Québec 1759-1760 ! Les plaines d’Abraham – L’adieu à La Nouvelle-France ?

Le Canada dans la guerre de Sept Ans (1756-1763)

Québec 1759-1760 ! Les plaines d'Abraham - L'adieu à La Nouvelle-France ?La guerre de Sept Ans est la première guerre d’envergure mondiale avec un système d’alliance regroupant d’une part la Grande-Bretagne, la Prusse et le Portugal contre la France, l’Empire des Habsbourg, la Suède, la Russie et l’Espagne. Elle est menée en Europe, en Inde et en Amérique, ainsi qu’en mer. En Amérique du Nord, la Grande-Bretagne et la France, empires rivaux, luttent pour la suprématie. Aux États-Unis, le conflit est connu comme la guerre contre les Français et les Indiens. Dès le début de la guerre, les Français, aidés par la milice canadienne et leurs alliés autochtones, repoussent plusieurs attaques et prennent bon nombre de forts britanniques. Le vent tourne quand les Britanniques prennent Louisbourg en 1758, Québec en 1759 et Montréal en 1760. Par le traité de Paris, la France cède officiellement le Canada à la Grande-Bretagne. C’est ainsi que la guerre des Sept Ans pose la fondation biculturelle du Canada moderne.
Le contexte

L’ouvrage Québec 1759-1760 ! Les plaines d’Abraham. L’adieu à La Nouvelle-France ?, Economica, 2007, de Gérard Saint-Martin apporte une approche globale, subordonnant les faits à la conjoncture et surtout aux données structurelles : l’immensité et la nature du territoire disputé, la dépendance de la terre à la mer par où parviennent les hommes, les armes et les subsides. La fondation, la défense puis la perte du Canada, partie emblématique du premier empire colonial français, évoquent chez les Français d’aujourd’hui le souvenir diffus d’une histoire commune. Qu’en est-il au juste ?

La guerre de Sept Ans oppose la Grande-Bretagne, la Prusse et Hanovre à une alliance regroupant la France, l’Autriche, la Suède, la Saxe, la Russie et, plus tard, l’Espagne. Le conflit témoigne de la rivalité commerciale et impériale entre la Grande-Bretagne de George II et la France de Louis XV, ainsi que de l’hostilité entre la Prusse de Frédéric II, alliée de la Grande-Bretagne, et l’Autriche de Marie-Thérèse d’Autriche, alliée de la France. Tout en impliquant d’autres empires et rivalités à l’image de l’Empire portugais de José Ier qui entre en guerre dans le camp de la Grande-Bretagne contre l’Espagne de Carlos III, la Russie de Elizabeth Ire et la Suède de Adolphe-Frédéric. En Europe, la Grande-Bretagne envoie des troupes pour aider la Prusse entourée par l’ennemi. L’auteur analyse durant le siècle et demi qu’a duré la souveraineté française, dans son contexte géopolitique mondial, avant même d’étudier l’ampleur des données géostratégiques de cet affrontement maritime et continental, la spécificité des stratégies opérationnelles, la composition, l’équipement, l’armement des forces, l’opposition des tactiques.

Analyse du livre

Pour George II, la guerre a pour but principal de détruire la France en tant que concurrent commercial. Elle s’attaque donc en priorité à la marine et aux colonies françaises. La France s’est engagée à combattre en Europe pour défendre son alliée, l’Autriche. Elle a donc peu ressources pour ses colonies et démontre peu d’intérêt. Le colonel Gérard Saint-Martin, docteur en histoire, place son étude dans le courant du renouveau de l’histoire militaire en France auquel il a participé par sa thèse devenue ouvrage de référence, (L’Arme blindée française, 2 tomes, Économica, 1998-2000). L’auteur, mort en 2015, était colonel en réserve de l’arme blindée, Gérard Saint-Martin a servi au Commandement des écoles de l’armée de Terre et participé à la formation des stagiaires du Collège interarmées de Défense.

