Test de War in the Pacific – Admiral’s Edition

Annoncé depuis presque deux ans et après s’être fait attendre pendant de très longs mois, ça y est, le nouvel opus de Matrix vient de sortir. Tout à fait dans la lignée de ses célèbres prédécesseurs Uncommon Valor puis War in the Pacific sorti en 2004, War in the Pacific – Admiral’s Edition (WitP-AE) en reprend les principes de fonctionnement.

Pour rappel, il s’agit de jeux en tour par tour permettant de rejouer la guerre du Pacifique à l’échelle tactique, stratégique et opérationnelle et offrant un degré de réalisme inégalé jusqu’à présent. Concernant War in the Pacific – Admiral’s Edition, on se rapproche encore davantage d’une véritable simulation de la guerre du Pacifique, le leitmotiv des développeurs pouvant se résumer ainsi: toujours plus de réalisme.

Jeu extrêmement ambitieux, il donne la possibilité au joueur de contrôler entièrement et en détail le camp qu’il a choisi afin de mener la guerre comme il l’entend. Tout y est: des grands porte-avions américains de classe Essex au moindre dragueur de mines, des plus petites unités de génie aux gros corps d’infanterie chinois, des fameux chasseurs Zéro aux super forteresses B-29, l’ordre de bataille historique est intégralement représenté et à la disposition du joueur. A lui de définir sa stratégie en vue de ses conquêtes ou reconquêtes.

 War in the Pacific - Admiral's Edition
Caractéristiques et aviation embarquée du porte-avions américain Lexington.

Deux camps sont disponibles: les Alliés et les Japonais. On peut jouer contre l’IA ou contre un adversaire humain (en PBEM ou hotseat / chaise tournante). Voici la procédure de jeu pour une partie en PBEM. Les deux joueurs doivent d’abord s’entendre sur un scénario et les options à sélectionner. Puis, le joueur japonais commence et donne ses ordres à ses troupes, ses bateaux, ses avions, etc. Il clôture son tour et l’envoie au joueur allié.

Celui-ci fait de même puis renvoie son tour au japonais. C’est alors que se déroule la phase de résolution du tour. La confrontation des forces opposées en présence et des ordres donnés donne lieu au déroulement de l’action sous les yeux “inquiets” du joueur japonais. Un fichier est alors créé (“combat replay”) qui devra être envoyé au joueur allié pour qu’il puisse lui aussi visionner l’action. Car il faut bien le reconnaître, c’est bien à ce moment là (qu’on pourrait appeler l’instant de vérité) que le jeu prend toute sa dimension.

Non seulement, chaque joueur ne sait bien évidemment pas ce que son adversaire lui a réservé (c’est le brouillard de guerre ou fog of war : FOW), mais du fait du grand réalisme du jeu, on ne sait pas non plus, comment nos propres forces vont agir ou réagir. Sans compter les impondérables naturels: la météo, la luminosité de la Lune, les accidents, et bien sûr la chance.

“J’espère que l’ennemi ne s’est pas rendu compte que mes cargos avaient une faible couverture navale”; “Pourvu que mes avions décollent et ne soient pas cloués au sol à cause du mauvais temps” ; “Puisse mon escadre passer inaperçue et surprendre la flotte ennemie à l’ancrage en pleine nuit”…

Bref, beaucoup d’excitation, d’anxiété et de soulagement aussi, quand les opérations ont été bien menées et que la réussite est au bout.

 War in the Pacific - Admiral's Edition
Des Kate du porte-avions légers japonais Ryujo s’en prennent à des transports alliés dans la région de Bornéo.

La résolution terminée, le joueur japonais recommence et ainsi de suite. Chaque tour peut faire une journée de temps de jeu, mais on peut aussi effectuer des tours de deux ou trois jours pour aller plus vite, avec la contrepartie d’exercer un moindre contrôle de ces forces dans ces derniers cas. Bien, mais tout cela, on l’avait déjà avec War in the Pacific.

Qu’y a-t-il donc de nouveau avec Admiral’s Edition ?

Des tas de choses et d’abord, la carte !!

Couvrant comme dans War in the Pacific non seulement l’ensemble de l’océan Pacifique, mais aussi ses contours terrestres, des USA à l’Inde, en passant par l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Russie et la Chine, elle est tout simplement presque deux fois plus grande. Et comme la taille des “hexagones” n’a pas changé, il y a donc deux fois plus de détails, chaque hex représentant 46 miles au lieu des 60 de War in the Pacific.

