Dix septembre 1939 ; depuis le premier du mois les forces allemandes épaulées au sud par trois divisions slovaques ont entamé l’opération Fall Weiss (le Plan Blanc) visant à envahir puis annexer la Pologne et renverser la Deuxième république polonaise. Dans ce second scénario de la campagne allemande de l’extension intitulée Blitzkrieg, Order of Battle nous offre -une nouvelle fois- de revivre les combats ayant abouti à la chute de la capitale polonaise.

« Une nouvelle fois » car force est de reconnaître que cette opération, comme celles qui suivront sont devenues au fil de la parution des wargames successifs depuis quelques dizaines d’années, le passage obligé de chaque campagne allemande respectant un tant soit peu le déroulement classique de l’Histoire de la Seconde Guerre mondiale. L’intérêt de chaque développeur désireux d’aborder ce thème étant d’adopter l’approche originale, qui permettra aux joueurs d’avoir en même temps l’impression de retrouver ses marques et d’être agréablement surpris par les scénarios proposés.

Sous ces deux aspects, il me semble que Order of Battle a su se démarquer de ses concurrents en offrant une entrée en matière relativement inédite, avec un premier scénario intéressant intitulé Mława, puis celui-ci abordant la bataille pour Varsovie de manière sensiblement originale.

Au travers d’une très grande carte très agréable, aux objectifs variés et proposant d’envisager la bataille à venir sous plusieurs angles. Cela se traduit, à la fois clairement et subtilement, dans le briefing d’introduction. Trente tours maximum ! Le joueur novice sera tenté de penser qu’il aura donc tout le temps nécessaire à boucler le scénario mais les choses risquent de ne pas être aussi simples que cela incite à le croire. La subtilité réside dans l’énoncé du second objectif nécessaire pour une victoire majeure : Capturer OU encercler Varsovie. Comme nous le verrons par la suite, le distinguo entre capturer la ville ou l’encercler, voilà qui peut faire la différence entre victoire et défaite !

Le créateur de ce scénario ayant prévu d’attribuer vingt points de ressources supplémentaires par tours, il devrait être possible de restaurer les unités diminuées par les combats à leur plein potentiel entre les batailles, ce qui est toujours un fort avantage. Ceci étant, n’oublions pas que les polonais vont ici défendre ce qu’il reste d’intégrité à leur nation donc les affrontements risquent d’être rugueux ; prudence !

Deux objectifs principaux sont proposés, chacun représentant une difficulté relative. Le premier, détruire quarante unités terrestres chez l’adversaire parle de lui-même et sa résolution devrait couler de source avec le déroulé du scénario. Le joueur aura cependant intérêt à garder en tête, dans ce but, le fait que la priorité devra être donnée à l’élimination des troupes ennemies, quitte à ralentir une avance ou divertir une unité de sa route.

Le deuxième objectif contient dans son énoncé la subtilité évoquée plus haut. Il y est question de capturer OU encercler Varsovie. L’étude attentive de la carte nous renseigne sur les moyens nécessaires pour accomplir cette dernière tâche.

À l’est, au nord-est comme au sud-est de la capitale polonaise se trouvent en effet trois drapeaux dorés représentant des voies d’approvisionnement. Chacune d’elle permet symboliquement à la ville de maintenir son niveau de ravitaillement. Ce sont donc ces trois emplacements qu’il conviendra de capturer et sécuriser.

Au sud-ouest se trouvent occupées deux localités, par des troupes de l’Axe que le joueur ne contrôlera pas durant le scénario. Agissant d’elles-mêmes sous la houlette de l’ordinateur, ces unités vont subir l’assaut initial représentant la tentative de contre-attaque polonaise qu’il faudra repousser. Notons tout de suite que lors d’une toute première partie, confiant dans les compétences tactiques de l’IA, j’avais laissé ces bougres gérer isolément la situation… Je n’épiloguerai pas sur le résultat mais disons que pour une fois, l’IA s’en sort mieux en phase d’attaque !

 

 

