Venant avec le patch 1.28, Golden Century est le 3ème Immersion Pack que nous propose Paradox Interactive pour l’un de ses jeux phares, Europa Universalis IV. Relativement récent, ce type de DLC prévoit de se concentrer sur une région particulière afin d’en revoir les mécanismes et de proposer des ajouts propres à son histoire et sa culture. Cela avait par exemple été le cas avec la Russie et Third Rome, pour un résultat conséquent. Ces extensions sont d’un coût légèrement moindres (10 euros contre 20 habituellement) et se destinent avant tout aux joueurs intéressés par la zone concernée, ici principalement l’Espagne et ses voisins d’Afrique du Nord. Voyons donc ce que nous propose ce nouvel épisode d’une longue série de DLC pour le jeu.
Un renouveau de la péninsule ibérique et du Maghreb
Le nom du DLC fait référence à une expression historique assez connue : on dit de l’Espagne qu’elle a connu un « siècle d’or » (siglo de oro), soit une période d’intense activité culturelle, militaire et de prospérité économique sans précédent, notamment liée à la découverte de l’Amérique. Liée à son immensité territoriale sous Charles Quint, qui réunit les possessions d’Autriche, d’Espagne et de Bourgogne elle en fait un ensemble politique assez unique dans l’histoire. Jusqu’à la guerre de Trente Ans (1618-1648) le pays, qui règne aussi un temps sur le Portugal, semble invincible, ce qui ne fut évidemment pas le cas.
Ainsi, on a la possibilité de rejouer cette puissance fascinante, avec une carte de la péninsule ibérique retravaillée. L’Espagne possède désormais un arbre de missions revu, des ajouts cosmétiques pour ses navires, une nouvelle doctrine navale et peut établir des ordres religieux dans ses provinces, notamment les Jésuites et les Dominicains, qui vont aider à réduire l’agitation. A noter que qu’une partie de ces nouveautés (unités, missions) sont aussi disponibles pour le Portugal et des pays plus mineurs comme Grenade et la Navarre, vite absorbés par les autres et difficiles à jouer dans ce dernier cas.
C’est assez bien vu, mais, honnêtement, on aurait aimé beaucoup plus… Avec pourquoi pas la modélisation des Cortes, sorte d’équivalent aux états généraux français, et des décisions plus locales de créations d’arsenaux, comme au Ferrol au XVIIIe siècle, histoire d’agrémenter les milieux/fin de parties. Finalement, les ajouts purement ibériques ne sont pas légion… D’ailleurs, pourquoi ne pas modéliser les ordres religieux ailleurs ? Les Jésuites jouèrent un rôle très important dans la réforme catholique et « arrachèrent » en grande partie la Bohème au protestantisme. Ils ne sont pas qu’espagnols, loin de là.
Heureusement, les révisions concernent aussi l’Afrique du Nord. La région est très intéressante à jouer, même si, il faut être honnête, pas facile. Très tôt une IA espagnole ou portugaise vous attaque si vous jouez Tunis ou le Maroc, et ce n’est pas toujours simple de se défendre. C’est dommage car on a là aussi des arbres de missions revus, des ajouts graphiques et liés aux pirates (voir plus bas) qui laissent espérer une unification du Maghreb avec l’État que vous aurez choisi. A vous ensuite de louvoyer entre Europe, Mamelouks puis Ottomans toujours plus menaçant, et pourquoi pas s’agrandir vers l’Atlantique ? Les nouvelles capacités sont intéressantes et méritent le détour, on est heureux que les développeurs se penchent aussi sur cette région et pas seulement l’Espagne. Si quelques missions évoquent sa relation avec les Turcs, là encore, on aurait voulu plus.
