Voici un exemple intéressant d’une bataille rapide et intense telle que l’on peut en jouer dans le troisième volet de Jagged Alliance. Suite réussie qui allie de nombreux choix tactiques à une part de hasard certes parfois trop erratique, et offre globalement un jeu très riche en variations, en liberté de choix et d’action, et même en rejouabilité. J’ai rejoué par curiosité cette mission du début du jeu, ici au niveau de difficulté Commando, niveau intermédiaire, et j’ai obtenu un résultat très différent de ce que j’avais essayé précédemment, résultat tout aussi amusant même si là je savais à quoi m’attendre.
Tout d’abord, parlons un peu du jeu en général, et d’un aspect qui suscite à juste titre la controverse : le butin aléatoire.
Dans cette partie j’utilise le mod officiel Scrounge, petit mod qui permet de fouiller un secteur pour récupérer quelques grenades et objets divers supplémentaires. C’est utile en début de partie quand les ressources du joueurs sont d’une part très limitées, et d’autre part dépendent en trop grande partie des tirages aléatoires du butin.
Cet aspect impacte particulièrement le choix des armes jouables, fonction des munitions que l’on trouve. Par exemple lors de précédents essais, je trouvais beaucoup d’armes de calibre 5,56 mm, et vraiment très peu de cartouches de 5,56 mm. Comme j’avais également peu trouvé de poudre pour fabriquer des munitions, je me suis retrouvé pendant longtemps avec un tas d’armes quasi inutilisables. Un comble, car les miliciens que je recrutais en parallèle disposaient eux d’armes du même calibre, avec les munitions à volonté nécessaire.
Cet exemple montre assez bien comment les tirages aléatoires peuvent impacter négativement le gameplay, cela dit, on trouve dans le jeu au fil des nombreuses missions d’autres armes, donc on parvient toujours plus ou moins vite à bien s’équiper. Ce défaut des résultats aléatoires est surtout frustrant quand les tirages s’obstinent à vous donner autre chose que ce dont vous avez besoin (typiquement beaucoup de munitions de 9mm).
Jagged Alliance 3 repose comme ses prédécesseurs sur un principe de gestion de la rareté. C’est très bien, cela incite beaucoup le joueur, surtout en début de partie, à bien optimiser les ressources à sa disposition, et à chercher comment en trouver d’autres. C’est ce dernier point qui a été plutôt manqué dans Jagged Alliance 3, car si on parvient à trouver plus ou moins facilement des sources de revenus financiers, on peine beaucoup trop à trouver des lieux d’approvisionnement. Alors même que le pays dans lequel on évolue est censé grouiller de bandits surarmés et autres trafiquants en tout genre.
Par exemple, il n’y a qu’un seul vendeur chez qui acheter de la poudre à fusil, et il se situe à l’autre bout de la carte… Autant dire qu’avant d’y arriver, cela sera fastidieux, et de plus, même quand on l’a trouvé, comme ce vendeur ne fournit que de petites quantités il faudrait alors y retourner plus ou moins régulièrement, ce qui représente une nette perte de temps vu le trajet à effectuer pour pas grand chose. On se demande pourquoi les développeurs ont eu l’idée de limiter si maladroitement les vendeurs d’armes et de matériels, il aurait suffit de simplement dupliquer ce personnage basique dans plusieurs villes / villages de la carte. Ainsi le joueur aurait eu à disposition plusieurs petites sources d’approvisionnement en poudre noire, cela n’aurait pas déséquilibré le jeu vu le peu vendu par le vendeur, mais aurait diminué le défaut des résultats aléatoires, et même aurait meublé un peu plus certains secteurs.
Ce n’est pas pour rien qu’un précédent patch a ajouté une mission d’interception d’un convoi d’armement ennemi, dans lequel on a une chance élevée de trouver de la poudre à canon. Un autre moyen pour compenser ludiquement l’excès de rareté pouvant arriver avec des tirages aléatoires trop fréquents. Ce défaut agaçant n’empêche pas du tout le jeu d’être très jouable, il donne juste un sentiment de grande incohérence. Le prochain patch 1.3 qui ajoutera l’armurerie de Bobby Ray devrait nettement faire oublier ce défaut de gameplay.
Revenons à nos mutins.