C’est particulièrement appréciable pour les campagnes terrestres en Chine, Malaisie, Birmanie ou l’Inde que l’on peut jouer avec plus de finesse, les actions d’encerclement, d’enveloppement ou de débordement étant tout à fait possibles. La guerre sino-japonaise, à elle toute seule, est presque devenue un jeu dans le jeu.

Cela se traduit aussi par une plus grande variété de terrain, 17 en tout, de “Très Urbanisé” à “Forêt / Jungle”, “Montagneux”, “Désertique”… ainsi que des nouveautés, comme les détroits (deux types particuliers avec leurs règles de traversée respectives), des fleuves navigables, des lignes de chemin de fer, etc. La carte est aussi entourée de lignes de transit permettant de relier l’océan Pacifique ou Indien à différents ports se situant hors carte. On citera en exemple Panama, Aden, Port Stanley, le Cap ou le Royaume-Uni.

 War in the Pacific - Admiral's Edition
La région autour de Singapour.

Une économie complètement revue

Comme dans War in the Pacific, la gestion économique n’est pas en reste également et le joueur japonais en particulier devra non seulement gérer ses forces armées, mais aussi son économie et sa production militaire.

Il y a les centres de production de matières brutes qui produisent pétrole (oil) et matières premières / minerais (resource). Ces denrées doivent alors être envoyées vers les grands centres industriels, pour transformation en ravitaillement/fuel directement utilisables par les forces armées, ou nécessaires à la construction des avions / bateaux / troupes pour le joueur japonais. Il y a bien sûr les industries lourdes (HI), mais on notera aussi l’apparition des industries légères (LI) et des raffineries.

La logistique : un casse-tête comme en “vrai”

Venons-en maintenant à l’un des plus importants changements de Admiral’s Edition par rapport à War in the Pacific : la logistique ! Cet aspect de la guerre a fait l’objet d’un soin tout particulier et les joueurs devront rapidement en maîtriser toutes les règles, sous peine de prendre un retard considérable dans l’organisation et le déroulement des opérations. Si dans War in the Pacific, on pouvait ordonner à une flotte de 40 transports de troupe de charger une unité terrestre en 1 seul tour à partir d’un port de taille 1, avec Admiral’s Edition, c’est fini.

Non seulement un port de taille donnée ne peut recevoir à quai plus d’un certain tonnage en navires, mais en plus, ne pourront se “docker” au port que des navires de tonnage inférieur à une certaine limite. De plus, le tonnage total de fret, ou en équivalent de troupes, pouvant être chargé et déchargé par tour est limité.

Par exemple, un port de taille 5 ne pourra pas accueillir plus de 60000 tonnes de navires à quai en même temps et aucun navire de plus de 36000 tonnes. De plus, un maximum de 33000 tonnes de fret pourra être embarqué ou débarqué durant une journée. S’il s’agit de fuel, la limite est de 25000 tonnes. Inutile aussi de tenter de réarmer en obus lourds le super cuirassé Yamato dans un port de taille inférieure ou égale à 8, il ne pourrait tout simplement pas se “docker”.

Toutefois, il existe une multitude de moyens divers permettant d’améliorer le fonctionnement des ports : des navires de ravitaillement, mais aussi des unités de support logistique portuaires. Ainsi, le Yamato pourra quand même se réarmer en obus de gros calibre dans un port de taille 7, si au moins 188 squads de support naval sont présents.

De même, pour le réarmement en torpilles des navires, la présence de navires ravitailleurs (AKE, AE, AD, AS en fonction du type de navire à réarmer) permet d’effectuer ce type d’opération dans des ports plus petits. Tout ceci a pour conséquence un ralentissement appréciable des opérations amphibies et demande une planification accrue de la part du joueur.

Soudeur-fraiseur tu seras !

Un autre grand changement concerne le système de réparation des navires. Cette fois, le joueur a la possibilité de choisir ses priorités ainsi que la procédure de réparation. Il peut utiliser les chantiers de réparation, s’ils sont disponibles dans le port en question, ou faire usage du personnel spécialisé (support naval) ou de tout autre navire de réparation. Là aussi, certaines armes ne peuvent être réparées que dans des ports de taille suffisante ou avec l’aide de chantiers de réparation.

Bien que d’un aspect assez compliqué de prime abord, ce système de réparation des dommages s’avère très intuitif et particulièrement bien présenté. D’un rapide coup d’oeil, on repère les navires à réparer en urgence et le mode opératoire le plus efficace. Deux types de dommages peuvent affecter les navires: les dommages mineurs réparables dans les ports et les dommages majeurs, uniquement réparables dans les chantiers de réparation.

