Comme probablement nombre de curieux et de passionnés de la série, j’attendais avec impatience ce 21 juillet 2016, une date pour laquelle le bulletin météo de Slitherine prévoyait de fortes chutes de neige. Cette fois encore, les prévisionnistes avaient raison et une onde de fraîcheur est venue rafraîchir agréablement nos PC. Faisons ensemble un bilan, de ce qui n’a de dépression que le nom que je lui donne pour vous faire sourire.

Le moment est certainement propice aux bilans, en ce début d’été… Renommée pour l’occasion -sans grande originalité- World War II, la série Order of Battle en arrive, avec ce Winter War, à sa quatrième extension. On peut arbitrairement considérer qu’il s’agit de l’âge de raison, pour un système dont l’ambition désormais affichée est de simuler l’intégralité de la Seconde Guerre mondiale.

Sans évidemment oublier certaines déclarations émanant du studio et faisant état d’un vif intérêt pour les guerres médiévales. Assurément, le système de jeu tout autant que le moteur 3D permettraient d’aborder cette thématique de manière fort intéressante. L’été étant également une période propice aux divagations, gardons les pieds sur terre et revenons plutôt à la toundra enneigée de ce quatrième DLC.

Annoncé depuis plusieurs semaines maintenant, cette extension était attendue par tout les passionnés curieux de découvrir enfin ce que pourrait bien donner ce jeu dans un cadre plus classique et connu de la WW2. Pour ne pas déroger à leurs habitudes de sortir des sentiers battus, c’est par la Finlande que The Artistocrats ont décidé d’aborder les choses. D’autres s’y sont frottés auparavant, avec plus ou moins de succès.

Les vétérans se souviendrons avec nostalgie des troupes à ski du Eastern Front II de Talonsoft. Ces mêmes anciens remarquerons au passage qu’ici, ces mêmes unités sont dépourvues d’animations et de sons spécifiques ; dommage ! Steel Panthers également, dans sa versions World at War modélisa avec bonheur quelques batailles mémorables, sous et au-dessus du Cercle polaire.

Ici, l’ambition des développeurs va plus loin qu’un bref aperçu de ces batailles septentrionales. Une extension d’un prix raisonnable, pour un contenu retraçant tout le conflit, entre la Finlande et son voisin soviétique, avec l’entrée en guerre de l’Allemagne. La campagne est ainsi découpée en trois parties différentes. La Guerre d’hiver commence en 1939 et oppose la Finlande à l’Union soviétique, au prétexte que cette dernière revendique des territoires sur la Baltique, dans la région de Leningrad, supposés nécessaires à assurer l’intégrité de ses frontières en cas d’invasion allemande.

À partir de 1941, l’Allemagne entre dans la danse, avec l’Opération Barbarossa destinée à investir le territoire rouge ; les finlandais, nouveaux alliés du Reich participent, à la tête d’une armée revigorée, animée d’un fort sentiment de revanche né d’une paix frustrante signée précédemment avec l’Union soviétique ; c’est le début de la Guerre de Continuation. Enfin, à partir d’octobre 1944, la Guerre du Lapland clôturera cette campagne de treize scénarios sur une unique mission, assez longue, de quarante-cinq tours.

Une foule de choses frappent avec cette extension. En tout premier lieu, bien que les habitués de Morning Sun ne seront pas surpris par les terrains continentaux, à l’exception notable de la neige hivernale abondamment représentée, le fait qu’ici encore bien moins que dans l’extension consacrée au conflit sino-japonais les unités navales seront absentes des débats, à l’exclusion anecdotique d’une opération amphibie. En toute honnêteté et n’en déplaise aux amateurs d’histoire maritime, la majorité des joueurs ne s’en plaindront pas. En revanche, côté unités terrestres et aériennes, le programme s’avère nettement plus affriolant.

