Arrivée sur nos écrans il y a un peu moins d’un mois, la dernière extension en date de Crusader Kings II survient avec un nouveau patch assez conséquent, et a été bonifiée depuis sa sortie début mars. C’est l’occasion de rappeler qu’elle constitue le onzième DLC majeur pour le jeu, dont on a peine à imaginer la densité désormais. Néanmoins, selon une formule que l’on connaît à présent bien, celui-ci va s’intéresser de plus près à une thématique particulière. Cette fois, il s’agit des ordres religieux et des cultes et sociétés secrets. Voyons donc ce que Monks and Mystics, c’est son nom, a « dans le ventre ».

Ordres religieux…

Tout d’abord on rappellera que la religion a une place centrale dans le Moyen-Age, et a toujours été importante dans la série des Crusader Kings. Cela ne signifie pas que tout avait été dit et qu’il ne restait rien à modéliser. Ainsi, l’extension intègre désormais la gestion des ordres religieux, notamment monastiques chez les chrétiens. Quand on sait la place que jouèrent les moines dans l’État byzantin, ou le rôle de certains personnages issus de ces ordres ailleurs, on ne peut qu’apprécier leur venue dans le jeu. Citons par exemple Bernard de Clairvaux, dont l’implication dans le déclenchement de certaines croisades ne fut pas anodin, et qui fonda l’ordre des Cisterciens. Les Bénédictins ou les Franciscains sont d’autres noms connus qu’on pourra retrouver ici.

Ainsi, le joueur peut décider de soutenir tel ou tel ordre, et même de suivre leurs préceptes en faisant vœu de chasteté, ou de célibat, voire en se faisant moine… Bon nombre de puissants du monde byzantin faisaient cela, certes souvent peu avant de mourir, et faisaient des dons. Comme Charlemagne, qui céda des forêts à des abbayes : giboyeuses, elles permettaient, grâce aux peaux de bête, de faire du parchemin pour les livres enluminés. Là, on peut également construire des bâtiments religieux et soutenir la charité, pratiques courantes de l’époque envisagée.

En termes de jeu, cela permet d’augmenter sa piété, de recevoir du soutien de ces puissantes institutions, et de mener à bien des missions assez régulièrement. La complexification est moindre pour le joueur, mais conduit à des options supplémentaires vraiment intéressantes et qui renforcent aussi la manière dont on façonne son personnage. D’ailleurs, soutenir un ordre plutôt qu’un autre aura des conséquences différentes et cela augmente encore la rejouabilité. Un vieux seigneur repenti qui a déjà assuré sa descendance  et suivra les commandements religieux d’un ordre amènera ainsi un surcroît de piété au joueur, ce qui n’est pas inutile car elle s’utilise souvent dans le jeu.

Toutefois on aurait aimé encore plus : ces ordres jouèrent un rôle majeur pas seulement dans la spiritualité et l’éducation, mais bel et bien dans l’économie. Ainsi, les moines des grandes laures (monastères propres à l’orthodoxie et aux églises orientales) byzantines possédaient par exemple nombre de navires de commerce. J’ai aussi parlé des livres enluminés plus haut, objets de luxe de l’époque. Quant à la production de vin et de bière des moines d’Europe de l’ouest, elle n’est pas une légende et perdure encore aujourd’hui. Songez-y quand vous ouvrirez votre prochaine bière trappiste ! Bref, une modélisation plus poussée de leur rôle économique aurait été intéressante.

Un exemple de société secrète en Inde, lieu couvert par le jeu depuis Rajas of India.
On peut aussi montrer son intérêt pour le culte de Kali, divinité assez sanglante du panthéon hindouiste.
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Côté européen, on verra quelques modifications de la carte comme le cours du Danube. Mon roi de Moravie peut, lui, s’intéresser à des ordres religieux.
C’est là le cas de celui des Bénédictins, qui suivent la règle ancienne de Saint-Benoît.