En début de partie, les maraudeurs de la Légion de Grand Chien, ils se prétendent légionnaires mais sont en fait un ramassis de brigands, souvent mal équipés, souvent mal entraînés, mais souvent très violents, ces bandits de grand chemin qui ont fait main basse sur la moitié du pays viennent de prendre le contrôle de la petite île d’Ernie. C’est à ce moment que le joueur hérite d’une situation sanglantement explosive, en débarquant justement avec quelques héroïques commandos de l’agence A.I.M. pour mettre un terme à ce chaos.
Les six secteurs qui composent l’île d’Ernie forment l’équivalent d’un long didacticiel, durant lequel le joueur va pouvoir découvrir les principaux mécanismes du jeu, et expérimenter un peu avec. Jagged Alliance 3 étant un grand bac à sable, on peut tout à fait quitter l’île d’Ernie rapidement pour débarquer sur le continent et avancer plus vite vers différents objectifs. Dans ce cas on peut continuer en parallèle la libération de cette petite île, dès lors qu’on aura les finances nécessaires pour recruter quelques mercenaires supplémentaires.








Il est toutefois préférable si l’on débute de terminer cette partie du jeu car elle permet entre autres de gagner d’utiles points d’expériences et de récupérer un peu de matériel. Et puis il y a plusieurs scènes amusantes, ce qui fonction des personnages que vous avez recruté peut donner lieux à des répliques croustillantes, l’un des points forts du jeu.
Dans l’un des secteurs de l’île d’Ernie, il y a un bunker souterrain qui sert de dépôt à la Légion de Grand Chien. Une fois que l’on a éliminé les gardes à l’extérieur, on peut descendre affronter ceux retranchés à l’intérieur. En plus de pouvoir trouver un objet très utile pour une mission secondaire, en vidant le bunker de ses défenseurs on affaiblira les défenses de l’avant-poste ennemi voisin. Je ne vais pas tout vous expliquer ici, en résumé disons juste qu’un des ingénieux mécanismes de Jagged Alliance 3 est que les différents avant-postes adverses peuvent être affaiblis en effectuant des petites missions secondaires dans les alentours. C’est optionnel, incite à l’exploration, et concrètement, cela réduit le nombres de soldats ennemis présents lorsque vous vous lancez à l’assaut d’un avant-poste. Le désavantage étant que faire plusieurs missions secondaires prend un peu plus de temps, or dans le jeu, le temps c’est de l’argent, donc c’est au joueur de bien gérer son budget fonction des salaires de ses mercenaires, des temps de déplacement, des temps de repos et / ou de guérison, etc. Rien de très compliqué, mais il vaut mieux bien calculer ses actions sur la carte stratégique.
Sans être très difficile, ce combat dans ce bunker peut s’avérer délicat du fait de la configuration étroite de la carte. Quand on entre dans le bunker, passé un couloir a priori vide (il peut y avoir deux gardes si vous ne les avez pas éliminés avant), vous ouvrez une grande porte métallique et vous vous retrouvez assez logiquement quasi nez à nez avec les ennemis retranchés. Il est donc très difficile de jouer sur la furtivité, un élément du jeu qui aide beaucoup le joueur à prendre par surprise l’ennemi sur de nombreuses autres cartes (et même qui permet un peu trop facilement d’abuser des limites de l’IA, mais c’est un autre sujet).
L’action va donc ici beaucoup dépendre des compétences spéciales de vos commandos, sachant qu’en début de partie ils sont pour la plupart peu expérimentés, cela limite les possibilité de variations tactiques.
Dans un précédent essai, j’avais opté pour une approche plus prudente. C’est à dire, je m’étais positionné à moitié à couvert en haut au niveau de l’escalier, laissant l’ennemi avancer et le bombardant de quelques cocktails molotovs, tant pour économiser les autres grenades que j’avais (elles seront plus utiles par la suite) que pour blesser voire faire paniquer certains défenseurs. Cette approche peu subtile mais efficace avait dans l’ensemble très bien fonctionné, je m’étais emparé assez facilement de l’endroit.
Néanmoins je me demandais si sur une petite carte très dirigiste comme celle-là (il n’y a qu’un couloir et une grande porte par laquelle entrer dans une unique grande salle) il n’était pas possible de jouer ce combat de façon radicalement différente. Oui, bien sûr, en utilisant bien, ou disons mieux, certains mercenaires, et en ayant un petit peu de chance au tout début du combat.
Notez que certains mercenaires étant claustrophobes, leur moral sera un peu réduit dans un lieu souterrain, ils auront alors un petit malus en points d’action.