Les républiques pirates
Forgée par des siècles de romans d’aventures, puis par des décennies de cinéma de plus ou moins bonne qualité, notre image de la piraterie tourne généralement autour de quelques clichés. On s’imagine de grands gaillards passablement ivres, pillards, mais finalement assez sympathiques et en lutte contre des pouvoirs étatiques généralement présentés comme «méchants ». Le jeu vidéo l’a bien compris et utilise cette thématique qui vend. Sans aller jusque-là, l’extension permet la création de « Républiques pirates », avec des élections, des factions, des bonus accordées aux flottes…
On peut aussi transformer certains pays comme ceux du Maghreb en de telles Républiques. Disons-le dès maintenant : c’est sympathique, permet de bien s’amuser… J’ai ainsi créé une fausse république pirate dans les Antilles, me suis développé avant l’arrivée des colonisateurs et ait réalisé une bonne partie ; mais c’est totalement irréaliste. Certes un jeu vidéo n’est pas un calque de la réalité, mais les historiens ont montré que jamais les pirates n’avaient été assez puissants pour créer un État viable. Il y eut des essais plus ou moins légendaires sur la côte de Madagascar, à l’île de la Tortue et aussi avec le fameux Jean Laffitte dans le sud des États-Unis au début du XIXe siècle, mais c’est tout.
Jamais les États européens n’ont laissé ces gêneurs trop se développer : ils le faisaient surtout en temps de guerre lorsque les marines étaient occupées à autre chose. De plus, la frontière entre piraterie et course resta floue et on sait que la France, toujours à la traîne pour trouver de bons marins, utilisa les services de pareils personnages, notamment pour attaquer Rio de Janeiro en 1711. Quant à la guerre de course en Méditerranée, elle eut ses propres aspects, mais il est impensable de voir une puissance du Maghreb se déclarer « République pirate » pour la période considérée. Certes, la guerre de course y joua un grand rôle, mais ces Etats ne furent jamais gouvernés par ces marins et restèrent des monarchies, puis, à part le Maroc, entrèrent sous la domination ottomane.
Bref, c’est amusant, mais trop peu réaliste et surtout pour l’échelle mondiale telle qu’elle est modélisée dans Europa Universalis IV. Dans un jeu centré sur les Caraïbes ou le bassin Méditerranéen pourquoi pas, mais là les mécanismes sont trop « gros ». Il n’y eut pas en Amérique de « flottes pirates » avec une dizaine de navires de ligne… Ils préféraient les petites embarcations plus rapides et cherchaient à éviter le combat avec les marines de guerre autrement plus puissantes. On peut lire Jean-Pierre Moreau et son Histoire des pirates à ce sujet.

Une foule d’ajouts plus généraux
Pour terminer, on trouve une foule d’ajouts plus généraux… Mais aussi généreux ! Dans le domaine naval on trouvera la possibilité de nommer un navire-amiral, qui donnera des bonus à la flotte avec laquelle il combattra ou protégera le commerce. La pratique exista, et est à coupler avec la possibilité accrue pour les flottes d’influer sur les sièges de villes côtières, notamment en bombardant les murs depuis la mer. C’est très bienvenu et historique (je pense par exemple au siège de Toulon en 1707), mais devrait être encore plus poussé. Pourquoi ne pas créer un nouveau type de navire en jeu, comme la galiote à bombe ? Petit bâtiment justement utilisé dans les eaux côtières pour attaquer les ports avec de puissants mortiers. Louis XIV les utilisa. Encore une fois, les ajouts sont là, mais pas exploités au maximum et c’est un peu dommage.
Il est aussi possible de coloniser en se servant de minorités non acceptées dans votre pays, à la place d’envoyer un colonisateur. On pense par exemple aux fameux « pères pèlerins » qui partirent d’Angleterre pour aller aux États-Unis… S’ils sont encore vantés par Thanksgiving, on oublie souvent de dire que c’étaient des Puritains rigoristes, qui n’étaient plus les bienvenus dans leur pays d’origine. L’idée, en purs termes de jeu, n’est pas inintéressante, même s’il on prend le risque de créer des colonies à termes hostiles… Mais ne peut historiquement être étendue à tous les États présents dans Europa Universalis.
Par exemple, en France, l’essai de colonies créées par des protestants tourna court très rapidement, et, de manière générale, les Français émigrèrent peu : l’immense nouvelle France était presque vide au moment où elle fut perdue en 1763. Finalement, à trop généraliser, le jeu finit par donner dans l’approximation et véhicule des clichés dommageables. Certes ce n’est qu’une œuvre de fiction, mais il est toujours possible d’être plus rigoureux.

Vous trouverez le détail du patch 1.28 sur cette page du wiki officiel. Mise à jour qui à nouveau corrige de nombreux aspects du jeu, et ajoute du contenu tant pour le jeu de base que pour ce DLC.