La véritable “efficacité” de la Luftwaffe en ce 13 septembre 1939. Une jeune polonaise découvre le corps de sa sœur tuée “gratuitement” par des pilotes allemands.
T1. Au nord-est l’opposition paraît faible mais les polonais disposent d’unités d’infanterie bien plus résilientes et dangereuses que leur cavalerie.
T1. À l’est, rien de vraiment inquiétant, si ce n’est la présence de ponts qu’il faudra franchir avec prudence ; ici également, la reconnaissance sera vitale.
T1. Les joueurs méticuleux devront peut-être -selon les circonstances- renoncer à certains objectifs secondaires ; seule compte la victoire finale !
T1. Les combats dans la région de Kutno, lieu de la contre-offensive désespérée des polonais.
T1. Varsovie, élément catalyseur de ce scénario mais dont la destruction totale ne représente pas la voie la plus facile à suivre pour gagner la partie.
Le soutien efficace d’une escadrille de Messershmitt BF-110D révélera ici toute l’efficacité de la Luftwaffe ; un atout à ne pas négliger
La forteresse de Modlin dont le terrain d’aviation, futur emplacement de l’actuel aéroport de Mazovie Varsovie-Modlin, sera aménagé par les allemands et utilisé par la Luftwaffe à partir de 1940.
Les nombreux cours d’eau au sud-ouest, s’ils facilitent la défense de l’unique aérodrome au sud de Varsovie seront également gênant pour progresser lors de l’offensive vers la capitale.
Au douze septembre, affaiblis par l’aviation allemande et ralentis par le terrain, les polonais marquent le pas à Kutno. Mais si l’objectif secondaire est réalisé, les combats désespérés dans la région perdureront au point d’installer une indécision pendant plusieurs tours encore.
La réaction tardive et pour le moins timorée des alliés de la Pologne va instaurer un sentiment de rancœur tenace, jusqu’à nos jours, dans la mémoire collective du pays.

Les premiers tours servent, au nord, à tester les positions adverses et jauger l’endroit le plus propice à une percée en direction des objectifs d’encerclement. La stratégie est relativement simple et souple ; tater le terrain pour la prise éventuelle de la ville, tout en progressant vers la capture des trois voies de ravitaillement. Selon la tournure des événements, il sera peut-être raisonnable de viser la réalisation des conditions secondaires de victoire. Les bonus offerts étant toujours intéressant.

Les dix premiers tours voient les troupes auxiliaires repousser relativement aisément la contre-attaque polonaise dans la région de Kutno. Ceci dit, lors d’une partie précédente, livrées à elles-mêmes ces unités furent submergées. C’est en conséquence que je décidais de leur octroyer le soutien d’une escadrille de Messershmit BF-110 ; des chasseurs bombardiers opportunément polyvalents, sachant que l’un des objectifs secondaires concerne l’annihilation de ce qu’il reste d’aviation polonaise. Juste de quoi aider à faire pencher la balance en faveur de mon camp. Dans le même laps de temps, une unité de chars éclairée par des Panzerwagen de reconnaissance et protégée par de la Flak automotrice se rendent maîtres de l’objectif sud, puis commencent à progresser vers celui situé directement au nord. Ce faisant, ils tombent sur un aérodrome de fortune peu défendu. L’occasion est belle d’amputer un peu plus les forces aériennes polonaises.

Après avoir affronté une résistance modérée au niveau du village de Pułtusk, le kampfgruppe nord semble s’être ouvert la voie vers son premier objectif. Comme lorsque l’on fait sauter un verrou, l’enchaînement des opérations suivra rapidement son cours ; les forces polonaises, trop peu nombreuses, mal organisées et technologiquement inférieures seront annihilées les unes après les autres, méthodiquement.

Pour conclure cet article très condensé -ce scénario assez long et dense nécessiterait amplement le double de signes- je pourrais épiloguer sur des aspects techniques relatifs au jeu lui-même, avec une IA qui ici, en charge d’une partie des unités du joueur se montre frustrante. Elle démontre, si besoin en était, à quel point cette partie du développement d’un jeu se voit encore largement sous évaluée comparativement à d’autres aspects, tels que les graphismes ou les animations. Cependant, ce que personnellement je retiens de cette partie couvre une autre facette, elle aussi trop souvent réduite à une évaluation secondaire, par les testeurs cette fois. Il s’agit évidemment du plaisir procuré par le scénario. De ce point de vue, celui-ci m’est apparu comme une jolie réussite.

Son défaut majeur serait peut-être une durée excessive, en se plaçant du point de vue d’un joueur disposant d’un temps de jeu limité ; c’est d’ailleurs une remarque valable pour nombre de scénarios dans Order of Battle. Pour le reste, la carte se révèle agréablement constituée ; les objectifs de victoire variés ; les unités assez judicieusement placées et l’action permanente. Stratégiquement, le défi d’accomplir tous les objectifs secondaires s’avère correctement adapté au temps imparti, signe d’un scénario plutôt bien équilibré et au final, le joueur sera dans la position d’adopter diverses solutions aux problèmes posés.