Si on commence la campagne avec une armée finlandaise totalement dépourvue de blindés, de quelque nature que ce soit, et de machines volantes brillant surtout par leur désuétude, force est de constater qu’au fil des missions, le panel s’étoffe sensiblement. En effet, la nature de l’épopée finlandaise aidant -les mauvaises langues parleront volontiers de retournement de veste- il se trouve que le joueur sera amené à utiliser des matériels de provenance variée. Quelques blindés soviétiques et allemands mais également des avions russes ou anglais côtoieront ainsi des Dornier, des Messerchmitt et des Focke-Wulf, fleurons de la Luftwaffe.

Cette variété se retrouve par ailleurs, dans une moindre mesure, en ce qui concerne les objectifs de victoire. Les concepteurs ayant, au moins pour quelques scénarios, fait preuve d’une imagination laissant augurer de missions passionnantes dans les modules à venir. Outre les désormais relativement classiques évacuations d’unités, via des hexagones spécifiques, on trouve quelques objectifs intéressants et peu communs pour ce type de jeu. Il faudra par exemple capturer un hôtel, afin d’obtenir des renseignements, ou réparer des unités ennemies de prise, fort utiles pour compléter une armée dont les lacunes dans certains domaines se feront sentir.

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Bien malin qui pourra deviner l’orientation précise adoptée par les modules à venir.
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L’isthme de Carélie et notamment Vyborg, anciennement Viipuri, épicentre des tensions.
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De nouveaux effets pyrotechniques, avec les cocktails Molotov, complètent le tableau et apportent une ambiance festive aux combats.
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Parmi les nouvelles unités exotiques, les troupes de skieurs finlandais se démarquent par leur apparence caractéristique, dans leur tenue immaculée.
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Si l’optimisation du moteur graphique et de ses effets visuels vous pose problème, l’affichage 2D alternatif offre un rendu agréablement fonctionnel.
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L’une des clefs du succès réside dans la maintenance correcte des unités au fil de la campagne ; l’infanterie type 1938 initiale doit impérativement évoluer au plus vite.

Un autre objectif consistera à détruire un dépôt de carburant, vital pour l’approvisionnement ennemi, ou d’empêcher les soviétiques de parvenir à restaurer leur ligne de ravitaillement afin de rompre l’isolement d’un groupe de combat. Toutes ces missions étant évidemment inspirées de faits historiques. En ce qui concerne la durée des scénarios, on reste dans les standards établis par la version Pacific initiale ; avec des missions d’une vingtaine de tours pour les plus courtes et jusqu’à une petite cinquantaine, pour les plus longues. Des durées relativement élevées qui collent bien avec la nature ambitieuse du système de jeu. On peut d’ailleurs résumer la philosophie de OoB WW2 comme étant un wargame tactique à mi-chemin entre Panzer Corps, pour l’aspect purement ludique et The Operational Art of War, pour la profondeur de jeu. Un modèle relativement unique dans le genre actuellement.

Inutile de laisser perdurer l’indécision plus longtemps, vous l’aurez compris, une fois encore The Artistocrats signent un succès très encourageant pour la suite de la série. Cependant, le jeu n’est pas encore exempt de tout reproches. Si le modèle régissant les combats aériens semble dorénavant donner satisfaction, il est encore permis d’exprimer quelques doutes à propos de la partie réservée à l’appui tactique au sol. N’étant moi-même ni pilote de combat ni spécialiste dans ce domaine, si ce n’est par le fait d’avoir effectué mon service obligatoire -à l’époque- dans cette arme, en tant que mécanicien armement et ayant par ailleurs lu quelques articles sur le sujet, il me semble toutefois que l’impact de l’aviation sur les combats terrestres est encore par trop minimisé dans le jeu.

Il suffit pour s’en convaincre de consulter quelques compte-rendus d’opérations telles que Barbarossa ou Overlord, pour constater que l’usage de canons d’artillerie embarqués à bord des appareils d’attaque au sol avait des effets dévastateurs, même sur les engins les mieux blindés de l’époque. Un équilibre certainement délicat à trouver dans un jeu moderne mais cependant, encore loin d’être ici satisfaisant, malgré quelques progrès au fil des patchs.

