à côté de la citadelle, ci-dessus, Chemnitz est assiégée, et comme elle n’a pas de fort elle pourra être l’objet d’un assaut.

L’invasion de la Saxe

On va maintenant se pencher sur le scénario d’introduction consacré à l’invasion de la Saxe en 1756. Laissons la parole à Frédéric II :

En commençant cette guerre, il fallait préalablement ôter aux Saxons les moyens de s’en mêler et de nuire aux Prussiens. Pour porter la guerre en Bohème, on avait l’électorat de Saxe à traverser ; si l’on s’en rendait pas maître, on laissait un ennemi derrière soi, qui en ôtant la libre navigation de l’Elbe aux prussiens, (note : les fleuves sont navigables, ils aident ou gênent le ravitaillement, et les troupes peuvent être transportées) les obligeait à quitter la Bohème aussitôt que le roi de Pologne le voudrait.

En termes de jeu les objectifs, qui doivent être atteint en 9 tours, sont visibles dans le grand livre (ci-dessus).

Maintenant, voyons la stratégie.

Le roi divisa son armée en trois corps. La marche de ces trois colonnes se dirigea sur Pirna, qui fut le centre de leur réunion commune.

La première (1) partit de Magdebourg aux ordres du prince Ferdinand de Bunswic, elle prit le chemin de Leipsic, et passa par Borne, Chemnitz, Freyberg et Dippoldiswalda, pour se rendre à Cotta.

La seconde colonne (2), où se trouvait le roi … passa l’Elbe à Torgau….

La troisième colonne (3), sous le commandement du prince de Bévern, traversa la Lusace… se porta sur Bautzen…

Tour 2

Ferdinand a pris Halle, le corps principal assiège Torgau, et la colonne de gauche est à Cottbus, à mi-chemin de Bautzen.

Tour 3 et 4

Ferdinand a pris Leipzig, nous faisant gagner 5 point de moral national, puis il a conquis Chemnitz. Frédéric II s’est emparé de Torgau. A l’Est Cottbus est tombée aussi.

Tour 5 et 6

…Ce fut là qu’on apprit qu’il n’y avait point de garnison à Dresde…Les troupes prussiennes entrèrent dans cette capitale… L’armée campa près de Dresde d’où elle s’avança le lendemain vers Pirna…

Nous avons construit un dépôt à Chemnitz. Frédéric II est entré à Dresde, la capitale, et Bautzen est tombée.

Tour 7 et 8

L’armée prussienne a pénétré en Bohème et a remporté la bataille de Lobositz.

… Le maréchal Braun voulait changer l’état de la question ; se voyant sur le point d’être assailli il aima mieux attaquer lui-même…L’infanterie les repoussa vigoureusement ; elle força les enclos des vignes es uns après les autres, et descendant dans la plaine, elle poursuivit quelques bataillons ennemis, qui de frayeur se précipitèrent dans l’Elbe… Une autre troupe de fuyards se jeta dans les premières maisons de Lobositz, faisant mine de s’y défendre… les grenadiers tirèrent dans les maisons par les portes et les fenêtres ; ils y mirent enfin le feu, pour achever plus vite ; et quoique ces troupes eurent consumé toute leur poudre, cela n’empêcha pas que les régiments n’entrassent dans Lobositz la baïonnette baissée et ne forçassent neuf bataillons… à leur céder la place. Alors toutes les troupes lâchèrent le pied, et cédèrent la victoire aux Prussiens.

Tour 9

Nous sommes victorieux !

Le grand livre détaille les points de victoire. On apprend ainsi que l’on possède toutes les villes objectifs, que notre moral est de 135 et celui de l’Autriche de 56, et que nous avons perdu 6392 hommes et les Austro-Saxons 19016…

Ce scénario, s’il ne pose pas trop de problème au joueur Prussien, permet de se familiariser avec les mécanismes du jeu avant d’aborder une campagne plus longue. Frédéric II : « le succès d’une guerre dépend en grande partie de l’habileté du général, de la connaissance des lieux qu’il occupe, et de l’art avec lequel il sait tirer avantage du terrain, soit en empêchant l’ennemi de prendre des postes qui pourraient le favoriser, soit en en choisissant lui-même les plus convenables à ses desseins ».

Pour conclure

L’intérêt du jeu peut se résumer dans cette précédente citation. Si les batailles rangées jouent un rôle capital pour briser la puissance militaire ennemie, les phases d’approches, les ravitaillements, les renforts doivent être planifiés avec soin. En cela Rise of Prussia garantit des heures de jeu passionnantes.

  • Originalité de la période peu traitée
  • Interface belle et riche d’informations
  • Réel défi stratégique
  • Nombre limité de scénarios / campagnes
  • Manuel un peu succinct
  • Journal des messages non traduit
Infos pratiques

Date de sortie : mars 2010.

Jeu édité par Paradox et réalisé par AGEOD. Le jeu est en Français, manuel compris, sauf le journal des messages qui est en Anglais.

Site officiel : www.paradoxplaza.com/games/rise-of-prussia

Configuration requise : Pentium IV, 1800 + MHz, 1024 RAM, espace disque : 2 GB
Configuration de test : Pentium Dual CPU T3400, 2.17 GHz, 3 Go RAM, NVidia GeForce 9200 MGs, Vista Pack I

NDLR : article initialement paru sur le site de Cyberstratège en 2010.

1 commentaire

Les commentaires sont fermés