Une nouvelle colonne de dommages a fait son apparition pour chaque bateau. Il s’agit de “engine damage” qui est une mesure des dégâts subis par le système de propulsion du navire. Notons d’ailleurs qu’un navire qui navigue en vitesse maximale subit rapidement des dégâts mineurs dans cette colonne.

L’aviation

L’aviation a été beaucoup retravaillée aussi. Bien sûr, de nouveaux types d’avions ou de nouvelles versions sont apparues, mais c’est surtout la façon dont se déroulent les opérations aériennes, qui a été modifiée. Par exemple, War in the Pacific avait été fortement critiqué pour ses routines de combats aériens, jugées souvent trop meurtrières pour les avions. Cet aspect a été complètement revu dans Admiral’s Edition et avec succès.

On constate par exemple que les grosses CAP (au dessus du KB en 41 par exemple) ne sont plus imperméables à des raids ennemis et que même de petites attaques peuvent être dangereuses. De même, avec Admiral’s Edition, surcharger ses bases aériennes aura pour conséquence de réduire de façon significative l’efficacité de chaque groupe aérien présent. Dans certains cas, il vaudra mieux disperser ses moyens aériens.

L’approvisionnement en torpilles pour les avions torpilleurs nécessitera un QG spécial avec un certain coût en ravitaillement. Notons aussi la possibilité donnée au joueur de choisir un armement en torpilles ou en bombes pour ses bombardiers polyvalents. A ce propos, les porte-avions ont un stock limité de torpilles. Un fois le stock épuisé, les prochains raids de bombardiers lance-torpilles se feront avec des bombes.

Pleins de nouveautés sympathiques

En vrac :

  • un système de combat et de mouvement terrestre plus élaboré avec la possibilité de constituer
  • des réserves tactiques, de se déplacer par train, …
  • les bateaux peuvent effectuer des patrouilles (très pratique pour les sous-marins),
  • on peut imposer des points de passages pour ses flottes,
  • les sous-marins peuvent se faire couler par d’autres sous-marins (ce qui n’existait pas dans War in the Pacific),
  • on peut définir des arcs de recherche pour les avions de patrouille maritime,
  • un système d’entraînement des pilotes plus réaliste et aisé à utiliser, etc etc.

Comme on peut le constater, tout a été fait afin de plonger le joueur dans les véritables réalités d’une guerre amphibie à grande échelle et les concepteurs ont cherché à éviter tout simplisme. Toutefois, cela a un prix et demandera beaucoup d’efforts de la part du joueur avant d’avoir assimilé les mécanismes et contraintes du nouveau jeu et d’avoir acquis les automatismes. De plus, le nombre d’unités à gérer et le nombre de bases est énorme ce qui classe War in the Pacific – Admiral’s Edition dans la catégorie des “monster game”. La partie gestion devient prédominante et l’emporte sur l’aspect tactique et stratégique ce qui est dommage.

Il n’en demeure pas moins que War in the Pacific – Admiral’s Edition constitue une réelle amélioration de War in the Pacific et qu’il comblera probablement les amoureux du dernier opus soucieux d’un réalisme et d’une finesse tactique rehaussés ainsi que d’une plus grande immersion.

 

Fiche technique

Catégorie : monster wargame ; Sortie : juillet 2009 ; Studio – Éditeur : 2 by 3 Games / Matrix Games ; Site officiel.

NDLR : article publié sur Cyberstratège en septembre 2009. A lire sur le contexte du jeu : Pearl Harbor, le tournant stratégique de la guerre et L’impérialisme japonais.

Points positifs et négatifs

  • Jeu d’une incroyable richesse et finesse, ordre de bataille impressionnant, conception rigoureuse, mécanismes de combat réalistes qui permettent de revivre la guerre du Pacifique,
  • Carte immense, belle et soignée,
  • Une communauté de joueurs très actifs sur le forum de Matrix en particulier mais sur certains sites français aussi; comme pour War in the Pacific, Admiral’s Edition devrait bientôt susciter la création de nombreux mods,
  • L’équipe de développement est très à l’écoute des joueurs et de leurs demandes, de nouveaux patchs sont régulièrement disponibles pour amélioration du jeu,
  • Un éditeur de scénario facile d’emploi.
  • Prix élevé (environ 70 euros)
  • Des bugs, mais ceux-ci sont corrigés par les patch successifs,
  • Jeu super monstrueux qui demandera un investissement important en temps, y compris pour les connaisseurs de War in the Pacific, au début du moins,
  • Les petits scénarii ne sont pas au point.

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