Disponible depuis le 16 novembre, Cradle of Civilization est la onzième extension majeure du prolifique Europa Universalis IV. Accompagnée d’un patch gratuit 1.23 « Persia » dont nous détaillerons les principaux ajouts dans un autre article, elle se penche surtout sur le Proche et le Moyen-Orient, dont beaucoup de mécaniques de jeu sont repensées, alors que de nouvelles sont introduites. Le jeu en vaut-il la chandelle ? C’est ce que nous allons voir !
De nouvelles mécaniques pour le Proche et Moyen-Orient
C’est le cœur de l’extension : offrir aux joueurs de nouvelles possibilités de jeu avec beaucoup de nations musulmanes, surtout celles du Machrek et du monde perse. L’accent est d’ailleurs mis sur les peuples de culture iranienne et permet, mine de rien, de belles parties en perspective, avec une zone très intéressante en termes d’histoire et de possibilités de jeu.
En effet, quand s’ouvre la période couverte par Europa Universalis IV, la fin du Moyen-Age, cette dernière est encore sous l’influence des peuples nomades de la steppe, si bien décrits par Gérard Chaliand. Si ce n’est plus les grandes heures des invasions mongoles, les Timourides sont encore une réalité, ainsi que les différents khanats de la steppe, aux frontières du monde perse et ottoman, qui restent bien présents.
Redessinée par le patch 1.23 dont je reparlerai, la carte de cette vaste région permet donc au joueur de prendre en main les destinées de nombreux États. Tout dépendra de votre date de début de partie, mais il est possible de relever l’empire Timouride alors en pleine perte de vitesse, ou de créer une puissante perse avec la dynastie Safavide. Pour ce faire, vous bénéficiez de possibilités inédites, sur le modèle de celles proposées pour la Russie dans la précédente extension (voir notre test).
Ainsi, plusieurs États dont les Timourides pourront bénéficier de l’iqtâ, système fiscal en vigueur dans de nombreux pays musulmans depuis le Moyen-Age et qui, en termes de jeu, donne des bonus intéressants et changeables tous les 20 ans, notamment une augmentation bienvenue des recettes. Certes, je m’étonne toujours que cela soit disponible jusqu’à la fin des parties, soit au XIXe siècle, comme les Streltsy pour les Russes dont j’avais déjà parlé… Des réalités parfois médiévales ou de la Renaissance ne se sont pas perpétuées sur toute la période, du moins pas sans importants changements.
C’est une tendance générale dans le jeu depuis quelque temps, et l’attention n’est pas assez portée sur la fin des parties à mon sens. Notons aussi que la Perse, si vous parvenez à la former, possède d’autres capacités gouvernementales, uniques et offrant des possibilités de développement à moindre coût, notamment, très intéressantes. Le pays forme alors une théocratie au fonctionnement différent des autres puissances de la région.
A côté de cela, les nombreuses écoles du droit islamique sont désormais représentées dans le jeu, avec une foule d’événements nouveaux, liées à celles-ci et à ce que j’ai déjà dit, d’ailleurs. Concrètement, ces écoles influent sur les relations entre États. Par exemple si deux d’entre eux suivent la même, ils s’apprécieront plus, et l’inverse si ce sont des écoles opposées dans leurs conceptions. On peut même inviter dans son pays des érudits étrangers, liés à son école et celles qui sont proches, ce qui octroie des bonus non négligeables pendant vingt ans. Enfin, par le biais de nombreuses décisions proposées au joueur, on peut s’orienter vers un mysticisme religieux ou plutôt vers le légalisme, ce qui offre divers avantages et inconvénients dans les deux cas. Je vous renvoie aux captures d’écran pour plus de détails. Les mécaniques de jeu sont intéressantes et se prennent en main facilement.
On notera aussi quelques nouveautés administratives et militaires chez les Mamelouks d’Égypte et l’Empire ottoman, qui permettent d’agrémenter vos parties mais ne seront peut-être pas suffisantes pour vous amener à en recommencer de nouvelles avec ces puissants Etats beaucoup joués. Et peut-être trop puissants d’ailleurs… Depuis plusieurs extensions et mois de jeu, invariablement, l’Empire ottoman devient trop fort dans mes parties et atteint une extension un peu irréaliste. Certes c’est un jeu, mais peut-être faut-il repenser l’équilibrage de leur puissance.
Marchands et militaires
Voyons tout d’abord que les marchands peuvent désormais être affectés à d’autres tâches que la « simple » collecte d’argent et le contrôle des flux commerciaux. Ainsi, il est possible de les envoyer dans d’autres nœuds de commerce, notamment pour propager la foi musulmane ou tenter d’infiltrer d’autres États.
C’est historique dans le premier cas, car marins et marchands musulmans connaissaient bien les côtes de l’Océan Indien par exemple, et avec les êtres humains voyagent leurs idées, sans que ce soit toujours conscient ni du fait d’un plan clairement établi d’ailleurs. Cela explique pourtant que l’Indonésie soit, aujourd’hui, en terme numérique, le premier pays musulman au monde, contrairement à des idées reçues. A voir si ces possibilités seront utilisées par les joueurs, car souvent, dans ce jeu, on est tout de même accaparé par une gestion fine de son budget et les marchands participent grandement à l’établissement de revenus importants.
A côté de cela on notera l’arrivée de plusieurs nouveautés militaires plutôt bien vues et, elles, utilisables par tous les États. C’est ainsi le cas d’une valeur qui fait son apparition et se nomme « professionnalisme militaire de l’armée ». Elle est obtenue par le biais d’événements, mais surtout en faisant s’entraîner ses troupes. Cette action est possible lorsqu’elles ont un chef à leur tête. Elles doivent rester statiques et, au prix d’une baisse au minimum du moral, passent leur temps à s’entraîner. Attention, donc, en cas de révolte ou de guerre, car il faudra prévoir quelques mois de remise à niveau dudit moral.
L’avantage est double : déjà elles se comporteront mieux au combat si elles se sont bien entraînées (la valeur décroît avec le temps) et, je l’ai dit, cela fait grimper la jauge de professionnalisme. Concrètement, cela donne des bonus sur le long terme et, lorsque certains paliers sont franchis, octroie de nouvelles possibilités. Je prendrai comme exemple la possibilité de construire des dépôts temporaires de ravitaillement, qui facilitent celui-ci dans les provinces adjacentes. Cela est très pratique lorsque vous projetez d’envahir une région plutôt infertile.
Le système marche bien et illustre la lente professionnalisation des armées au cours de la période envisagée, car arriver à 100% de la jauge prend des siècles, même si je pense que l’on perd de vue un point essentiel en fin de période. Je veux parler de la conscription et de la levée en masse, avec les guerres de la Révolution et de l’Empire. Le jeu manque encore d’une modélisation de cette tendance, pourtant bien faite dans Victoria II, où les mobilisations sont assez bien réussies, certes à une époque qui s’y prête plus. Cela rejoint ce que je disais plus haut, même si avec le système des âges, venu du DLC Mandate of Heaven, les mécaniques révolutionnaires commencent à être présentes dans les dernières années de jeu.
On notera, enfin quelques nouveautés comme la gestion des janissaires dans l’Empire ottoman, troupe particulière et longtemps d’élite, ainsi qu’un DLC cosmétique nommé Content Pack – Europa Universalis IV: Cradle of Civilization. Il comprend des nouveautés graphiques comme des portraits de conseillers perses et des modélisations d’unités de la péninsule Arabique et de l’Asie centrale, sans compter des musiques supplémentaires. Le tout est tout de même vendu 8 euros et est somme toute dispensable.






