 

Ultime élan combatif pour cette unité du génie polonaise.
Malgré une résistance initiale, le kampfgruppe nord progresse rapidement vers son objectif aidé par la Luftwaffe qui éclaire le terrain avec ses Fieseler Storch et Stuka.
Écrasés par la supériorité matérielle allemande, les défenseurs manifestement trop peu nombreux n’ont pu empêcher une progression relativement rapide des éléments blindés. La voie de ravitaillement N-E vient de passer à l’ennemi !
Sentant l’odeur du sang les fauves arrivent pour la curée ! Contrairement à ce que soutient encore et toujours la Russie (voir notamment cet article https://tinyurl.com/y38fp8pl ), les soviétiques ont bien donné la main aux allemands pour dépecer le cadavre polonais en septembre 1939.
Un pari risqué ! Si l’aviation ennemie patrouillait la zone, la progression de ce kampfgruppe vers l’objectif au S-E serait sensiblement ralentie.
Parfois le risque paye… Par chance, certainement aussi grâce aux combats précédents ayant largement amputé leurs capacités d’intervention aérienne, aucun PZL ou autre ne vient contrecarrer la prise rapide de l’objectif S-E.
Devant le peu de résistance rencontré, les unités blindées poursuivent leur progression rapide vers la route de ravitaillement située à l’est. Ce faisant elles tombent sur un aérodrome de campagne…
Une telle aubaine doit être saisie promptement. Pour une fois, la Luftwaffe se fait griller la politesse par la Heer !
Tandis que les troupes allemandes progressent vers la capitale, des unités hétéroclites survivantes de l’offensive de Kutno se replient pour défendre les derniers vestiges de ce que fut la ville. Notez la présence du train blindé ayant lui aussi déjà subit quelques dégâts.
Ce même train, quelques tours plus tard tombera aux mains des21 allemands, non sans avoir occasionné quelques pertes.
En vue de l’attaque sur la forteresse de Modlin, des éléments de reconnaissance arrivent au nord-ouest dans la région vitale de Plonsk, passage obligé pour d’éventuels renforts polonais.
Sécuriser la zone nécessite la prise de la ville de Plonsk, qui va offrir une résistance notable.
Une fois capturée, la route s’ouvre vers la forteresse de Modlin, formidablement bien défendue…
Sentant le danger de blocus pour la ville, des unités rapides sont dépêchées de positions plus au nord, pour tenter d’enrayer la progression allemande… en vain car il est déjà trop tard pour Varsovie.
La progression du kampfgruppe nord s’est faite sans grande opposition cependant, aux abords de la capitale ce sont des unités de qualité, fraiches et fortement retranchées qui accueillent les envahisseurs. Les troupes du génie s’avèrent alors indispensables.
Soutenues par les batteries de la forteresse de Modlin, des éléments d’infanterie retranchés dans la forêt de Kampinoski bloquent l’unique voie d’accès, tout en offrant un soutien aux défenseurs de Varsovie. Leur rôle consistant à ralentir les assiégeants ne sera pas à négliger.
Trop hâtivement menées, à la manière d’attaques d’opportunité, sans véritable soutien d’artillerie et d’aviation, les tentatives frontales pour enfoncer les défenses de Varsovie s’avéreront une perte de temps autant qu’un gâchis d’hommes et de matériel. Ici, une préparation soignée, méticuleuse et en force s’impose.

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Épilogue satisfaisante pour une bataille acharnée. La tentative suivante confirmera qu’une stratégie différente permet effectivement d’accomplir tous les objectifs secondaires. Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage…
Varsovie en 1945.

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Pour plus d’informations sur l’extension dans laquelle se trouve ce scénario, voyez notre article Order of Battle – Blitzkrieg, la guerre-éclair à portée de clavier. Ainsi que pour les autres DLC notre guide des extensions de Order of Battle.

A voir également en guise de comparaison ce récit de partie sur le même sujet mais abordé avec un autre gameplay : Decisive Campaigns – Warsaw to Paris : AAR Case White.

  1. Ça donne envie de m’y remettre mais j’étais resté bloqué sur le jeu d’origine à la première bataille navale que je n’ai pas su gérer et ça m’a saoûlé.

    • Je comprends parfaitement une telle réaction. J’ai moi-même eu cette réaction négative vis à vis de certaines batailles navales peu plaisantes à jouer, voire carrément pénibles pour certaines. Si OoB demeure pour moi le meilleur wargame casual du marché, il me paraît évident que l’aspect guerre maritime représente cependant le volet à revoir malgré certaines caractéristiques bien pensée (l’usage de deux types de pièces d’artillerie pour les cuirassés ou la gestion des sous-marins -en excluant celle des torpilles, qui me semble carrément ratée- etc.). Ceci dit, le jeu comporte certaines campagnes excluant totalement ou partiellement ce volet naval ! C’est la cas notable de celle que je trouve personnellement la plus réussie, Morning sun mais aussi de la campagne de Finland, Winterwar, voire des campagnes allemandes Blitzkrieg, Panzerkrieg, Endsieg ou encore Sandstorm. C’est également essentiellement terrestre avec Burma Road. Celles à éviter sont donc les modules de base, Rising sun, US Pacific et US Marines auxquelles il faut évidemment ajouter Kriegsmarine, la bien nommée et honnie ! :) Le choix reste large et les heures de plaisir nombreuses sans quasiment aucun risque de ressentir le mal de mer ou boire la tasse… ;)

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