Autre exemple, on se demande pourquoi un champ de mine venant d’être posé est considérée par le jeu comme une unité ennemi, empêchant d’effectuer la mise à niveau de troupes alliées adjacentes. C’est typiquement le genre de détail énervant qu’on peine à expliquer en constatant la qualité de l’ensemble de la série. Probablement le fait que les priorités des concepteurs soient ailleurs. Parmi les très rares lacunes pouvant encore être mentionnées, il convient indéniablement de parler du mode multi-joueurs, qui parvient encore à causer quelques désagréments (voir capture ci-dessous).

C’est certainement l’un des aspects les plus délicats et complexes à traiter pour les développeurs. Bien qu’un lobby convenable et pratique d’accès y fasse encore défaut, l’option Hotseat est suffisamment rare et appréciée, pour qu’on le pardonne sans problèmes. Notez qu’à présent les scénarios débloqués durant une campagne sont accessibles et jouables depuis ce mode multi-joueurs, ce qui n’était pas le cas précédemment. Cependant, les motifs de satisfaction demeurent, une fois encore, largement supérieurs aux raisons de manifester son mécontentement. Ce simple constat, répété au fil des extensions et concernant un studio aussi jeune mérite de pondérer les critiques. Chapeau bas, messieurs !

Un dernier mot au sujet du patch accompagnant la sortie de cette extension et qui, en lui même et de par sa gratuité, représente un bonus remarquable en termes de gameplay. Non content de corriger son lot habituel de bugs pourtant peu nombreux, il améliore des points importants pour l’agrément du jeu. Pas l’un des moindres, le fait qu’à présent les torpilles puissent être lancées d’un nombre doublé d’hexagones, tout en occasionnant -enfin- des dégâts significatifs. On aimerait qu’il en soit de même pour les mitraillages aériens mais il faudra encore attendre un peu.

À noter que comme suggéré dans les points négatifs ci-dessous, il semblerait que l’optimisation de cette extension ne soit pas à la hauteur des précédentes. Est-ce l’effet collatéral du blizzard, omniprésent sur certaines batailles ? Difficile à imaginer mais le fait est que la fluidité de l’ensemble pâtit de ce qui semble être une fuite mémoire. Affaire à suivre, même si cela n’est certainement pas significatif sur la majorité des machines modernes. Certains joueurs, moins bien lotis que d’autres, pourraient se manifester sur les forums techniques dans les semaines à venir.

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Cette campagne, de par sa longueur et sa richesse tactique, représente bien un jeu à part entière.
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Exemple de combat avec une unité en soutien (icône croix bleue).
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Quand ça ne veut pas fonctionner… ! Quelques rares bugs surviennent encore.
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Autre exemple de combats, ici contre une unité de blindés soviétiques.
Notes
Multimédia
80 %
Interface
75 %
Gameplay
85 %
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test-order-of-battle-winter-war-lete-sera-fraisMultimédia : l'hiver fait son apparition, dans l'ensemble un jeu graphiquement toujours aussi plaisant, à regarder comme à jouer.<br /> Interface : comme pour le jeu de base, avec quelques optimisations au fil des patchs.<br /> Gameplay : plus que quelques scénarios, un jeu complet sur cet aspect méconnu de la Seconde Guerre mondiale.<br /><br /> Que du bonheur ! Cette expression largement galvaudée (à juste titre...) serait pourtant la légende idéale à apposer en sous-titre de cette extension. Mais le fait est qu'elle ne fait ni très sérieux ni très martial dans ce contexte. Difficile d'éprouver une quelconque lassitude avec cette série Order of battle devenue au fil du temps l'une des valeurs sûres du petit monde du wargame tactique. Nuls doutes que de futurs tests renouvelleront le plaisir de les rédiger, tout comme les thèmes abordés et la manière remarquable dont ils le sont, renouvellent le plaisir de pratiquer ce jeu d'exception.

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