Le dernier opus de la série Close Combat, au moins dans sa présentation 2D, est sorti il y a quelques jours et il reprend l’essentiel de l’ultime déclinaison du système développé par Black Hand Studios. S’agit-il d’un digne hommage à ce jeu qui aura marqué une génération ?

Je ne redirais pas ici ce qui a été dit au sujet de Panthers in the Fog (voir notre test) : le jeu est bon si l’on ne se préoccupe pas trop d’une représentation millimétrée des unités (réduites à quelques pixels) et d’un certain chaos (voulu) dans la gestion des combats. Plus embêtant reste que sans pour autant les qualifier de bugs, deux problèmes ont toujours marqué le système : un pathfinding erratique et une IA incapable de placer ou même de déplacer intelligemment ses unités. Comme le multijoueur reste depuis PitF lié à l’utilisation d’un lobby dédié… il n’est pas certain que malgré les engagements de Slitherine il dure aussi longtemps qu’a duré la série et qu’il survivra très longtemps à son successeur.

Heureusement l’éditeur de scénario inclus dans le jeu est néanmoins suffisant pour essayer différentes configurations dans la limite du cadre géographique et de celui des OB de la bataille réelle.

Cet ordre de bataille (OB) est particulièrement intéressant et bien adapté aux mécanismes de jeu et à son échelle. L’opération Epsom engage en effet des effectifs typés sur un terrain étroit et assez homogène. Surtout celui-ci est, à quelques exceptions prés, plat. Ce qui vaut mieux pour un jeu en 2D. Attention, 2D ne signifie pas pour autant que les lignes des vues ne gèrent pas les dénivelés ni même les (nouveaux) terrains comme les champs de céréales de cet été 44 qui forment l’essentiel du paysage de la plaine de l’Odon à l’ouest de Caen.

D’ailleurs les hameaux, haies, bosquets et rivières encaissées coupent assez régulièrement les lignes de vue ce qui limite les distances d’engagement et surtout les déplacements de caméra à un niveau raisonnable. Ainsi le joueur peut tout en gardant un œil sur la mini-carte et une oreille attentive aux annonces radios, se concentrer sur une section relativement réduite du champ de bataille.

Un joueur novice serait d’ailleurs tenté de grouper ses unités pour maximiser sa puissance de feu, son encadrement (se trouver à portée d’un officier améliore le moral des unités) et limiter encore son champ de vision. Cependant, l’arme reine du champ de bataille restant l’artillerie, il apprendra à ses dépens à ne pas abuser de cette facilité.

 

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Célèbre photographie illustrant la vulnérabilité de toute concentration de troupes aux tirs de mortier. Ici, le 26 juin, à la pointe de la 11e Division blindée britannique un Bren carrier chargé de munitions explose !

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La campagne utilise une carte à zone (chacune correspondant plus ou moins aux cartes tactiques de 400 x 500 mètres). On s’aperçoit tout de suite de la vulnérabilité du “Corridor des écossais” et de la difficulté de se maintenir sur la positions finales de la bataille (la côte 112 au sud-est).

Montgomery engage l’opération Epsom le 26 juin 1944 dans des conditions défavorables : il a d’abord dû en limiter les objectifs du fait de l’insuffisance de moyens (notamment liée aux effets de la tempête du 19 juin) puis en retarder la date. Cela a pour conséquence d’attaquer sur un front étroit où les effectifs allemands limités pourront contre-attaquer d’autant plus efficacement qu’ils ont reçu le renfort des 9e et 10e divisions du  IIe PanzerKorps SS arrivé du front de l’est sur les ordres d’Hitler. Il peut par contre compter sur une puissance de feu importante (soutien naval et aérien et 700 pièces d’artillerie). Ses objectifs sont de franchir l’Odon puis l’Orne au sud de Caen et neutralisant le Ier SS PanzerKorps qui lui fait face et plus globalement les réserves stratégiques de Rommel permettant de faciliter l’opération Cobra à venir.