L’idée était ici d’essayer de faire rentrer discrètement mes commandos dans la salle principale, en éliminant très très rapidement et silencieusement le premier garde, afin que les autres défenseurs positionnés un peu plus loin dans la grande salle ne soient pas alertés, soit par le bruit d’un tir, soit par un cri d’alarme. J’étais plutôt sceptique en démarrant cet essai, car dans le jeu le bruit peut facilement alerter un garde proche. Voire même, si un garde en mouvement a une ligne de vue sur un autre, il peut par exemple voir un corps gisant au sol (on ne peut pas dissimuler un corps dans Jagged Alliance 3). Bref, parfois certains facteurs font que l’on déclenche vite l’alarme générale. Jagged Alliance 3 comporte une bonne part de gameplay d’infiltration, mais les développeurs ont toujours clairement dit que le jeu n’est pas un jeu d’infiltration, les combats restent le cœur du sujet, et ont donc parfois facilement tendance à se déclencher (surtout si l’on n’est pas très prudent / bien équipé / expérimenté).
Premier exemple, je rate immédiatement ma tentative (un essai, pour voir, ne mettant pas assez vite le jeu en Pause), le garde sonne l’alarme et se réfugie à couvert.
Deuxième essai. Notez ici que Fox utilise le pistolet de Blood. Un 9mm avec un bon silencieux, un peu plus efficace dans certains cas (tirs critiques), mais que je n’ai pas pour le moment dans cette partie mieux modifié pour être un peu plus efficace encore (ex : portée de tir, précision, etc.).
Puis j’utilise après la compétence spéciale de Fox. Comme le tir furtif est réussi, malgré qu’il soit un peu bruyant, les ennemis sont brièvement Surpris, je peux enchaîner tout de suite d’autres mouvements avant que les ennemis se repositionnent.
Plutôt que de longues descriptions, voyez la suite en images, elles sont assez parlantes.
Alors vous allez peut-être penser que, présenté ainsi, ce combat est trop facile. Oui et non, cela dépend vraiment de votre maîtrise du gameplay, et de vos choix de personnages et d’équipement. Là par exemple, si on rate l’effet de surprise avec Fox, les maraudeurs se repositionnent aussitôt, et parfois arrosent copieusement vos mercenaires plutôt peu à couvert. Vous ne perdrez probablement pas cette bataille, les ennemis ici sont de bas niveau, mais vous aurez alors probablement des blessés graves.
Cet exemple vous montre un aspect de la versatilité du moteur de Jagged Alliance 3. On peut certes exploiter certaines faiblesses du gameplay et de l’IA, et ainsi à juste titre trouver le jeu trop facile (d’autant plus pour un joueur vétéran de ce type de jeux). On peut aussi opter pour des combinaisons de personnages très variées et alors obtenir des combats dont le cours change nettement. Sans même parler ici de certains mods susceptibles également de varier le gameplay. Par exemple, ce même combat mais avec trois mercenaires au lieu de cinq serait assez différent dans son déroulé.
Il reste évidemment à souhaiter que les développeurs continuent de perfectionner le gameplay, ce qui semble être leur volonté comme l’a clairement montré le récent patch 1.2. Ainsi plus de joueurs auront au fil des futurs patchs plus d’options pour jouer selon leurs préférences, et profiter pleinement d’un bac à sable vidéoludique vraiment très amusant.





Derniers mots
Au-delà de la belle réussite de cette petite bataille, qui s’est déroulée deux fois mieux et plus vite que je ne pensais, grâce à un bon positionnement et à plusieurs tirs chanceux, il faut aussi l’avouer, au-delà de cet exemple, cet AAR vous donne un aperçu du nombre de combinaisons possibles dans le jeu.
Cette même bataille aurait pu se dérouler de manière très différente. Dans un précédent essai, j’avais raté l’infiltration, deux de mes mercenaires ont été aussitôt mitraillés et sérieusement blessés. Si indéniablement le gameplay de Jagged Alliance 3 comporte des défauts, des faiblesses que l’on peut exploiter, le jeu est toutefois un superbe bac à sable tactique et stratégique pouvant offrir de nombreuses situations très amusantes. Sans même parler de l’humour, point fort du jeu, que l’on voit peu ici. Les futurs patchs vont très certainement continuer d’affiner une formule globalement très réussie.
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Pour plus d’informations sur Jagged Alliance 3, voyez cette page sur Steam et le site officiel. Voir également notre article Jagged Alliance 3 : création de son héros et caractéristiques des commandos (la seconde partie est par ici et la troisième par ici), puis dans nos archives les précédents articles.
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