… et sociétés secrètes

A côté de cela, on trouve bon nombre de sociétés secrètes de par le monde, qui offrent des avantages très variés comme liés à la recherche scientifique, des essais médicaux ou une percée dans l’apprentissage. Toutefois, les rejoindre ne plaira pas à tout le monde dans le jeu, et tout un pan de cette partie de l’extension frise avec l’alchimie et l’astrologie ; puisqu’on peut même en arriver à bâtir des laboratoires et demander un horoscope pour ses enfants, histoire de prédire leurs futures capacités.

Pourquoi pas, et ce genre de choses est arrivé, notamment à la fin de la période couverte par le jeu, où l’opposition souvent réelle entre science et religion a pu s’exprimer. Je ne trouve pas non plus ces ajouts extraordinaires… On notera toutefois la présence intéressante de la secte des Assassins qui exista bel et bien dans le monde musulman médiéval et dont les membres tuèrent bien d’importants personnages. Les modéliser en jeu est donc plutôt une bonne chose et cela me permet de rappeler que leur présence centrale dans Assassin’s Creed est fortement éloignée de la réalité historique.

De plus, ce volet se termine par un point que l’on pourra ne pas apprécier. D’ailleurs, c’est indubitable, il nuit à l’historicité du jeu, comme la controversée invasion aztèque avec le lointain DLC Sunset Invasion. Là, dans Monks ans Mystics, il s’agit de la possibilité de s’allier aux forces démoniaques et satanistes ! Rien que ça. Or, suivant les choix et options, votre personnage aura tout de même la possibilité d’allonger sa vie, en puisant dans celle de ses enfants !! On se croirait presque en train de jouer un personnage de Warhammer qui est possédé par les forces du Chaos… J’exagère à dessein, mais je trouve que ces éléments non historiques n’ont rien à faire dans un tel jeu, ou alors dans une version alternative avec des mods, pourquoi pas. Cela reste bien évidemment mon avis personnel.

D’ailleurs, ces derniers volets ont fait l’objet de mises à jour depuis la sortie de l’extension, et les religions secrètes voient de nouveaux ajouts. Ainsi, des options permettent au joueur de rester caché dans sa pratique de tels sectes, de contacter ainsi les autres membres de pareils cultes, sous peine d’être démasqué et traqué par… Des chasseurs de démons ! J’ai déjà dit ce que j’en pensais plus haut et je rappelle cette chose importante : cette règle peut être désactivée en début de partie. Donc, cela ne froissera pas au final. 

Pour la réalité historique de pareilles croyances au Moyen-Age, je vous conseille plutôt l’excellent Histoire de la sorcellerie de Colette Arnould, grande spécialiste qui livre un ouvrage facile à lire et qui permet de s’y retrouver sur la question. On pourra aussi lire L’histoire du diable de Robert Muchembeld, historien très sérieux et bien connu dans le milieu à ce sujet.

Des ajouts plus généraux

La revue de l’extension se termine avec des aspects plus généraux, mais pas inutiles pour autant. Ainsi, vos conseillers vont avoir une quatrième mission disponible à remplir, comme chasser les hérétiques et autres apostats pour le chapelain de la cour. L’espion pourra, par exemple, préparer une province à un futur assaut, notamment en sabotant les installations militaires. Pratique si on lorgne sur un lieu bien défendu et que sa mission est un succès. C’est là une bonne chose qui permet de varier les approches, tout en restant en partie lié au thème de l’extension.

Notons aussi de nouveaux portraits pour les cultures germaniques et anglo-saxonnes, et cette fois gratuitement, des ajouts pour les alliés en temps de guerre, et la quête pour des reliques religieuses, qui apportent des bonus. C’est là assez intéressant, car ces objets attiraient bien les masses venues parfois de loin, même si beaucoup se sont avérées fausses et firent l’objet d’un commerce assez honteux. Terminons par des actions liées aux prisonniers après les batailles. On peut les tuer, les relâcher ou les rendre contre rançon.