Si le contexte opérationnel est fixé par les données scriptées des différentes campagnes (6 + 7 opérations d’ampleur plus limitées) et scénarios (38) et les ordres de batailles historiques, les conditions tactiques sont cependant assez variées et s’adaptent bien au système Close Combat. Rappelons que l’interface limitera dans tous les cas les troupes utilisables à 21 ‘slots’ pouvant recueillir l’équivalent de 2 ‘platoons’ et de 3 unités de support soit, en général, une centaine d’hommes et guère jamais plus d’une poignée de véhicules ou armes de soutien. Ce nombre peut paraitre faible mais à la lecture du récit de l’historien John Keegan dans son excellent ouvrage 6 armées en Normandie, on comprend qu’il est finalement assez proche de la réalité :

« La division [la 15e division d’infanterie britannique] avança avec deux brigades, ce qui signifie que 6 de ces bataillons d’infanterie constituaient la première vague d’assaut, les 3 autres en retrait aux ordres des commandants d’unités. Comme les brigades procédèrent selon le même schéma, cela signifie que seuls 4 bataillons occupaient effectivement la ligne de départ, chacun sur un front d’un kilomètre. Et comme chaque bataillon, fort d’environ 750 hommes, gardaient habituellement 2 de leurs 4 compagnies en réserve, le nombre réel de combattants qui débuta effectivement sa marche en avant dans les champs de blés ce matin n’était probablement pas supérieur à 700. On peut ainsi se les figurer, à travers le cockpit d’un avion d’observation, comme 24 groupes de 30 fantassins, dénommés platoon, séparés par des intervalles de 150 mètres… Chaque platoon consistant en plus petits groupes, dénommés sections, commandés par un caporal, et organisés autour d’une mitrailleuse Bren leur donnant l’essentiel de leur puissance de feu… »

Ce qui pourrait être l’équivalent de l’exemple d’assaut dans le jeu dont vous voyez sur une capture d’écran ci-contre montrant la composition des unités.

Gateway to Caen présente une nouveauté qui, là encore, renforce l’immersion mais offre aussi de nouveaux choix tactiques. En plus des soutiens d’artillerie que le joueur peut appeler en cours de partie, un barrage préparatoire peut en effet frapper au début de celle-ci. Pour les britanniques, il s’agit d’ailleurs d’un barrage roulant progressant relativement vite du nord au sud de la carte sur une large bande de terrain sélectionnable.  Au moins durant les premières heures de l’assaut, les impressions des joueurs sont donc conformes aux témoignages historiques. Les soldats britanniques de 1944 agissent presque à l’identique de leurs compatriotes de 1917 : avançant au pas par section, accompagnés de chars d’infanterie chargés d’éliminer notamment les positions de mitrailleuses ou les canons allemands. Les pertes sont ainsi souvent très élevés en terrain découvert… comme en réalité puisque la 15e division perdit près de 50% de ses effectifs d’infanterie engagés en quelques heures !

Évidemment, la diversité des situations tactiques est bien plus grande et à chaque fois le réalisme est tout à fait convenable et en tout cas supérieur aux autres STR. Qu’il s’agisse du rendu des armements d’infanterie ou des blindés dont les blindages, armement principaux et secondaires et jusqu’aux spécificités de munitions, ou bien encore de la question du moral (traité rappelons-le à la fois individuellement et collectivement), et même celle des effets météo et de luminosité, Close Combat n’a toujours pas non plus à rougir devant des titres comme Combat Mission ou Achtung Panzer. Et comme le rendu graphique et sonore a été amélioré avec notamment de beaux effets d’explosion, des cartes d’une grande finesse et des voix en VO très immersives, on oublie facilement que ce système est aussi vieux.

Avant de conclure, relevons cependant quelques défauts. Il faut remarquer qu’une fois de plus, l’IA ne sait pas profiter du terrain correctement : elle quitte souvent prématurément ses positions préparées et progresse sans profiter des couverts. Si ceci est valable pour l’adversaire informatisé, qu’on évitera après quelques parties d’essai, c’est malheureusement aussi vrai pour l’IA tactique qui gère les déplacements de vos propres troupes. Il ne faudra donc pas hésiter à utiliser les « waypoints » en associant la touche Maj à chaque étape du déplacement.