Son étude renouvelle non l’histoire de la Belle Province, mais celle de sa défense contre les Anglais jusqu’aux glorieuses batailles perdues sur les hauteurs des Plaines d’Abraham en 1759 et 1760. Bien que dans un langage simple et parfaitement compréhensible, l’ouvrage s’adresse avant tout aux spécialistes et étudiants ayant des connaissances sur la guerre de Sept Ans et la guerre dans le Nouveau Monde. Le conflit commence en 1754 dans la vallée de l’Ohio, réclamée à la fois par les Français et les Britanniques. La supériorité de la Navy fait la différence plus encore que l’infériorité numérique française.

Louis XV doit consacrer prioritairement son effort de guerre à la défense du territoire national contre des ennemis continentaux que le souverain anglais incite parfois et finance souvent. L’Angleterre toutefois ne se résout à l’affrontement décisif, seulement pour ouvrir à ses colonies nord-américaines les routes de l’Ouest que les Français menacent de barrer, des Grands Lacs au delta du Mississipi. En 1753, les Français construisent des fortifications dans la région pour renforcer leur position. Le gouverneur de la Virginie, colonie britannique à l’époque, réagit en envoyant George Washington, colonel de la milice, à la frontière de l’Ohio. Washington attire un petit détachement français dans une embuscade, mais est ensuite défait par une autre force française, plus nombreuse. Avant même que la guerre soit déclarée officiellement, les Britanniques préparent un assaut contre les Français en Amérique.

Il n’en fallait pas moins, tout au long de cette approche croisée, exposer les phases et l’originalité d’une compétition rythmée par les guerres européennes, cartographier l’expansion et le repli des Franco-canadiens, décrire le déroulement des principaux sièges et rencontres ; justifier l’établissement des forts et expliquer la difficulté de leur approvisionnement, rappeler le rôle des Amérindiens pratiquant « leur guerre », suivre l’engagement saisonnier des miliciens au rythme des exigences agricoles, noter la trop rare participation des troupes réglées. On regrettera cependant la complexité de l’ouvrage qui n’est pas destiné à tous les lecteurs. L’ouvrage est disponible sur Amazon, la Fnac et Rakuten au prix de 30€, un rapport qualité prix parfaitement adapté pour un ouvrage de qualité.

Le major général Edward Braddock et deux régiments de l’armée régulière y sont envoyés à cette fin en 1755. D’autres troupes sont levées dans les colonies et une attaque sur quatre fronts se prépare contre le Fort Niagara, le Fort Beauséjour sur la frontière de la Nouvelle-Écosse, le Fort Duquesne sur la rivière Ohio et le Fort Saint-Frédéric sur le lac Champlain. Le nombre écrasant de colons britannique force les Français à céder du terrain petit à petit.

Comment l’arrivée de Montcalm fit-elle cependant souffler pendant trois ans un vent de victoires des Franco-canadiens sur les Anglo-américains ? En quoi la célèbre bataille perdue par Montcalm devant Wolfe, tombés tous deux au cours du combat, sur les Plaines d’Abraham, le 13 septembre 1759, a-t-elle été funeste au Canada français ? Pourquoi la dernière bataille, gagnée pour l’honneur, sur ces mêmes Plaines, par le chevalier de Lévis devant Murray, le 28 avril 1760, est-elle souvent passée sous silence ?

Les réponses nuancées, clairvoyantes et émouvantes de l’auteur à ces questions expliquent pourquoi le souvenir de la Nouvelle-France perdure au Québec. Elles doivent inciter, deux siècles et demi après les batailles des Plaines d’Abraham et en ce 400e anniversaire de la fondation de Québec par Samuel de Champlain, Français et Canadiens à redécouvrir ces pages communes, exaltantes et douloureuses, de leur Histoire. Cependant, l’ouvrage n’oublie pas d’analyser la conduite des dernières opérations, preuve de la valeur militaire du marquis de Montcalm et surtout du chevalier de Levis, parfois occultée par le sacrifice de l’un et le panache de l’autre. Les notes renvoyant aux sources françaises et canadiennes, la bibliographie sélective bilingue, les 15 cartes et croquis, une chronologie comparée, la qualité de la reproduction des uniformes et de l’armement, un index et une table des matières détaillée font de ce livre, vivant et plaisant à lire, un outil de travail modèle.

Vous pouvez retrouver deux vidéos sur le Canada dans la guerre de Sept Ans sur ma chaine YouTube : Le Canada dans la guerre de Sept Ans et Le marquis de Montcalm : le héros du Canada.

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