Cela mériterait un travail encore plus poussé, notamment pour le Haut Moyen-Age car c’est justement ce qui se passait. Le grand Georges Duby explique très bien que pendant toute une partie de la période, surtout en Europe de l’ouest, les batailles sont assez peu meurtrières et le but est justement de capturer l’ennemi pour le rendre contre espèces sonnantes et trébuchantes. Là où l’on se bat de manière sanglante dans l’Espagne de la Reconquista, et aux franges du monde Byzantin et slave, ou contre les Vikings, c’est moins le cas ailleurs (ce qui n’exclut pas de grandes expéditions, bien sûr). Tout cela est expliqué de manière lumineuse dans Le dimanche de Bouvines, succès de l’historien que j’ai cité plus haut.

Un patch toujours à la hauteur

Le patch 2.7 qui accompagne la sortie de l’extension, suivant une dynamique déjà bien rodée chez le studio, amène bon nombre de corrections et d’ajouts gratuits (cf. ce changelog). Déjà sur la carte, avec des précisions concernant le cours de fleuves comme le Danube, la localisation de certaines montagnes…Cela ne se voit pas forcément à moins d’y prêter une attention très poussée (voir ce dev diary), mais cela reste appréciable et la carte reste très jolie à regarder malgré les années qui pèsent sur elle.

A côté de cela, le patch clarifie la gestion des intrigues en les rendant plus lisibles. On voit plus clairement ce qu’il est possible de faire, qui soutient quoi et comment. Même chose pour les batailles et la gestion des garnisons, qui ont clarifié de nombreux points : effectifs, possibilité ou non qu’un affrontement survienne dans les provinces d’où sont proches des armées ennemies etc. Ces commentaires peuvent s’appliquer à de nombreux pans du jeu « toilettés » : pour trouver d’autres personnages, pour faire embarquer les troupes etc. Au final, un confort de jeu encore renforcé et l’on n’a pas l’impression d’être perdu. Le patch fait son travail, comme ses prédécesseurs.

Notons un petit DLC supplémentaire pour finir, Hymns of revelation, qui propose de la musique sacrée à 2 euros pour cinq titres connus comme l’Agnus dei. A vous de voir, personnellement je me méfie toujours de constater que les pages de vente de pareils contenus n’indiquent pas les interprètes des musiques concernées…

Dans le proche-orient, la fameuse secte des Assassins. Montrons notre intérêt pour elle…
S’ensuit tout un parcours initiatique fait de choix avant d’y parvenir.

NDLR : vous pouvez désormais retrouver facilement tous nos tests concernant Crusader Kings II et ses nombreuses extensions directement sur cette page spéciale de notre rubrique Tests.

Sur le chemin, certains y perdent la vie !
On peut jouer avec la règle des cultes démoniaques également.. A vous de voir.
Il vous en coûtera quelques deniers bien sûr.
Là, j’ai plutôt choisi d’aider les bénédictins et je reçois quelques premiers avantages.
Un exemple de nouvelle mission pour vos conseillers.
Notes
Multimédia
70 %
Interface
80 %
Gameplay
75 %
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crusader-kings-ii-monks-and-mystics-cierges-et-pentacles-pele-meleMultimédia : de nouveaux portraits et options graphiques liées aux ordres religieux et sociétés secrètes, et là sans DLC cosmétique supplémentaire.<br /> Interface : toujours aussi lisible et fluide, elle remplit parfaitement son travail. Le patch poursuit les mises à jour.<br /> Gameplay : des nouveautés intéressantes, mais des choix discutables à mon sens. Des options historiques qui auraient pu être plus poussées.<br /><br /> Au final je peine à varier mes conclusions concernant les extensions des jeux de Paradox Interactive ces dernières années. Que ce soit Crusader Kings, Hearts of Iron ou Europa Universalis, on est à chaque fois en présence d’un contenu conséquent et de qualité, qui vient étoffer un aspect du jeu jusque-là moins complet. Monks and mystics ne déroge pas à la règle car, avec le patch gratuit, il vient recréer du plaisir de jeu et de la nouveauté dans un ensemble déjà très solide. <br /> Toutefois, cela ne passe pas sans certains choix discutables, comme un patch fait pour donner envie d’acheter un DLC… encore une fois à 15 euros. Après, les achats sont étirés sur des années et supportables pour un fan. Il faut croire que le modèle marche, car le studio le perpétue.