Autre souci, la faible variabilité des combats de blindés : en dehors de l’immobilisation, les touchers tuent sans autre forme de procès. Seul le Churchill encaisse parfois un coup de face sans broncher. Il faudra donc selon le bon sens propre à tout tankiste, repérer et tirer le premier !

Enfin, nous avons vu que si le décalage entre l’échelle des OB réels et celle des combats était acceptable lors d’une bataille (en clair un engagement sur une carte donnée), il en est autrement lors de la campagne. En effet, non seulement, le contrôle d’une carte peut être obtenu ou repris avec des forces limitées tant qu’elles sont les dernière à saisir les points de victoire décisifs mais le choix d’une carte stratégique à zone augmente cette distorsion dans certains secteurs quand un bouchon se forme.

En clair, on se retrouve parfois avec 4 ou 5 chars qui bloquent toute l’offensive alliée pendant 5 heures ! Cette distorsion existe aussi dans la gestion des OB : seuls deux groupes par camp pouvant occuper  une même zone et chacun ne contenant que 21 ‘pions’ au maximum, il faut donc rapidement les faire tourner pour garder une capacité de combat décente. Or, parfois, la perte d’un ou deux véhicules élimine l’unité équivalente dans l’OB et on se retrouve avec une unité théoriquement blindée mais sans chars !

Cependant, si on perd ici en réalisme on obtient un niveau de jeu supplémentaire intéressant. Il vaut ainsi parfois mieux éviter le combat au niveau tactique que de sacrifier de maigres effectifs au niveau opérationnel. Cela se traduit alors par de curieux jeux du chat et de la souris sur des cartes parfois bien vides…

 

Close Combat - Gateway to Caen
A noter que chaque unité est historiquement exacte dans sa dénomination, sa composition et ses équipements ! Le travail de recherche est remarquable.

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L’infanterie écossaise monte à l’assaut soutenue par des chars Churchill.

Close Combat - Gateway to Caen
L’effet blast d’un barrage roulant est assez dévastateur mais sa précision évidemment bien plus aléatoire.
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Les écossais sont ici soutenus par un autre Churchill de la 31th brigade, armé d’une pièce anti-char de 75mm
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Même si le bocage est bien plus ouvert que dans le Cotentin, on comprend que les haies du Bessin sont de formidables protections.

Close Combat : Gateway to Caen conserve donc les atouts et les défauts de ses prédécesseurs. Le choix de l’opération Epsom se révèle une fois de plus adapté aux particularités du moteur de jeu et à ses limites. L’historicité est excellente et on se prend facilement au jeu de parties courtes et brutales comme à celui d’enchainer des combats sur plusieurs jours où l’on doit gérer son effort avec soin. La question de la représentation n’apparait finalement pas décisive car les dénivellations sont assez faibles ici et les bâtiments presque absents, une physique plus fine amenée par la 3D supposera certainement un changement de gameplay mais prendra surtout le risque d’une mise en concurrence avec d’autres séries ayant affiné leur moteur depuis quelques années. Nous attendons donc avec curiosité ce passage à la 3D et disons au revoir à une série qui aura définitivement marqué le wargame sur PC.

  • Nouveaux effets visuels et audio.
  • Grande précision historique.
  • IA toujours trop faiblarde dans certains cas.
Infos pratiques

Date de sortie : 5 juin

Éditeur / Studio : Matrix Games

Site officiel : fiche sur Steam, fiche chez Matrix

Prix : 31.99 € en téléchargement. Disponible dans notre boutique en ligne.

2 Commentaires

  1. Le dernier close combats est malgré tout sympa, le test résume bien les choses.
    Je trouve l’AI plus agressive que les précédent opus…..après toutes ces années…….
    Concernant les cartes ils répètent les mêmes erreurs, c’est a dire de faire de grande carte, car c’est soit disant un jeux axé sur le multi, est là, c’est encore une autre erreur.
    Close combat au début, a été fait pour le solo, c’est a partir du 3 ou le multi a pris le dessus et on voyait déjà une faiblesse de L’AI.
    Concernant le futur close combat “3d” je suis toujours sceptique.

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